L’entreprise familiale Etam (13 580 à travers le monde, 1 292,1M€ de CA, 3 906 points de ventes dans le monde), fleuron de la lingerie française, n’a pas fini de surprendre et d’innover. Co-gérant du groupe, Laurent Milchior nous livre les secrets de cette destinée hors du commun.
Quelle est l’histoire du groupe Etam ?
Le groupe Etam est une marque française familiale dont la lingerie est le cœur de métier. Notre décision de sortir de la Bourse de Paris cet été témoigne d’une volonté forte de conserver le groupe sous contrôle familial. La famille Milchior détient aujourd’hui 70%, 85% avec ma tante, les autres 15% étant détenus par la famille co-fondatrice. Notre histoire s’inscrit dans la durée même si aujourd’hui le monde évolue beaucoup plus rapidement. Nous devons suivre ce mouvement, être vigilants, proactifs et faire preuve d’agilité.
La fierté d’être français fait partie du patrimoine de la marque. Nous signons « French Liberté » pour la marque Etam afin d’exprimer notre vision de la féminité et de la sexyness à la française. Nous considérons la femme comme un sujet et non comme un simple objet.
Quelle est la philosophie du groupe en matière d’innovation ?
Les décisions prises concernant les transformations de l’entreprise sont un point essentiel pour construire l’avenir du groupe. Nous nous sommes toujours positionnés en pionniers.
Etam fut la première marque à présenter les soutiens-gorge sur cintre et non dans des boîtes, cette nouveauté permettant d’augmenter considérablement les ventes. Nous avons mis en place un système informatique complètement intégré avant tous les autres acteurs de notre secteur, nous étions parmis les premiers e-commerçants de textile français en 2001…
Notre philosophie consiste à regarder en permanence ce qui se fait ailleurs pour nous projeter et continuer d’innover. Si nous ne sommes pas certains de la rentabilité d’un projet au moment de son lancement, nous privilégions l’audace et misons sur le fait qu’il soit un mouvement de fonds porteur. L’innovation est au cœur de nos gènes et un moteur de nos actions.
Comment conjuguer savoir-faire traditionnel et innovation ?
Sur notre metier de lingerie, nous avons conservé une usine à Marcq-en-Barœul, dans le Nord de la France, qui emploie 60 personnes.
Nous ne produisons plus sur ce site car les coûts de production sont trop élevés en France par rapport à notre gamme de prix mais toutes nos mises au point sont réalisées dans ce Tech Center. Nous avons un savoir-faire français de corsetier que nous avons su délocaliser dans des bassins de sourcing variés. Si nous n’étions pas un groupe familial et que nous recherchions uniquement la rentabilité à court terme, il y a fort à parier que ce site aurait été fermé.
En se séparant de ce centre, nous aurions perdu un savoir-faire précieux qui fait partie de notre identité. D’un côté, nous capitalisons donc sur notre savoir-faire historique ; de l’autre, nous misons sur le digital et nous nous développons à l’international.
Quel est votre univers concurrentiel ?
Lorsque l’on regarde l’Histoire, on constate qu’aucun groupe de mode généraliste français n’est devenu une référence mondiale. Les retailers francais ont inventé un système de distribution dont nous sommes particulièrement fiers mais ces entreprises ont fait preuve d’une certaine arrogance vis-à-vis de ce modèle de distribution en toisant les acteurs internationaux qui se créaient.
Le sourcing et un magasin très commerçant étaient au centre des stratégies, quand la partie immatérielle de marque était relativement peu présente chez les distributeurs français.
Des acteurs mondiaux comme Zara ou H&M ont réussi à créer un statut de marque grâce à leur offre, leurs points de ventes et l’expérience globale. Depuis presque 10 ans, nous réalisons un important travail sur les marques Etam et Undiz afin de leur redonner du contenu : participation à des défilés, animation de campagnes, embellissement des magasins…
Nous réinvestissons quasiment l’intégralité de notre free cash flow dans notre réseau de magasins et dans les innovations car nous devons proposer une vraie expérience à notre cliente.
Comment faire face à la déferlante Amazon ?
Le meilleur rempart consiste à ne pas l’attaquer en frontal. Sur des produits à faible valeur, il est très difficile de rivaliser avec Amazon en raison de la largeur de leur offre. Nous devons nous battre sur un autre terrain afin de tirer notre épingle du jeu : celui de la valeur de marque, de l’expérience client et de la créativité. Nous devons nous différencier en apportant de la valeur ajoutée au client.
Quels sont vos axes de développement à l’international ?
A l’export, nos efforts se portent sur la lingerie. Nous ne sommes pas en mesure de rivaliser frontalement avec les géants mondiaux.
Quelques acteurs comme Zara et H&M, qui réalisent 25 milliards de CA chacun, ont atteint une taille critique. Le groupe réalise un chiffre d’affaires conséquent (1.3 Md€ en 2016, Ndlr), mais c’est vingt fois moins que ces leaders mondiaux, il existe donc une disproportion importante avec ces majors, les plus grands groupes français de textile atteignant 2 Mds€ de CA.
Il nous faut donc trouver des niches, à l’image de la marque 123 qui adresse une femme un peu plus mûre à qui nous proposant un produit de qualité et du service. Sur ce créneau, la concurrence est moins présente, nous pouvons donc exister plus facilement.
Vous êtes implantés en Chine depuis 1993. Quelles difficultés rencontrez-vous sur ce marché ?
Au niveau de l’image et de la valeur de marque, nous n’avons pas su reproduire le travail déjà réalisé en Europe. En Chine, nous sommes positionnés sur le prêt-à-porter à travers quatre marques (Etam, Etam Week-End, ES, E&Joy). Nous bataillons en frontal avec les leaders mondiaux sur un canal de distribution de grands magasins qui ne nous est pas très favorable.
Nous avons démarré le e-commerce un peu trop tardivement il y a 5-6 ans, le taux de pénétration n’étant que de 12% de notre chiffre d’affaires alors qu’il devrait être supérieur.
Nous n’avons pas su diversifier et faire évoluer les canaux de distribution assez vite, nous nous retrouvons donc un peu coincés sur un canal vieillissant avec des offres que nous souhaiterions plus modernes mais avec une cliente n’ayant pas forcément le profil. Aujourd’hui, nous travaillons à l’évolution de nos canaux de distribution : redistribution du parc de magasins, montée en gamme de nos lignes produits, digitalisation d’une autre marque…
Nous avons un vrai projet de transformation sur le prêt-à-porter en Chine. Sans réinvention, l’avantage que nous avions est devenu un inconvénient.
Comment avez-vous adapté la marque à la culture chinoise ?
La marque n’est pas complètement globale car notre modèle en Chine est porté par les marques Etam Paris, Week-End et ES, assez différentes de ce que l’on connaît avec Etam en France. Nous réfléchissons à changer le nom d’Etam Paris en conservant les marques Week-End et ES moins attachées à la marque Etam. La griffe « By Etam » perdurera afin qu’Etam devienne avant tout une marque globale de lingerie.
Nous avons une équipe dédiée en Chine pour développer l’activité lingerie. A l’horizon de 3 ou 4 ans, notre objectif est que la Chine soit un de nos plus gros marchés après la France en Lingerie avec la marque Etam.
En synthèse, nous souhaitons développer l’activité lingerie d’un côté et, de l’autre, réorganiser nos canaux de distribution et travailler sur le positionnement de chacune des marques sur le prêt-à-porter.
Quelle est votre politique d’investissement ?
Dans nos métiers, il est crucial de réinvestir sur ses réseaux, sur ses marques et sur son produit. Une politique de sous-investissement conduit inévitablement à prendre du retard. Les leaders mondiaux investissent plusieurs milliards par an : Inditex réalise 3 Mds€ de résultats et réinvestit 2 Mds€.
Nous investissons tous les ans 60 millions d’euros en Capex (investissements de l’entreprise, Ndlr), c’est un investissement significatif, même si l’écart est colossal. Nous l’avons vécu à nos dépens lors du rachat d’Etam Angleterre en 1998. Nous souhaitions redresser la société qui perdait alors beaucoup d’argent en faisant des collections plus globales. Nous avons désinvesti en Europe du Sud afin d’investir massivement en Angleterre.
La société a été remise à flot mais des erreurs de management nous ont conduits à perdre de nouveau pas mal d’argent : nous avons décidé de céder le parc magasins et de conserver la marque en Angleterre. H&M est arrivé en novembre 1997, insufflant une dynamique de développement très forte ; Zara, déjà présent depuis quelques années, a accéléré son développement au même moment. Notre désinvestissement en France s’est ressenti car au lieu de continuer de nous moderniser, nous sommes restés pendant 4-5 ans dans une espèce de statu quo…
Au niveau de la rentabilité, la sentence fut douloureuse. Nous avions à nos côtés des acteurs plus séduisants, plus sexys et plus modernes.
Nous venons de célébrer les 10 ans d’Undiz. Sur la première année, nous avons investi l’équivalent de 50 M€ en plus de notre Capex habituel sur une entreprise qui fait une centaine de millions d’Ebitda par an. L’ampleur de l’investissement nécessitait de bien accrocher dès le départ. Il est indispensable de prendre des risques et oser : lorsque j’ai lancé le site de e-commerce en 2001, l’idée pouvait sembler saugrenue.
A l’époque, tout le monde se demandait qui allait bien pouvoir acheter des vêtements sur Internet.
La prudence voudrait que nos frais de siège soient très tenus. Nous avons réalisé une importante progression de rentabilité au niveau de nos magasins en Europe, en partie absorbée par la hausse des frais. Cette amélioration fut rendue possible par nos changements d’organisation, notre investissement dans le marketing et les relations presse, etc. Nous sommes dans une phase d’investissement significatif.
C’est à ce prix que le groupe continuera d’exister- la composante digitale devrait à terme atteindre 20-25 %. Beaucoup de retailers ont racheté des acteurs digitaux, à l’image des Galeries Lafayette avec La Redoute. Cet apport de compétences externes est le seul moyen de passer un cap significatif. En lingerie, il n’existe pas 50 acteurs digitaux dans la place, le choix est donc assez limité.
Comment imaginez-vous l’avenir ?
Lorsque vous êtes un groupe familial, la question est de savoir s’il faut s’entêter sur ce métier stricto sensu ou imaginer comment le faire évoluer pour passer les 50 prochaines années. Les trois plus importants acteurs de textile mondiaux – H&M, Inditex et Uniqlo (Japon) – sont des groupes familiaux dans lesquels la famille est opérationnelle et impliquée dans le business.
Réinvestir suppose d’être animé par de vraies convictions. Certaines familles ont décidé de faire autre chose que du retail, la stratégie fut peut-être un bon choix sur le plan patrimonial mais leur activité de retail s’est progressivement éteinte.
Comment digitaliser le point de vente pour enrichir l’expérience client ? Quelle est votre approche du « phygital » ?
Le digital a un coût additionnel et présente une équation différente. Sur Internet, une cliente génère la marge du produit moins un coût variable (coût logistique, coût d’acquisition, etc…), alors qu’une cliente additionnelle en magasin génère 100% de marge. Si nous détournons des clientes du magasin en leur offrant plus d’avantages en ligne avec une rentabilité inférieure pour nous, nous allons grever notre capacité à investir, à nous transformer et à nous développer.
Comment éviter cet écueil ?
Nous avons développé une politique commerciale identique sur le Web et les points de ventes physiques. Proposer des livraisons en magasin dès le premier jour était une évidence, moins onéreuse sur le plan logistique. Ce service permet également de réaliser des ventes additionnelles en magasin (17% de clientes achètent autre chose lorsqu’elles récupèrent leur commande sur le point de vente) et de nous assurer de la qualité du service délivré.
Depuis 4 ans, tous nos magasins sont équipés d’Ipad : lorsqu’un produit n’est pas disponible en magasin, la cliente peut le commander en générant un QR Code et être livrée en 48h en magasin ou à domicile.
Comment mettez-vous en place des innovations technologiques ?
Nous avons des equipes dediées à l’innovation soit en interne, soit sous forme de Joint Venture, je m’implique fortement. Il y a 5 ans, lorsque nous avons souhaité pousser l’omnicanal, j’ai pris certains de ces sujets en direct car ils sont essentiels pour la transformation de l’entreprise. J’ai confié la réalisation du projet à l’un de nos informaticiens et, en 4 jours, nous étions capables de tester une version simplifiée de la solution.
La réaction de nos clientes étant très positive, nous avons ensuite développé la solution définitive en moins d’un mois. Etonnamment, ce sont les clientes de la marque 123 les plus réceptives et consommatrices de ce service alors qu’il s’agit d’une population plus âgée. Les produits de cette marque étant plus onéreux, l’achat est plus impliquant, les clientes souhaitent essayer et nous disposons de beaucoup plus de temps pour les accompagner en cabine.
Qu’a apporte le numérique à votre métier ?
Beaucoup de valeur ajoutée. La centralisation des données des ventes nous permet de réassortir quotidiennement les magasins en fonction du potentiel de ventes de chacun d’entre eux et des demandes des clientes, – ce réassort journalier a permis une augmentation de 30 à 40 % du chiffre d’affaires des points de ventes. Grâce à mon père qui a importé cette idée des Etats-Unis et notre partenaire IBM, nous avons été des pionniers en Europe.
Par la suite, tout le monde ayant adopté ce système, notre valeur ajoutée de départ s’est annulée. Après une période durant laquelle l’informatique a eu moins d’impact, nous nous trouvons à nouveau dans une belle dynamique mais avec des outils beaucoup plus légers et une plus grande célérité. Les cycles des projets sont désormais très courts (moins de 6 mois) : on développe une solution, on la teste et, si cela fonctionne, on passe en production.
Innovation, réseaux sociaux, digital : la marque Undiz agit-elle comme un éclaireur ?
Avec Undiz, nous évoluons dans un écosystème plus entrepreneurial. Sébastien Bismuth fut entrepreneur avant de prendre la direction générale de la marque. Notre directrice artistique Lisa Chavy a monté sa structure, Atelier 31, à travers laquelle elle assure la prestation de style pour Undiz.
Elle a également lancé la marque Livy en étroit partenariat avec nous. Notre ancien directeur de la technologie, Jean-Bernard Della Chiesa, vient de créer Scrambled, société dans laquelle le groupe a pris une participation. Il réalise tous les « proof of concept » du groupe (développement de solutions en moins de 6 mois). Nous testons plein de solutions en interne et, lorsqu’elles fonctionnent, nous menons le développement jusqu’au bout.
Quelle est la particularité de vos boutiques « Undiz Machine » ?
Le concept est né à Toulouse avec la contrainte d’un local ne faisant que 44m2 de superficie mais disposant d’un grand sous-sol. Nous avons travaillé avec cinq start-up pour réaliser ce projet. Entre la présentation de l’idée en comité de développement et l’ouverture du magasin, il s’est écoulé 6 mois, alors que dans d’autres groupes de tels projets mettent 2 ans à voir le jour.
Lancé en janvier 2015 à Toulouse, le concept a créé une révolution dans la façon d’acheter en magasin : les clients utilisent des bornes digitales avec un important confort d’achat, des sélections de produits fines et des capsules aéropulsées circulant dans des tuyaux. Ce magasin de moins de 50m2 réalise le chiffre d’affaires d’un magasin de 150m2. Nous avons étendu le concept dans plusieurs villes : Paris, Marseille, Strasbourg… Nous avons une taille propice aux initiatives entrepreneuriales de ce type.
Comment adaptez-vous le management à ces nouvelles ruptures technologiques internes ?
Aujourd’hui, la V0 d’un projet est en réalité déjà la V4 : tout est instantané. Dans la communauté informatique, il existe des petits malins qui souvent braquent leur management car disposés à faire passer leur idée 3 ou 4 échelons au-dessus de leur hiérarchie. Il faut préserver ce mode fonctionnement afin de conserver leur valeur technologique.
Après Undiz, vous avez lancé Livy en septembre, une griffe de corsetterie de luxe accessible. Quelle stratégie sous-tend ce nouveau projet ?
Pour lancer Livy, nous avons misé sur le talent de Lisa Chavy pour la partie créa, sur notre technologie et notre expertise retail ainsi que sur le savoir-faire de Dan Arrouas, co-fondateur de Ba&sh pour le middle luxury. Entre l’idée et l’ouverture de la première boutique, 15 mois se sont écoulés.
En France, Le groupe Etam représente 18 % de parts de marché sur la lingerie et 50 % sur le commerce spécialisé. De quelle marge disposez-vous pour vous développer ?
Notre développement ne sera pas très important sur les années à venir en termes d’ouvertures de nouveaux points de ventes: nous ouvrirons au maximum une trentaine de magasins Undiz. Disposant déjà de 300 magasins de lingerie Etam, nous n’en ouvrirons donc pas un de plus en France. Depuis que j’ai repris la direction du groupe en 2009, nous n’avons pas ouvert de magasin de lingerie, nous les avons déplacés, agrandis et embellis tout en élargissant l’offre.
Comment gérer cette position de leader sur le marché intérieur ?
La faiblesse d’un retailer est de considérer qu’il est plus simple de se développer dans son pays qu’à l’international. Mais une fois la part de marché maximale atteinte, on crée de la banalité, l’ouverture de nouveaux magasins cannibalise les autres et la rentabilité se dégrade. Nous devons travailler sur les 300 magasins existants pour les agrandir et offrir une expérience client plus approfondie. Compte tenu des flux nécessaires pour Undiz, nous avons identifié un potentiel de 170 points de vente. Nous en avons 128 aujourd’hui, il reste donc une petite trentaine de points de vente à ouvrir en France car nous en avons déjà signé 10 autres.
Comment expliquer l’incapacité des acteurs français de la mode à créer une marque globale ?
En dehors de la sphère du luxe, les seuls retailers ayant réussi évoluent dans l’univers de la beauté et des cosmétiques : Sephora, L’Occitane et Yves Rocher. Cette situation s’explique par l’absence de valeur de marque, les leaders français sont avant tout des distributeurs et ne sont donc pas assez différenciants. Lorsqu’ils ouvrent à l’étranger, ils sont perçus comme un distributeur de mode de plus qui n’apporte rien de spécial.
A son arrivée sur le marché, Primark (Irlande) apporte quelque chose de radicalement différent en proposant des produits à 4 euros. Chez H&M, les prix sont à 10 euros mais les collections sont réalisées par des égéries comme Karl Lagerfeld. Zara, quant à lui, propose l’Avenue Montaigne (sic). Même si les prix sont plus élevés que H&M, on ne trouve ces produits nulle part ailleurs – ils ont créé une supply chain sur ce créneau-là qui représente une barrière infranchissable.
Quels sont les axes de développement prioritaires pour Undiz et Etam ?
Nous pensons qu’Undiz a un positionnement de marque qui n’existe nulle part ailleurs, même si la lingerie est plus difficilement internationalisable. Concernant Etam, nous souhaitons nous affirmer en tant que marque de mode pour devenir la marque de lingerie généraliste la plus tendance.
Nous allons capitaliser sur notre position de leader français (l’enseigne a été désignée « marque de lingerie préférée des Françaises », Ndlr) et faire valoir la dimension « made in France » à l’étranger. N’oublions pas que le mot lingerie est un mot français et que le produit a été inventé en France. La France jouit d’une aura incroyable à l’international au niveau de la mode. Nous sommes donc les plus legitimes.
Comment abordez-vous l’international ?
La lingerie étant un petit marché (2,7 Mds€ en France, Ndlr), notre réussite à l’international est un point clé pour écrire les 50 prochaines années. Notre développement à l’international suppose une forte notoriété, un concept et un positionnement différenciants et une organisation matricielle adaptée.
Tous les outils que nous créons en France doivent systématiquement être imaginés et pensés pour la France et l’international. Nous avons unifié nos développements : lorsque nous testons quelque chose en France, nous le développons immédiatement à l’international.
Depuis 5 ans, nous connaissons chaque année une progression à périmètre égal, tendance à contrecourant du marché de la mode qui subit une forte inflexion. Notre pente de progression est possible grâce à la création d’un cercle vertueux : nous avons travaillé les marques, les produits et tout l’écosystème autour.
Où en est votre projet d’implantation aux Etats-Unis ?
Nous sommes en discussions avancées avec un partenaire local. Victoria’s Secret est le leader mais il n’existe pas véritablement de numéro deux. Nous faisons aujourd’hui partie des sept plus grosses sociétés de lingerie mondiales. Les six qui nous précèdent n’étant pas toutes des retailers, nous avons une carte à jouer sur ce marché.
Comment comptez-vous percer sur ce marché ?
Nous devons faire preuve d’humilité et ne surtout pas débarquer armés de nos certitudes, sous peine d’échouer. Nous devons prendre en considération les spécificités de ce marché (marketing, planning commercial, animation des équipes, perspective de carrière, etc) et faire évoluer notre offre tout en conservant notre ADN. Les moyens requis sont gigantesques : le marché est dix fois plus gros et nécessite dix fois plus d’investissements.
Pour un acteur du retail souhaitant s’implanter outre-Atlantique, le seuil minimum pour exister est d’une centaine de magasins, ce qui représente une centaine de millions d’investissements. Nous n’avancerons sur ce marché qu’à la condition de trouver les bons partenaires locaux, d’abord pour leur savoi- faire mais egalement pour leurs investissements.
Quelle expérience proposez-vous à vos clientes en magasin ?
Apple agrandit ses points de vente pour en faire des lieux d’expériences. Les centres commerciaux et le centres-villes deviennent des lieux de rencontres et d’échanges.
Nous allons assister à un phénomène de concentration : les lieux qui auront le plus à offrir continueront d’exister et d’attirer des clients car ils seront en mesure de proposer une véritable expérience, tandis que les lieux vieillissants souffriront en raison de le leur manque d’intérêt et donc d’attractivité.
Croyez-vous encore au commerce de proximité ?
Je crois au redéveloppement d’un commerce de proximité, ainsi qu’à la force d’attractivité des beaux sites très esthétiques et proposant une experience. On cherche cette immédiateté offerte par le digital. En revanche, on n’a pas forcément besoin d’un soutien-gorge ou d’un jean dans les cinq minutes, je ne suis donc pas convaincu de la nécessité de disposer d’un commerce de mode juste à côté de chez soi.
Le projet SquadSHIFT
De par notre activité, nous faisons souvent appel à l’intérim et aux CDD sur les points de ventes, et par ailleurs, nous avons beaucoup de temps partiels en magasin. De ce constat simple est né le projet SquadSHIFT que nous avons géré comme une petite start-up au sein de l’entreprise.
L’idée étant d’utiliser systématiquement l’application avant de recourir à de l’intérim ou à un CDD. Il n’est pas exclu à termes que nous commercialisons cette application à l’extérieur.
Ces deux start-up qui aident Etam à se réinventer
Nous avons investi dans deux start-up : une dans la RFID (Retail Reload ) et l’autre dans la data des réseaux sociaux. Nous avons passé toute l’entreprise en RFID (étiquettes radio fréquences) et l’année prochaine, l’intégralité de nos marques seront en RFID, ce qui nous permettra d’avoir un stock juste en magasin à tout moment et instantanément. Une cliente pourra donc savoir en ligne si un article est disponible en magasin à l’instant T.
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