Par Tom Benoit, essayiste et directeur de la rédaction de Géostratégie magazine
La State Bank of India a récemment rejeté un paiement en dollar correspondant à une cargaison de pétrole qui devait être livrée en Inde par le géant russe Rosneft.
Une telle opération allant à l’encontre des sanctions en vigueur contre la Russie qui sont ordonnées par l’UE et le Royaume-Uni, l’Inde a été contrainte de traiter en yuan.
Si la démarche satisfait les dirigeants chinois, dont l’une des grandes ambitions assumées est d’internationaliser leur monnaie, pour les Indiens, traditionnels alliés de l’Occident, le pas est moins assuré. Notons au passage que le yuan est devenu en mars 2023 la monnaie la plus utilisée pour le commerce transfrontalier.
L’Inde est donc forcée d’agir avec précaution, surtout lorsqu’elle se procure des quantités considérables de pétrole russe en traitant en yuan avec la banque de Chine, et que d’autre part, elle exporte une partie du volume de ce même pétrole vers des pays européens.
La précaution semble être aussi de mise lorsqu’il s’agit d’éviter de faire état de ces ajustements au reste du monde. Bien que ce changement de devise utilisée serait probablement présenté par l’Inde comme une modification conjoncturelle liée à la situation de Moscou causée par la guerre en Ukraine, New Delhi ne souhaite pas incommoder l’Occident en faisant un étalage trop expansif de l’abandon du dollar en faveur du yuan pour certaines transactions pétrolières.
La puissance économique repose avant tout sur le pouvoir qui peut être exercé sur les ressources énergétiques ! Washington le sait, et l’accroissement d’une “petroyuanisation” des échanges pèse sur l’hégémonie monétaire des États-Unis.
Pour la plupart des citoyens américains, davantage encore pour ceux vivant sur la côte ouest des USA, conscients de la supériorité de leur État et de la prospérité de l’économie de celui-ci, la “dédolarisation” n’est pas un sujet. Du côté des dirigeants, il s’agit d’une préoccupation qu’il semble être judicieux d’occulter.
À quelques jours du sommet des BRICS, lors duquel l’annonce de la création d’une monnaie commune adossée à l’or ainsi qu’à un panier de devises est prévue, les interrogations quant à l’avenir du dollar ne peuvent qu’être suspendues. Nul doute que dans cette affaire, l’Inde occupera une place aussi ambiguë que majeure ; celle d’un pays qui représente la première puissance démographique mondiale, une grande puissance des BRICS, mais aussi, un pays géopolitiquement “ami” du camp Occidental.
En mars 2023 le Yuan est devenu la monnaie la plus utilisée pour le commerce transfrontalier.
Tom Benoit