Comme la plupart des territoires français d’Outre-mer, la destination fait rêver. C’est aussi un marché économique dynamique de l’Océan Indien avec 900 000 habitants, à proximité de la pointe sud de l’Afrique et de l’île Maurice.
Lorsque la Réunion est devenue département après-guerre en 1946, l’économie de l’île était essentiellement agricole, et plus spécifiquement tournée vers la canne à sucre. Depuis lors, le paysage s’est largement transformé et modernisé, notamment grâce à l’instauration de normes sociales françaises, en l’espèce l’instauration de la Sécurité sociale à compter de 1955, qui a largement contribué à la hausse du niveau de vie des habitants.
Panorama rapide depuis les années 70
Les années 70 ont été le témoin d’une nouvelle étape de transformation avec de nombreuses créations d’emplois notamment dans la fonction publique. Le mouvement de tertiarisation était en route ; le pourcentage des services dans l’économie a dès lors commencé à augmenter. Depuis, le commerce et le tourisme ont été de bons facteurs de progression, et la croissance économique a été au rendez-vous jusqu’à la crise des subprimes, à un bémol près, le taux de chômage, toujours relativement élevé. Depuis 2007, l’activité économique a très fortement ralenti, mais la baisse s’est enfin enrayée depuis environ cinq ans. Comme sur le continent, la quasi-disparition de l’inflation, les taux d’intérêt à leur bas historique, tout comme certains chantiers publics (la nouvelle route du Littoral) ont contribué à relancer les rouages grippés.
Des fragilités
La Réunion a souvent été qualifiée de bonne élève des territoires d’Outre-mer. Il convient cependant de ne pas s’aveugler sur des fragilités spécifiques à ce type d’économies : une forte dépendance à l’argent public, français et européen, une sur-représentation des services publics et un taux de chômage toujours élevé de l’ordre de 24% (Bureau International du Travail). Le taux d’illettrisme des 16-65 ans dépasse les 20% (7% en métropole).
Sa population est jeune et diversifiée avec des origines européenne, africaine, indienne, asiatique. Globalement, l’agriculture (qui couvre la moitié des besoins de l’ile) et le BTP représentent environ le même poids économique qu’en France. En revanche, l’industrie y est nettement plus faible, de l’ordre de 50%, tandis que l’administration y est plus importante.
Des secteurs dynamiques
Si l’on observe les créations d’emplois sur la dernière décennie, on s’aperçoit que la moitié provient des secteurs suivants : services à la personne, transports, tourisme et numérique. Mais d’autres domaines sont également ouverts, tels que les activités liés aux jardins, à la construction, ou à l’activité commerciale pure.
Les aides à la création d’entreprise sont assez similaires à celles que l’on peut trouver en France, via la Région notamment. La Direction Générale des Entreprises et Bpifrance Réunion Mayotte y sont actifs, soutenant le Réseau Régional de l’Innovation, tout comme l’ADIE, les réseaux Réunion Active et Entreprendre, une belle Technopole, la couveuse Réu.sit, etc. On peut retrouver des aides différenciées pour l’artisanat, le tourisme ou le numérique sur le site internet de la région de la Réunion ainsi que pour l’innovation sur le site investinreunion.
Le tourisme en pointe
L’activité touristique, qui représente toujours la première ressource économique de l’île, est importante et attire en termes de clientèle principalement des Français de métropole, mais aussi des touristes de la zone avec une durée de séjour respectable de plus de quinze jours. Les entreprises tentent aujourd’hui de séduire de nouvelles cibles, telles que l’Inde et la Chine.
Incontournable : la grande distribution
Une étude récente précise que la grande distribution occupe 85 % du chiffre d’affaires global alimentaire de l’île (1,7 milliard). Les premières entreprises réunionnaises sont bien implantées en grande distribution, elles ont su saisir l’opportunité le moment venu.
Groupe Bernard Hayot
On y retrouve ainsi le groupe d’origine martiniquaise, GBH, groupe Bernard Hayot, présent sur ce secteur et sur l’automobile principalement. C’est l’entreprise la plus importante de la Réunion, notamment depuis son annonce de racheter l’autre grand groupe de distribution, Vindemia, vendu par Casino. Mais il n’est pas le seul à être présent sur ce segment.
Groupe Caillé
Ce groupe est typique de ceux que l’on retrouve fréquemment dans les îles, françaises ou étrangères, car il est dirigé par une famille depuis plus de 120 ans. Tout comme GBH, il est basé sur l’automobile et la grande distribution (Leader Price). A noter que le groupe est le plus ancien concessionnaire Peugeot encore en activité au monde, depuis 1919, une belle longévité !
Etablissements Ravate
Les Etablissements Ravate ont commencé par être une simple quincaillerie il y a 70 ans jusqu’à devenir un groupe de plus de 1000 personnes, leader sur le commerce non-alimentaire via de grandes franchises telles Leroy-Merlin (bâtiment, bricolage, habillement). L’un des plus importants de la Réunion, le groupe est toujours géré par les douze enfants du fondateur.
Thiaw Kine et Gimel-Chong Fah Shen
Les deux familles ont commencé séparément, développant les enseignes Leader Price, puis E.Leclerc et Carrefour en parallèle. Elles se sont alliées pour poursuivre leur croissance sous l’enseigne Leclerc. Contrairement à ce qui se passe sur le continent, un nouvel hyper a ouvert l’an dernier, un autre est prévu cette année, prouvant le dynamisme du groupe.
Ghanty
Egalement en distribution, mais sur le textile et le cosmétique, Ghanty développe notamment l’enseigne Undiz sur l’île.
D’autres activités dans le top 10
Isautier
Depuis 1845, l’entreprise met en avant les couleurs de la plus ancienne distillerie de la Réunion. Peu à peu, si le rhum reste toujours une valeur sûre, d’autres activités sont venues renforcer l’activité avec l’élevage, l’immobilier et le tourisme.
Marbour
Plus récent, le groupe a été créé en 1954 par le Marseillais Marcelin Bourdillon à Madagascar d’abord, avant d’aller développer ses activités à la Réunion et à l’île Maurice. En 1987, au décès du Pdg, ses trois enfants décident de filialiser les activités. C’est la naissance du groupe Marbour dirigé par Jean Bourdillon. On le sait peu, mais l’entreprise est l’un des leaders européens du riz suite à plusieurs opérations de croissance externe.
L’éclosion dynamique des start-up
La filière numérique est déjà bien structurée avec 500 entreprises, 5000 salariés, 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Elle bénéficie également d’excellentes formations sur place, comme celle d’Epitech, dont la réputation n’est plus à faire et la fibre est présente. Etre le « hub de l’innovation » de l’Océan Indien, voici l’ambition du territoire. Si certains pensent que cela représente un objectif difficile à atteindre, on peut leur répondre que les mots sont du président de la République en personne lorsqu’il s’est rendu à la Réunion. Emmanuel Macron a en effet mis en avant les atouts de l’île, insistant sur le fait qu’il était important de faire venir de nouveaux acteurs et de s’appuyer sur ce territoire de par sa situation géostratégique.
Un marché de rebond
Philippe Arnaud, président de la filière numérique et chef d’entreprise, a bien entendu ces mots et applaudi que la France voit enfin la Réunion comme un marché de rebond. A son avis, les « outre-mers » dans leur ensemble doivent être considérées par les investisseurs comme des plateformes d’expansion économique, non pas seulement dans le sens continent-île, mais plutôt continent-île-autre destination. Pour cela, il est indispensable d’atteindre une masse critique d’entreprises pour adresser des marchés dans l’Océan indien et en Afrique. Pour appuyer ses propos, il faut rappeler que tous les marchés qui entourent l’île sont en forte croissance ; la Réunion se situe de plus sur l’une des routes maritimes les plus actives avec le canal du Mozambique, et des câbles sous-marins numériques sont déjà installés.
Quelques pépites à connaître
Dans les entreprises innovantes, on retrouve bien entendu des grands comme Engie, dont la cellule de la Réunion dépend de Singapour. L’équipe présente travaille sur les énergies renouvelables, la taille du marché en faisant un laboratoire idéal, ni trop grand, ni trop petit. N’oublions pas que le département a pour but d’atteindre l’indépendance énergétique d’ici 2035.
LeWello : All we need is move
Installé sur le marché de la mobilité durable, l’entreprise réunionnaise a créé un véhicule urbain connecté et solaire : le Wello. Ce triporteur autonome avec petits panneaux solaires sur le toit pollue moins qu’un véhicule électrique, il est destiné aux transports urbains. De plus, il est connecté ce qui permet par exemple le suivi d’une flotte. L’entreprise a déjà décroché des contrats avec la Poste, EDF, et le ministère de l’intérieur. Adapté pour les déplacements au quotidien ou pour les livraisons des derniers kilomètres, on peut aussi imaginer l’utiliser pour de courts déplacements professionnels ou dans le cadre de l’éco-tourisme. Longue vie à la start-up de Saint-Denis créée par 4 associés, Arnaud Chéreau, Grégory de Radiguès, Daniel Thébault, David Amiouni.
Réuniwatt
La start-up propose des systèmes innovants permettant l’observation des progressions des nuages pour des prévisions à court terme, de jour comme de nuit. Cette précision permet entre autres de prévoir la chute de l’énergie solaire, afin de permettre de mieux réguler l’activité des centrales d’énergie, permettant ainsi une économie. Fondée par Nicolas Schmutz, l’entreprise a déjà été primée à plusieurs reprises et s’inscrit dans la problématique de maîtrise du changement climatique.
Le fondateur peut être fier de cette aventure, Réuniwatt étant aujourd’hui reconnue au niveau international. Il a utilisé les structures existantes : technopole de Saint Denis, convention CIFRE, concours d’aide à la création, prêt OSEO, mais insiste sur le fait qu’il « faut de l’inconscience et de l’endurance pour être entrepreneur… il ne faut pas s’essouffler. » Aujourd’hui, Nicolas Schmutz est entouré d’une quinzaine d’ingénieurs et doctorants
Medialight
Fondée en 1992, cette entreprise de services numériques est devenue incontournable à la Réunion dans les métiers liés à internet, qu’il s’agisse de création de sites, d’emailing, de référencement, d’hébergement et de formation. Une performance si l’on veut bien se souvenir que l’entreprise a été créée alors qu’internet et la téléphonie mobile n’existaient pas en 1992. C’est Philippe Arnaud, également président de la filière numérique, qui y a cru au départ en imaginant des solutions notamment pour les secteurs touristique et bancaire.
A.F.
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