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Lagazel, les deux frères qui veulent éclairer l’Afrique


Entrepreneurs et humanistes, Arnaud et Maxence Chabanne développent une gamme de lampes solaires fabriquées au Burkina Faso pour éclairer les zones rurales hors du réseau d'Afrique subsaharienne.

Entreprendre - Lagazel, les deux frères qui veulent éclairer l’Afrique

Entrepreneurs et humanistes, Arnaud et Maxence Chabanne développent une gamme de lampes solaires fabriquées au Burkina Faso pour éclairer les zones rurales hors du réseau d’Afrique subsaharienne.

Faire de l’ombre aux géants Phillips et Panasonic en territoire africain, tel est le pari que se sont lancé les frères Chabanne. L’aîné, Arnaud, 38 ans, ingénieur dans le domaine des énergies renouvelables, a tout quitté il y a une dizaine d’années pour s’installer à Dédougou, au Burkina Faso.

Entrepreneur dans l’âme, il crée en 2004 CB Énergie, une entreprise spécialisée dans l’étude, l’installation et la maintenance d’équipements solaires. Initiateur du projet Lagazel, il se lance dès 2008 dans la fabrication de lampes solaires. «Arnaud s’est installé au Burkina dans le but de changer de vie.

Il souhaitait entreprendre, mais dans un esprit solidaire, afin d’apporter quelque chose dans un pays ou il n’y a rien», confie son frère Maxence, 32 ans, qui dirige la PME familiale Chabanne depuis 2011. Implantée à Saint-Galmier près de Saint-Étienne depuis plus de 50 ans, cette entreprise spécialisée dans la transformation des métaux réalise 13 M€ de CA.

  Entreprendre en famille

En 2015, les deux frères réalisent une levée de fonds de 1 M€ et associent leurs compétences et l’expérience de leurs deux entreprises pour créer Lagazel, un projet innovant capable d’éclairer l’Afrique. «Avoir une entreprise est une chance inouïe… qui n’empêche pas de se poser des questions», explique Maxence Chabanne, qui a pris la suite de son grand-père et de son père à la tête de la PME familiale.

«Entreprendre en Afrique est une manière de redonner de ce que j’ai reçu. Nous allons créer de l’emploi local et fabriquer des lampes solaires qui vont permettre aux plus démunis de s’éclairer chez eux. Pour moi, c’est un juste retour des choses». Les liens familiaux qui unissent les deux hommes facilitent leurs relations de travail : «Nous nous connaissons bien et acceptons nos défauts respectifs, ce qui est plus simple pour se comprendre. Nous travaillons ainsi en totale confiance, sans douter, en sachant que l’on peut compter l’un sur l’autre. Il y a beaucoup d’entraide entre nous, ce qui est un atout».

À en croire l’entrepreneur trentenaire, l’implantation de Lagazel au Burkina Faso s’est passée simplement. «Nous avons réaménagé et agrandi l’atelier de CB Énergie à Dédougou pour le transformer en une unité de production industrielle de lampes solaires de haute qualité, conçues pour être facilement fabriquées sur place. Nous employons un jeune ingénieur en VIE qui a démarré il y a quelques mois. Il suit les équipes de production au Burkina et leur apprend à mettre en place des procédures de fabrication dignes d’une entreprise occidentale».

  Un projet écologique et solidaire

S’éclairer est un besoin vital. Or, dans le monde, 1,5 milliard de personnes vivent hors du réseau électrique, dont 650 millions en Afrique. Fort de ce constat, les deux hommes ont développé une gamme de lampes solaires innovantes vendues entre 20 et 30 € afin de sortir du noir les habitants des zones rurales de l’Afrique subsaharienne. «Notre offre répond à un besoin très important. À Dégoudou, les populations les plus pauvres accordent environ 30% de leur budget familial à l’énergie, pour l’électricité et la recharge des téléphones portables. Avec les produits Lagazel, une fois que les familles ont fait l’investissement de la lampe, elles disposent d’une énergie gratuite qui recharge également les téléphones portables».

Les composants utilisés sont majoritairement français : CB Énergie assure le service après-vente, la collecte et le recyclage des produits en fin de vie, la protection de l’environnement étant également une préoccupation quotidienne de la jeune pousse. Surtout, les lampes sont conçues pour durer grâce à leur coque faite d’un métal particulièrement robuste.

«C’est important d’apporter des solutions à des populations s’éclairant, aujourd’hui encore, avec des lampes à piles qui polluent énormément par les déchets qu’elles génèrent, ou avec des lampes à pétrole, polluantes pour la planète mais surtout toxiques pour les gens qui les utilisent au quotidien. Nous proposons de remplacer ces vielles énergies par des énergies solaires, saines pour l’environnement et les utilisateurs».

  Une stratégie de différenciation

Pour s’imposer sur le marché des petits produits solaires en Afrique, Lagazel mise sur une stratégie de différenciation qui s’exprime en amont, en aval et au cœur du processus de production. «Les leaders mondiaux de l’éclairage solaire fabriquent leurs produits en Asie du Sud-Est. Nous sommes les premiers à fabriquer une lampe solaire industrielle prête à l’emploi en Afrique subsaharienne. C’est ce qui est innovant dans notre modèle».

Cette proximité permet d’ailleurs aux deux frères, en plus de créer des emplois locaux, d’offrir à leurs clients des garanties et des services inexistants chez leurs concurrents. L’offre est également pensée pour satisfaire les besoins particuliers du continent africain. Aujourd’hui, seuls 25% de la population y bénéficient d’un réseau électrique fiable, alors que près de 50% des habitants sont équipés d’un téléphone portable.

En proposant une lampe solaire capable de recharger les mobiles, les fondateurs proposent une véritable solution par rapport aux géants du solaire. Enfin, la qualité des produits Lagazel est nettement supérieure à celle des produits concurrents… et pas plus cher compte tenu des services inclus dans le pris de vente. «Nos lampes sont certifiées par la Banque mondiale. Peu d’entreprises répondent à cette certification technique majeure dans le domaine des petits produits solaires hors réseau», insiste Maxence Chabanne.

  Des objectifs ambitieux

«La fabrication en grande série a démarré cet été et nous fabriquons désormais plusieurs milliers de lampes chaque semaine mais nous restons pour le moment de petits acteurs». Pour autant, Lagazel espère vendre 1,3 million de lampes d’ici à 2020 qui profiteront à 6 millions de personnes. Pour se faire, les deux frères misent sur L-Box, un concept d’atelier «clé-en-main» mis au point par la PME familiale.

«Le but est de dupliquer dans d’autres pays la fabrication mise en œuvre au Burkina. Nous nous intéressons ainsi de près au Cameroun et au Sénégal pour y installer des ateliers de fabrication». Lorsque ces objectifs seront atteints, la jeune pousse aura créé 150 emplois directs, installé 10 ateliers, et évité l’émission de 850.000 tonnes de CO2. Mais les frères Chabanne gardent les pieds sur Terre : «Notre principal objectif, c’est la viabilité et la rentabilité de Lagazel car nous sommes une entreprise financée à 100% par des investissements privés». De quoi donner confiance aux investisseurs !

  Des PME solidaires

CB Énergie

CA : 500.000 €

30 salariés

Basée à Dédougou, Burkina Faso

Plus de 30.000 lampes solaires fabriquées depuis 2008

Chabanne

CA : 13 M€

70 salariés

Basé à Saint-Galmier (France, 42)

Lagazel

1 M€ levés

Objectifs 2020 : 150 emplois directs, 10 ateliers, 850.000 tonnes de CO2 évitées, 1,3 millions de lampes vendues

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