Ce dispositif permettant aux salariés d’acquérir des actions de leur entreprise à des conditions préférentielles séduit aujourd’hui de plus en plus de sociétés. Des entraves à l’actionnariat salarié demeurent néanmoins, au grand dam des spécialistes.
Un nombre croissant d’entreprises tricolores se lancent dans l’actionnariat salarié impliquant davantage les salariés dans la réussite de leur entreprise en leur permettant de devenir actionnaires de celle-ci à des conditions préférentielles.
Ainsi, Impact Group (ex-Proplast), une entreprise d’emballages alimentaires située dans le Nord, a ouvert son capital à ses 900 salariés travaillant en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Espagne. La société, qui réalisé en 2021 un chiffre d’affaires de 165 millions d’euros, est détenue pour l’heure aux deux tiers par le dirigeant et sa propre sœur. Mais il y a. Quelques mois, le groupe a déclaré vouloir « agrandir la famille à l’ensemble des collaborateurs ». « Nous sommes en plein développement de notre groupe, avec une vision, une entité et des convictions fortes. Je suis fier que notre aventure commune puisse être également partagée par cette opération d’actionnariat », a commenté le dirigeant. À condition d’avoir au moins trois mois d’ancienneté, les salariés intéressés peuvent ainsi acquérir des parts du FCPE (fonds commun de placement d’entreprise) à travers un versement provenant soit d’un arbitrage de leur épargne, soit par un versement personnel, pour un montant minimum de 200 euros et un maximum de 25% de la rémunération annuelle brute en cas de versement personnel.
Aramis Group, leader européen de la vente en ligne de voitures d’occasion aux particuliers, a lui aussi mis en place une opération d’actionnariat salarié intitulée « SHARE 2022 », par laquelle l’entreprise « vise à associer les collaborateurs du groupe à son développement et à ses performances ». Également proposée dans quatre pays, cette opération sera accompagnée d’une augmentation de capital qui portera au total sur un maximum de 0,5% du capital social, soit 414 142 actions dont le prix d’achat pour les salariés sera inférieur de 30% au cours de référence.
Des champions de l’actionnariat salarié
En décembre dernier, la Fédération Française des Associations d’Actionnaires Salariés et Anciens Salariés (FAS) a organisé la 17e édition de son Grand Prix de l’actionnariat salarié. Celui-ci a récompensé OVHcloud, Vinci, Orange et Samse.
Active depuis plus de 30 ans pour sensibiliser les milieux économiques et politiques sur l’importance de l’actionnariat salarié, la FAS a décerné son Grand Prix à OVHcloud, ce leader européen du cloud ayant réussi à faire acquérir 9% de con capital par 98% de ses salariés lors de son introduction en Bourse sur Euronext Paris en octobre dernier. « Cette dynamique a été marquée par une utilisation de tous les dispositifs possibles : internationalisation de l’offre, abondement unilatéral et décote de 30% instaurés par la loi Pacte, excellente communication vers les salariés », explique la FAS.
Le Prix Coup de Cœur du Jury a été décerné à l’entreprise de distribution de matériaux de construction Samse en raison de «sa vision de très long terme du partage de la valeur et de l’actionnariat salarié, mise en place dès 1968 ». Une politique qui a conduit à ce que 20% de de son capital soit détenu par ses salariés, et qui lui a permis de maintenir son indépendance face au risque de rachat par un fonds d’investissement, comme l’explique un article du site spécialisé Le Revenu paru le 20 décembre 2021.
Un actionnariat salarié à libérer
L’actionnariat salarié est donc un dispositif ancien et largement utilisé par nombre d’entreprises françaises, mais son fort potentiel – tant du côté de la direction de l’entreprise que de ses salariés – pourrait sans nul doute être encore mieux exploité s’il était moins enserré dans un carcan législatif.
A l’inverse de cette évolution souhaitable, le Conseil d’Etat a rendu en juillet dernier trois décisions visant à taxer en tant que plus-values la revente de certains titres de capital détenus par les dirigeants (les « management packages »), ce qui ferait passer leur fiscalité d’une « flat taxe » de 30% à une imposition progressive jusqu’à 45%. Une situation vivement critiquée par Thibaut Bechetoille, président de Croissance Plus, et Jérémie Jeausserand, avocat associé au cabinet Jeausserand Audouard, dans une tribune publiée dans Les Echos le 1er décembre dernier. Cette décision de la plus haute juridiction administrative constitue selon eux un « coup de tonnerre » et serait particulièrement nuisible aux start-ups, PME et ETI françaises car, ne pouvant pas offrir des salaires comparables à ceux proposés par les grands groupes, celles-ci convainquent bien souvent les cadres à fort potentiel de les rejoindre (ou de rester) en les faisant accéder au capital de l’entreprise.
Au lieu d’une refonte de notre modèle fiscal, Thibaut Bechetoille et Jérémie Jeausserand estiment qu’il serait « bien plus simple, efficace et politiquement acceptable de déverrouiller les outils dont disposent d’ores et déjà les actionnaires qui souhaitent associer leurs dirigeants et salariés à la croissance de l’entreprise et notamment les attributions gratuites d’actions et les BSPCE ». « Si des outils non réglementés, tels que ceux visés par le Conseil d’Etat sont utilisés par les actionnaires et les entreprises, c’est uniquement car les outils réglementés sont encadrés trop strictement », analysent les deux experts, qui jugent par exemple nécessaire de « relever à 30 % (au lieu de 10 ou 15 % actuellement), le pourcentage du capital qui peut être attribué gratuitement aux salariés, de retirer la limite de détention individuelle de 10 % qui bloque l’attribution de telles actions à des salariés déjà actionnaires ».
Des mesures qui paraissent simple à mettre en œuvre et qui augmenteraient le bénéfice « gagnant – gagnant » (pour l’entreprise et pour ses employés) faisant le succès de l’actionnariat salarié. Comme le résument les auteurs la tribune, « il en va de la réconciliation entre travail et capital et de la fin du clivage stérile entre salariés et actionnaires ».