Décryptage – Malgré l’annonce de résultats de mi-année plutôt positifs en dépit de l’impact de la crise sanitaire, le groupe Casino a vu jeudi son cours de bourse dévisser de 13%. Si certains analystes ont voulu voir dans cette chute inouïe une sanction de la communauté financière, d’autres s’interrogent sur un retour des attaques de fonds spéculatifs anglo-saxons dont le groupe avait déjà été la cible à l’été 2018.
Pour le groupe Casino, le mois d’août 2020 ressemblera-t-il à l’été 2018, au cours duquel celui-ci avait été ciblé par des fonds de vente à découvert anglo-saxons ? Après la chute spectaculaire de son cours de bourse jeudi lors de l’annonce de ses résultats du deuxième trimestre et du premier semestre, la question est désormais sur toutes les lèvres. Pour plusieurs analystes, la disproportion entre la nature des résultats communiqués par le groupe de grande distribution, qui a vu son chiffre d’affaires et sa rentabilité progresser au cours du T2, et la réception de ceux-ci par la communauté financière pourrait s’expliquer par l’action en sous-main des mêmes fonds short sellers américains qui parient à la baisse sur le cours du groupe stéphanois et cherchent à le démanteler pour remporter leur mise.
Une réaction des marchés financiers en décalage avec les résultats du groupe
Car si le groupe Casino a lui aussi été fortement impacté par la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, en raison notamment des surcoûts engendrés par la gestion de crise (frais de nettoyage, achat de matériel de protection, primes exceptionnelles aux salariés), celui-ci a du reste connu des frais comparables à ceux qui ont pesé sur les résultats de ses concurrents dans la grande distribution. Le groupe Carrefour, qui a choisi de comptabiliser les primes exceptionnelles et avantages assimilés versés dans le cadre de la pandémie de Covid-19 hors du calcul de son résultat opérationnel courant, à rebours des consignes de l’Autorité des marchés financiers, masque ainsi ces fameux surcouts. Pour autant, le groupe d’Alexandre Bompard, qui a bénéficié des premiers effets de son vaste plan social, a vu son cours de bourse progresser de 3,81%, alors que celui-ci présente dans le même temps des résultats beaucoup plus contrastés en raison de la désaffection de ses hypermarchés durant la crise sanitaire.
Les marchés financiers paraissent aussi dans le même temps ignorer les signaux très positifs présentés à travers les résultats du T2/S1 de Casino, et qui confirment pourtant en pleine crise du Covid-19 la présence de fondamentaux solides parmi les actifs du groupe : les bonnes performances de Cdiscount, qui a enregistré une croissance de GMV de 25% et a conquis 1 million de nouveaux clients au cours de deuxième trimestre, les bonnes performances de ses enseignes de proximité en France (+6% de chiffre d’affaires) et en Amérique Latine (+17%), le déploiement de ses nouvelles innovations et notamment l’accroissement de son parc de magasins autonomes, ou encore la poursuite malgré la crise de son plan de cessions d’actifs non stratégiques (Leader Price et Vindémia dans l’Océan Indien) afin de se désendetter.
Casino, déjà victime des fonds spéculatifs à l’été 2018
La disproportion entre les résultats présentés par le distributeur et la réaction des marchés fait ainsi planer le doute sur une éventuelle action des fonds anglo-saxons qui s’étaient déjà montrés très actifs à l’été 2018 contre le distributeur stéphanois.
Parmi eux, le fonds activiste Muddy Waters, parfois présenté comme un chevalier blanc de la finance par ses soutiens et ses conseils en France, s’était montré particulièrement actifs à l’encontre du distributeur stéphanois, en faisant valoir les niveaux de dette élevés de ce dernier, ainsi qu’un manque de transparence dans la présentation de ses comptes pour tirer son cours à la baisse. En réponse à la guérilla médiatique et judiciaire mené par le fonds américain, le groupe Casino avait choisi de placer ses holdings de tête en procédure de sauvegarde en mai 2019, ce qui lui avait permis de se mettre à l’abri le temps de négocier le rééchelonnement de sa dette auprès de ses créanciers, et les salariés avaient serrés les rangs. L’offensive de Muddy Waters avait en outre abouti à l’ouverture d’une enquête de l’AMF et la constitution d’une commission d’enquête parlementaire quant à la légalité des pratiques de ce fonds spéculatif.
Un remake de l’été 2018 ?
Outre ces différents éléments, les soupçons qui pointent un potentiel retour des short sellers se justifient notamment par l’activité croissante de ces fonds sur le titre au cours des derniers jours. Car si les résultats communiqués par le distributeur jeudi auraient dû contribuer à affaiblir les vendeurs à découvert positionnés sur le titre, la réalité a cependant été toute autre.
Avant même la publication des résultats, le fonds Tybourne Capital Management a ainsi augmenté de 18.88% sa position vendeuse sur Casino, avec 1.84 millions d’actions détenues, soit 1,70% du total. Quant à Citadel Europe LLP, le schéma est le même avec une augmentation de 62% de sa position vendeuse, portant à 0.8% de l’ensemble des actions Casino la part détenue par Citadel.
Outre ces fonds qui ont augmenté leur emprise sur le cours, d’autres acteurs comme Systematica Investments sont entrés dans la danse, avec une prise de position short portant sur 552 974 titres pour ce dernier, équivalant à 0,5% du nombre de titres en circulation. Avec un cours sur ses plus bas historiques, il n’en fallait pas plus pour réactiver du côté des opérateurs et des analystes les rumeurs qui avaient eu cours en août dernier d’une possible OPA d’un concurrent sur le groupe Casino. Et de tous les prétendants possibles, seul le nom de Carrefour revenait avec insistance. Au final il n’en avait rien été en 2019. Assisterons tout en 2020 à un remake de ce scénario ?