Les grands entrepreneurs d’aujourd’hui ne peuvent plus l’être sans intégrer un minimum de dimension financière. Certains ne font même que cela, à l’image des fondateurs de Tikehau Capital, société de gestion d’actifs fondée en 2004 par Antoine Flammarion et Mathieu Chabran, et qui, en quelques années, sont devenus des princes du private equity avec quelques 30 milliards d’actifs sous gestion. Vincent Bolloré, Xavier Niel ou Bernard Arnault n’auraient jamais bâti leurs empires sans être aussi de redoutables stratèges de la finance. Il n’y a rien de critiquable à cela, bien au contraire. Quand la finance est au service du développement économique, l’équation fonctionne à plein !
Patrick Drahi est un modèle du genre de ce type d’entrepreneur financier. En quelques années, cet X / Télécoms de 57 ans a réussi, à coup de montages financiers invraisemblables, et à fort effet de levier, à constituer l’un des plus importants groupes du câble et des télécoms du continent en France (SFR, BFM), aux Etats-Unis, en Israël ou au Portugal (Meo). Un peu comme avait voulu faire Jean-Marie Messier avec Vivendi, devenu banquier d’affaires depuis. Sauf que Drahi réussit à améliorer la rentabilité des entreprises qu’il rachète, là où J2M avait plus de mal. Une différence de taille pour les financiers qui prêtent.
Un investissement de 2,5 milliards
Le dernier coup du président d’Altice, qui vient de reprendre pour 2,55 milliards d’euros, 12 ,1% du capital de l’opérateur britannique BT, en a surpris plus d’un. On attendait le propriétaire d’ Altice (40 millions d’abonnés dans le monde) et de Sotheby’s plutôt sur les marchés américains, lui qui a manqué, il n’y a pas longtemps, une OPA sur le cablo-opérateur américain Charter Pareil ou le canadien Cogeco. Avec Sotheby’s, Drahi qui a accès au top fortunes de Londres, où il se rend souvent, disposant d’un magnifique appartement, a pu se constituer un solide réseau pour pouvoir arriver à BT, l’opérateur télécom historique britannique, où il retrouve Deutsch Telekom, qui tient 12% du capital. La question est de savoir si le tycoon français se contentera longtemps d’une position minoritaire. Ce n’est pas vraiment dans ses habitudes. Même si cela prendra plus de temps que sur d’autres dossiers, puisqu’il s’est engagé à ne pas lancer d’OPA dans les six mois. À suivre.
Ce nouveau superbe pari du PDG d’Altice atteste que ses ambitions sont loin d’être rassasiées. Un bel exemple pour nombre de nos d’ entrepreneurs, qui parfois, se contentent de préserver leur pré-carré, plutôt que de chercher à se lancer dans des offensives de grand large. Le modèle Drahi atteste qu’on peut parvenir à construire un groupe d’envergure mondiale à partir de la France et sans connaître de vraies limites. L’argent n’a pas de frontières. Et il va falloir qu’on arrête d’opposer la finance à l’industrie. Les deux restent liés, tant il n’y a pas d’industrie sans finance !
Jean-François Rosselin