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Laurent Tapie veut relancer la mythique marque automobile Delage


Quelle meilleure manière d'honorer la mémoire de son père ? Le fils de Tapie relance un mythe disparu en 1953.

Mandoga Media/dpa/ABACAPRESS.COM

Quelle meilleure manière d’honorer la mémoire de son père ? Le fils de Bernard Tapie relance un mythe disparu en 1953. Les fans connaissent l’histoire de cette entreprise fondée en 1906 par Louis Delâge, qui a connu ses heures de gloire après la première guerre mondiale.

Delage ne fait pas que remporter des concours d’élégance, son dirigeant sait s’entourer des meilleurs techniciens et ingénieurs pour innover et construire les sportives de l’époque. Les années 20 vont braquer tous les projecteurs sur la marque grâce aux Grands Prix qu’elle remporte sans oublier le championnat du monde des constructeurs et le record du monde de vitesse sur route de 230 km/h.

Synonyme de luxe, de qualité, de technologie et de progrès, l’entreprise Delage semblait promise à un bel avenir jusqu’à ce que la crise de 1929 vienne l’interrompre sur sa lancée. Ces modèles magnifiques s’adressent à une clientèle privilégiée dont une partie a vu ses revenus fondre ou disparaître. L’entrepreneur se bat avec de nouveaux modèles toujours aussi brillants, mais le manque de financement mène l’entreprise à la liquidation en 1935.

Louis Delâge, la passion chevillée au corps

L’entrepreneur ne s’avoue pas vaincu, et négocie avec un investisseur, Walter Watney, afin de créer la « Société Nouvelle des Automobiles Delage » dont les modèles sont fabriqués chez Delahaye, autre grand nom de l’époque. Le succès est à nouveau au rendez-vous grâce au savoir-faire et au grand chic des modèles, mais après la disparition de Louis Delâge en 1947, l’entreprise ne survit que quelques années pour disparaitre, pensait-on pour toujours.

Le projet fou du fils Tapie

En 2019, c’est un rêve qui se concrétise pour Laurent Tapie. Car cette initiative n’a surpris que ceux qui ne le connaissent pas. Passionné d’automobile, il veut recréer le rêve Delage, mais aussi et surtout « concevoir la voiture de sport hybride la plus rapide au monde ». Né en 1974, Laurent Tapie fait penser à son père, difficile d’éviter le rapprochement, l’homme d’affaires décédé étant une personnalité connue de tous les Français. Mais il est Laurent, et non pas Bernard, il est d’une autre génération qui a bénéficié d’un cursus d’étudiant à l’ESCP/EAP, mais bon sang ne saurait mentir, il ne peut choisir une autre voie que celle de la création d’entreprise, ce qu’il fait alors qu’il n’a même pas terminé ses études.

Un seul entrepreneur aux commandes

Un court passage par le salariat le convainc qu’il ne faut pas forcer sa nature. Il devient serial entrepreneur, dans des secteurs aussi divers que le pari sportif ou la vente en ligne d’or et d’argent. Une diversité qui peut surprendre, voire interroger. Il est cependant un élément constant depuis qu’il est enfant : il adore dans un premier temps les « voitures », puis le sport automobile et la vitesse. Bernard Tapie a initié son fils à cet amour des moteurs, il avait lui-même participé à des courses de côte et quelques rallyes. Une passion partagée. Ce serait donc mal le connaître que de penser que Delage est une entreprise entrepreneuriale parmi d’autres.

Le plus beau projet de ma vie

C’est ainsi que Laurent Tapie a évoqué la nouvelle aventure Delage lors du dernier Festival de Cannes où il présentait sa voiture de démonstration pour la première fois en France. A cette occasion, il a évoqué un concours de conduite amateur qui a changé sa vie et est peut-être à l’origine de son projet actuel. Il décrocha une première place qui lui donna la chance de piloter une Formule 1, de grandes sensations qu’il n’a jamais oubliées et qu’il souhaite revivre avec la D12, digne héritière des D6 et D8 de Delage. Mais la parole ne suffit pas, même si elle est passionnée.

Force de conviction

Laurent Tapie le sait, il n’est pas le premier à venir avec un projet de reprise ou de re- naissance de la marque. Pour remporter l’adhésion des propriétaires, il décide de prendre quelques longueurs d’avance. Il peut compter sur sa force de conviction, dont tous reconnaissent qu’elle est extrêmement forte, mais il arrive en entrepreneur capable de détailler sa vision. Cela fait trois ans qu’il réfléchit à cette idée. Il a travaillé avec une équipe technique en amont, pour créer une « Formule 1 de la route ». Pour incarner ce projet, encore fallait-il trouver une marque française susceptible d’éveiller une émotion chez les amateurs et futurs clients : ce sera Delage.

Un modèle à 2 millions d’euros

Suivant l’exemple des constructeurs qui présentent des voitures de démonstration lors de certains salons, son équipe en prépare une pour la présentation aux propriétaires. Il faudra encore de longues discussions avant que Laurent Tapie ne parvienne à obtenir la licence exclusive, mais l’aventure entre- preneuriale est à présent en marche. Des présentations VIP ont déjà eu lieu à Cannes, en Californie, en Asie, au Moyen-Orient, auprès de clients potentiels, avec un objectif de production de 30 exemplaires, pour un prix de vente de deux millions d’euros le modèle, accessible pour le marché très haut de gamme des « hypercars » où l’on peut re- trouver les Veyron et Chiron de Bugatti ou les modèles Koenigsegg entre autres McLaren, Lamborghini, etc.

Les hypercars et l’exemple Bugatti

En élaborant son projet, Laurent Tapie a eu en tête l’exemple Bugatti, que Volkswagen a fait mieux que ressusciter, ainsi que certaines marques d’hypercars. Ce marché peut rendre sceptique à première vue les non-initiés, mais il s’est avéré dans le temps très rentable pour les acteurs qui s’y sont lancés. La douzaine d’investisseurs qui ont participé financièrement pour que le prototype Delage voit le jour le savent bien. Parmi ceux-ci, on retrouve des hommes d’affaires qui ne s’en laissent pas conter, tels que François Pinault ou Xavier Niel parmi les Français.

Le Made in France est un atout, car jusqu’à présent, les hypercars étaient de belles étrangères. Le siège de l’entreprise est à Marseille, mais la production se fait en région parisienne, comme par le passé. Parvenir à sortir une marque française sur ce marché mondial très élitiste est évidemment une belle aventure pour l’image de la France. Ces Tapie sont décidément hors-normes.

A.F.


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