Je m'abonne

Le marché de l’eau minérale aiguise l’appétit des investisseurs


Ils ne se sont pas donné le mot. Mais de plus en plus d’hommes d’affaires lorgnent sur la reprise de marques d’eau minérale.

Entreprendre - Le marché de l’eau minérale aiguise l’appétit des investisseurs

Ils ne se sont pas donné le mot. Mais de plus en plus d’hommes d’affaires lorgnent sur la reprise de marques d’eau minérale.

Le marché de l’eau minérale est l’un des plus importants qui soit depuis longtemps. Il s’est avéré fort rentable pour les grands groupes qui le dominent. Ces dernières années, la question du plastique est venue bousculer la donne et a provoqué de multiples adaptations industrielles, ainsi que l’apparition de nouveaux formats moins gourmands de cette matière première, telles que les bouteilles de 5 à 8 litres.

De nouveaux acteurs

Depuis quelques années, de nouveaux entrepreneurs se sont lancés face aux grands groupes du secteur cherchant à mettre en avant l’atout du local et de la qualité de leur eau. Ces marques sont généralement positionnées sur le haut de gamme et se battent pour conquérir et garder leur territoire. Le marché global reste cependant aux mains des grandes marques, suite aux nombreuses opérations de concentration qui ont eu lieu ces dix dernières années.

Bonneval, l’eau millénaire militante

L’eau minérale naturelle de Bonneval jaillit naturellement de terre et il est hors de question pour les deux fondateurs de bousculer l’équilibre écologique lié à la source. Les cofondateurs, Jean Moueix et David Merle, ont des profils complémentaires ; le premier est un serial entrepreneur issu d’une famille bien connue du milieu viticole et a acheté 100% des droits d’exploitation de la source en 2017 ; son associé, directeur général de Bonneval Waters, est ingénieur des Ponts-et-Chaussées. Tous deux ont mis en place des méthodes respectueuses de l’environnement : ne pas prélever plus de 20% des capacités de la source, 100% d’électricité verte, transports au gaz naturel, revalorisation des déchets, PET recyclé pour les bouteilles, bouchon recyclable… tout a été étudié dans les moindres détails.

Le projet a exigé des investissements importants, mais pour les deux hommes, la mission sociétale de l’entreprise est tout aussi importante que sa raison d’être économique. Et proposer une eau pure, voire purifiante, au consommateur dans les meilleures conditions qui soient est le but qu’ils poursuivent. La commercialisation a déjà commencé depuis plus d’un an ; on retrouve ainsi déjà Bonneval chez l’enseigne Monoprix en France.

Saint-Géron, la gallo-romaine si élégante

La Saint-Géron est une eau minérale naturellement gazeuse, faiblement minéralisée, présente en restauration et clairement positionnée sur le haut de gamme. Vendue dans une belle bouteille en verre dont le design a été réalisé par l’artiste argentin Alberto Bali, elle a reçu la médaille d’or du 2e concours international des eaux gourmet, une nouvelle vie pour cette marque rendue possible grâce à un collectif engagé en faveur des produits d’excellence française.

Un peu de l’histoire de France

Cette marque auvergnate a connu un prestigieux passé jusqu’au début du XXe siècle où le déclin a commencé pour se conclure par l’arrêt de l’exploitation il y a 46 ans, en 1975. Si elle revit depuis 2005, c’est grâce à un groupe d’entrepreneurs-artisans qui ont souhaité relancer cette eau historique, ancienne « reine des eaux de table ». Mais c’est aussi l’entêtement d’un homme qui est récompensé, car sans Jean Robert, la Société des eaux de Saint-Géron n’existerait pas.

Un sauvetage in-extremis L’homme a racheté la source en 1994 et obtenu l’autorisation d’exploitation fin 2002. Une nouvelle usine voit le jour en 2005, la production commence dès l’année suivante. La société est « familiale » avec une cinquantaine de partenaires engagés à défendre la cause de l’eau de Saint-Géron. Tous sont connus pour leur attirance envers la qualité et le goût, tels les chefs étoilés Alain Dutournier ou Michel Rostang, les familles vigneronnes Billecart et Mitjaville ou des entrepreneurs comme Michaël Klein (Cosmetosource) qui, entre autres, ont souhaité s’impliquer dans cette aventure.

Un tiers de la production est vendu en France, le reste à l’export, notamment aux Etats-Unis, uniquement en restauration et chez les cavistes. La grande persévérance du Bordelais Jean Robert a permis la renaissance de cette eau premium qui a frôlé la faillite. Cette presque mort a provoqué le changement de stratégie gagnant de l’entrepreneur vers le haut de gamme, quitte à réduire fortement les volumes.

Treignac, la corrézienne qui plaît à Hollande

Cette eau corrézienne a été mise en lumière par le président Hollande. Prisée des belles tables de la restauration pour sa légèreté, elle connaît une belle reconnaissance après avoir été soutenue pendant de longues années par la Société propriétaire, les Eaux de Treignac, ainsi que l’appui constant de la municipalité et du Conseil Départemental. Cette eau plate peu minéralisée sort d’une région privilégiée par la nature, le parc naturel régional de Millevaches, étape du chemin de Compostelle.

Ce côté un peu mystique a peut-être donné l’idée du lancement de l’Eau de Brume de Treignac, utilisée en projection sur le visage afin d’apaiser et rafraichir l’épiderme. L’ambassadeur de cette eau, Fabrice Sommier, meilleur Sommelier 2015 par Gault et Millau, évoque « rondeur, équilibre, élégance » pour désigner le produit. Il la recommande également pour le thé, lui qui est amateur de ce breuvage.

Il y a à peine une dizaine d’années, Waldemar Kita, président du FC Nantes a surpris son entourage en achetant la source de Treignac, avec l’intention de la distribuer dans de hauts lieux de l’hôtellerie-restauration. L’homme d’affaires franco-polonais qui a fait fortune dans l’ophtalmologie a permis de sauver l’entreprise qui connaissait des difficultés, comme de nombreuses sources françaises. Sa fille Stéphanie, à l’origine de la nouvelle forme de bouteille, est gérante de la société.

On le voit, ces sources locales parviennent à survivre face aux grands groupes, même si leurs parts de marché sont réduites et leur influence souvent locale ou régionale. Nombreuses sont celles qui ont souffert de la crise de la Covid-19 avec la fermeture de la restauration et des évènementiels en dépit de caractéristiques qui les placent clairement sur le « haut du panier ». Douces, légères, minérales, avec peu ou pas de nitrates, leur process respectueux de l’écologie leur permet de garder un positionnement haut de gamme, garant de leur survie.

V.D.

À voir aussi