Reprendre l’entreprise familiale est généralement considéré comme une chance, même si ce n’est pas toujours l’avis de certains héritiers. Il est vrai que pour chacun d’entre eux, cela représente un changement souvent bien plus important que prévu.
Le coeur de l’économie française
Chacun le sait, les PME familiales sont le coeur de l’économie française, elles représentent plus de 80% des entreprises, du petit commerce à de grands groupes. On leur reconnaît des forces bien caractéristiques, telles que la culture basée sur les valeurs familiales, une mesure différente du succès (non lié à la satisfaction d’actionnaires purement financiers), une prise de décision plus rapide à long terme afin de préserver leur indépendance. Parmi les freins, on peut citer les difficultés ) recruter et retenir les meilleurs profils, une aptitude au risque limitée, et parfois un accès au capital plus restreint.
Une succession de s’impose pas
La succession et la transmission de l’entreprise familiale sont fréquemment la difficulté majeure à laquelle se trouvent confrontés les dirigeants de ces affaires. Un phénomène qui est complexe à gérer, car contrairement aux autres sociétés, le raisonnement à tenir n’est pas simplement objectif et professionnel, mais aussi privé et personnel. Un nouveau problème se pose également depuis quelques années : les enfants naissent plus tard dans la vie, et il arrive à présent assez fréquemment qu’au décès du père ou au moment où il désire se retirer, ils soient encore trop jeunes et inexpérimentés pour être à même de diriger la société.
Un passage de relais parfois compliqué
Ces éléments ne sont pas typiques de la France : au niveau mondial, un peu plus de la moitié des entreprises seulement a prévu un plan de succession, mais en France ce taux n’est que de 15%, auxquels, on peut ajouter celles qui ont mis en place une charte familiale (22%). Succéder aux générations précédentes n’est pas simple, mais le choix de celui ou celle qui va prendre la suite n’est pas toujours facile non plus, surtout si de nombreux membres de la famille peuvent prétendre à la fonction, ce qui est le cas au fil des générations et de la multiplication des héritiers.
L’exemple du Groupe Blanchet
Certains passages de relais sont moins évidents que d’autres, ainsi le groupe Blanchet, spécialiste du transport routier, est dirigé par deux sœurs, Emmanuelle et Stéphanie, depuis 1994. Suite au décès de leur père, elles se sont retrouvées face à ce défi de la reprise de l’entreprise alors qu’elles n’avaient que 25 et 26 ans. Emmanuelle témoigne des difficultés qu’elle a rencontrées en arrivant « les cinq premières années ont été très difficiles, notamment en terme de management ».
Son autorité n’étant pas reconnue, une partie de l’équipe a démissionné, et il a fallu en reconstituer une nouvelle ; la concurrence en profitant pour dire que l’entreprise serait probablement rachetée : « La confiance met de nombreuses années à s’installer auprès des clients et fournisseurs ». Ces constatations ne sont pas exceptionnelles, loin de là, on les retrouve de façon identique dans la bouche de bien des successeurs.
Vers une disparition progressive ?
La transmission à la génération suivante ne se fait pas sans difficultés, et il arrive très fréquemment, en particulier dans les TPE, que l’entreprise soit rachetée ou disparaisse corps et bien. Les chiffres sont assez parlants : En Allemagne, 51% des entreprises familiales sont transmises à la famille. En Italie, le taux est de 70% ; en France, de 14%. Une explication ?
Certainement les droits de mutation élevés, 45% de la valeur de la société en France (hors pacte Dutreil). En Allemagne, ils varient entre 7 et 30%. Espérons que le gouvernement se penchera rapidement sur cette question au cœur de notre tradition économique française. Car reprendre l’entreprise familiale est certainement l’un des plus beaux défis d’une vie !
A.F.