Seul aux commandes du club de football de Montpellier suite au décès de son père, Laurent Nicollin, 45 ans, perpétue la tradition familiale. Egalement directeur général du Groupe Nicollin (310 M€ de CA), numéro trois français de la propreté derrière Veolia et Suez, il revient sur son parcours au sein de l’entreprise familiale, tout en évoquant le futur stade et les ambitions de son club.
Au début des années 90, vous êtes entré dans le groupe familial en faisant des jobs d’été…
Oui, pendant ma scolarité. Je suis vraiment entré dans le groupe en 1993 en tant que surveillant : je gérais une équipe d’une quinzaine d’employés qui était en charge de la propreté d’une zone de la ville de Montpellier.
Etait-ce une volonté de votre père ?
Je suis allé travailler là où il me disait d’aller travailler (rires). J’avais 20 ans, je n’avais pas l’âge de décider… Mais j’ai passé des étés à balayer les rues à Lyon quand j’étais chez ma grand-mère, je connaissais donc un peu le métier. Et de toute façon, j’avais un loyer et l’électricité à payer.
Qu’avez-vous appris de ces années au plus près du terrain ?
C’était intéressant de gérer des hommes, même s’il n’est pas évident de dire des choses à un homme de 45 ans quand tu en as 20… J’ai essayé d’être droit et juste. Ce furent deux très belles années marquée par l’insouciance.
Avez-vous souffert d’être le « fils du patron » ?
J’avais plus de responsabilités. Je devais être irréprochable, en faire plus que les autres. Il fallait effacer l’idée que j’étais là parce que je m’appelais Laurent Nicollin et que j’étais le fils du patron.
Quel est aujourd’hui votre rôle au sein du Groupe Nicollin ?
Je suis directeur général, j’essaie d’épauler mon frère (Olivier, 48 ans, PDG du groupe, NDLR). Je ne suis pas aussi présent que je le souhaiterais, mais Olivier tient bien la barque. Je m’occupe beaucoup du foot, mais tous les matins, je suis au siège du groupe. Je fais des réunions, des rendez-vous avec des maires pour essayer de gagner des marchés…
Que représente l’entreprise ?
C’est ce qui nous donne à manger, c’est la base de la famille. Même si je suis dans le foot désormais, j’ai quand même commencé dans les poubelles (rires).
La répartition – le groupe à Olivier, le club à vous – avait-elle été décidée en amont ?
Pas du tout. Mon père nous répétait souvent : « C’est moi le patron ». Les choses se sont mises en place naturellement. J’ai toujours suivi le foot. Quand j’avais 12-13 ans, on allait voir les matches avec mon frère. Au club, au départ, je suis juste venu donner un coup de main au niveau administratif. Je suis ensuite devenu président de l’association (en 2000, NDLR), puis délégué.
Qu’est-ce que vous faites différemment de votre père ?
Chacun a son caractère. Mon père était peut-être plus incisif, plus explosif. Mais je ne suis pas un jeune président qui débarque : cela fait 18 ans que je suis au club.
Quel est votre moteur ?
La passion. Si tu n’a plus envie d’attendre l’avion le samedi pour aller voir jouer ton équipe et boire un café avec les joueurs, c’est compliqué… Si un jour ça devient plan-plan, je ferais autre chose.
Vous voyez-vous encore être la tête du club dans 10 ans ?
Je m’y vois encore quelques années. J’admirais mon père parce qu’il est resté plus de 40 ans à la présidence. Quand je vois tout ce qu’on doit faire tous les jours, comment a-t-il fait pour tenir aussi longtemps ?
Avez-vous d’autres projets ?
On essaie de développer d’autres branches que les déchets. Il y a aussi des régions — la Bretagne, par exemple – où nous aimerions avoir le marché.
Pourquoi le nouveau stade est-il vital pour l’avenir du club ?
Si le club veut avoir des ambitions, il lui faut d’autres revenus. Le stade n’est pas le Saint Graal, mais presque… Il nous faut un stade avec des lieux de vie où les gens prendront plaisir à venir avant, pendant et après le match. A l’heure d’aujourd’hui, il n’y a pas de parking, il est situé dans une zone inondable…
J’entends les critiques de certains sur le fric. Le club appartenant à mon frère et à moi, s’il manque des sous, c’est nous qui les mettons sur la table. On n’est pas là pour se remplir les poches, on doit juste pérenniser le club.
Quel impact ce stade aurait-il sur le budget ?
Je pourrais passer de 42-43 M€ à 55-60 M€. Cela couvrirait les 6 M€ qui me manquent en début de saison, permettrait de recruter de nouveaux joueurs, et d’avoir une équipe plus compétitive (le MHSC a terminé 10ᵉ de Ligue 1 la saison dernière, NDLR). Aujourd’hui, on fait des miracles avec ce qu’on a.
Quand ce projet va-t-il se concrétiser ?
On doit déterminer le montage financier le plus adapté pour le club, la métropole et les Montpelliérains. Le club ou le groupe fera en sorte que la collectivité ait le moins à payer. On espère attaquer les travaux fin 2019-début 2020, avec une mise en service en 2022-2023.
Ouvrir le capital du club, vous y réfléchissez ?
Nous ne sommes fermés sur rien, mais cela ne fait pas partie de nos réflexions. Maintenant, je vais être honnête avec vous, si quelqu’un veut prendre 10 % du club contre un chèque de 100 ou 200 M€, on l’accueillera avec grand plaisir et on l’invitera à manger en bord de mer.