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Le nouveau pari d’Olivier Baussan, fondateur de l’Occitane

On doit à cet amoureux de la Provence et entrepreneur infatigable nombre de marques mythiques du Sud : de « L’Occitane en Provence », aux savons « Le Petit Marseillais » ou de l’enseigne « Oliviers & Co ».

Entreprendre - Le nouveau pari d’Olivier Baussan, fondateur de l’Occitane

Aujourd’hui à la tête du groupe Territoire de Provence, le propriétaire de la Confiserie du Roy René, célèbre pour ses calissons, œuvre à 71 ans pour relancer une filière propre de culture de la pistache, après celle de la lavande ou de l’amande. Et de lancer l’enseigne La Maison de la Pistache.

Vous êtes devenu entrepreneur très jeune ?

Olivier Baussan : J’avais 23 ans, je venais d’avoir ma licence de lettres. En 1976, l’écologie n’était pas un mouvement, mais le premier choc pétrolier avait posé des interrogations sur l’avenir. Nous étions des utopistes, mais l’utopie est une réalité en puissance.

Le premier salon Marjolaine de 1977 avait rassemblé tous les « babas cools », il y avait Poilâne, des apiculteurs, des personnes qui voyaient l’agriculture autrement. Lorsque j’ai vu cet alambic chez un paysan, j’ai immédiatement eu envie de refaire des choses que j’avais vues dans mon enfance, cet achat m’est apparu comme une évidence. J’adorais l’utiliser, l’odeur de la lavande bien sûr, mais aussi le geste ; entreprendre peut aussi être poétique. Je ne m’inquiétais pas, si cela ne marchait pas, la voie était tracée pour aller vers le professorat.

Vous avez connu un énorme succès avec L’Occitane (revendue en 1992 à Reinold Geiger). Comment avez-vous racheté ensuite la confiserie du Roy René ?

C’est ma banquière qui m’a appelé pour m’informer de la vente. J’avais 62 ans, mais cela était très tentant, un nom mythique lié au Noël de l’enfance. Je me suis lancé et j’ai bien fait, car cela m’a permis de créer le plan de relance de l’amande en Provence, avec l’appui de L’Occitane qui en consommait 100 tonnes, et le double pour le Roy René. Le raisonnement était identique à celui de l’olivier vingt ans auparavant. André Pinatel (Président de la Chambre d’Agriculture des Alpes-de-Haute-Provence) avait un réseau étendu et nous avons créé un syndicat interprofessionnel pour relancer l’amande, avec l’appui du conseil régional et du ministère de l’Agriculture. Aujourd’hui, 1 200 hectares sont plantés en Provence.

La Provence est dans mes tripes, les valorisations du territoire me concernent. La sauvegarde de la lavande, c’était aussi celle de l’âme de la Provence. Il a fallu aller chercher des fonds, trouver des solutions pour stopper son dépérissement, accéléré par le réchauffement climatique. Nous avons réussi à obtenir des aides sur le long terme, de la part de Chanel, Mane et Fils, et d’autres. Il est inutile d’aller au bout du monde, Territoire de Provence s’est constitué au fil des opportunités, ici dans la région.

Après l’olivier, la lavande, l’immortelle corse, l’amande, voici venir la pistache ?

Nous sommes une bande de copains d’un certain âge, dotés de très bons réseaux et d’une solide expérience. Lorsque la question s’est posée de trouver comment permettre à l’agriculture provençale d’avancer avec le problème du réchauffement et ses conséquences néfastes sur les cultures, il est logique même pour un ministre de s’appuyer sur des personnes qui ont acquis une certaine notoriété par ce qu’ils ont déjà fait, et l’on nous fait confiance pour réussir.

L’Europe du Sud avance aussi, le premier producteur de pistache espagnol a planté il y a déjà 37 ans. Concrètement, la chambre d’agriculture du Vaucluse m’a contacté à propos des problèmes rencontrés sur la cerise, afin de creuser des idées de diversification des cultures. J’ai proposé la pistache, une culture qui existait ici par le passé, parfaitement adaptée au contexte actuel, car ne nécessitant pas d’eau. En à peine six ans, nous avons créé l’association, puis le syndicat, et 400 hectares ont été plantés entre Provence et Occitanie.

En quoi consiste le plan global autour de la Maison de la Pistache ?

Nous visons à recréer une filière, jusqu’à la commercialisation. L’idée d’un écrin s’est imposée. La Maison de la Pistache va rendre hommage à ce fruit à coque, présenter ses origines méditerranéennes, notamment arabes, bien que ce soit en Perse que la pistache se soit développée. En Iran, on en parle avec raffinement, comme nous parlons du vin ici. L’histoire a commencé il y a 3 000 ans, il se dit même que la reine de Saba réservait toute la production pour elle et sa cour. Les Syriens le considéraient comme un médicament, les Romains comme un aliment de bienfait pour le foie.

Le pistachier du Jardin des Plantes est là pour témoigner de son arrivée en France, lui qui est l’un des trois doyens du parc et connut le botaniste Vaillant au XVIIe siècle. La Maison de la Pistache vient d’ouvrir à Valensole, c’est un lieu où l’histoire se raconte, la Provence fait partie d’un ensemble. Il est génial de créer une entreprise nouvelle autour de cette histoire. Je me sens profondément méditerranéen, cette Mare Nostrum rapproche plus qu’elle n’éloigne, même si ses peuples sont guerriers.

Finalement, êtes-vous agriculteur ou entrepreneur ?

Je reste un entrepreneur, je ne suis pas un agriculteur, je les aime, j’ai 50 oliviers avec mon épouse, et c’est déjà du travail ! Parmi les jeunes qui ont envie de vivre de leur agriculture, passer à la vitesse supérieure est compliqué. J’ai gardé L’Occitane pendant 18 ans, puis j’ai dû abandonner une partie du capital pour pouvoir aller au-delà. J’ai été chanceux, car je n’avais pas d’argent, mais heureusement des banquiers qui ont cru suffisamment longtemps en moi.

La Maison de la Pistache vient d’ouvrir fin juin, y en aura-t-il d’autres ?

L’idée est de monter 2 ou 3 magasins dans les six mois qui viennent, à Lyon, Paris, plus un test à Oslo. Et de poursuivre avec une franchise. Notre offre est assez large, le concept consiste à présenter les grands crus et origines de la pistache, un peu comme les thés Mariage Frères ou Dammann, mais dans des boîtes en terre vernissées. Différentes variétés seront proposées, de producteurs différents, en décortiqué, avec des ajouts… Il y aura aussi un grand comptoir à pistaches apéritives avec coques, au détail. Une gamme de produits de nos manufactures sera aussi proposée, comme des produits frais, glaces, cakes, cookies…

Pourquoi avoir créé des musées autour des cultures que vous défendez ?

Mémoire et action, les deux sont inséparables. J’ai créé entre autres le musée de l’olivier, il est gratuit, il n’y a pas de rentabilité, mais il est important de transmettre cette mémoire pour valoriser l’action. À Valensole, j’ai cherché des pistachiers partout pour rendre hommage à l’histoire, ce ne sera pas que la Provence.

45 variétés de pistachiers différents seront plantées pour les visiteurs. La commercialisation de notre pistache commencera à partir de l’an prochain. J’ai pris contact avec Pierre Hermé qui ne s’approvisionne qu’en Iran, mais cette histoire l’intéresse, il a adhéré à l’association, d’autres sont intéressés comme Pierre Marcolini. Les ventes doivent aller au-delà de l’apéritif pour dégager de la valeur ajoutée et donc de la valeur ajoutée pour les exploitants.

Êtes-vous toujours amateur de poèmes japonais (haïkus) ?

J’adore la littérature en général. Je me suis intéressé à la Chine, puis au Japon, et je suis devenu un passionné du haïku, une vraie passion. C’est très curieux, je suis un Provençal, mais c’est lorsque je vais en Corse, dans une bergerie, que j’écris des haïkus face au même espace visuel : le ciel, la mer, les oiseaux, l’horizon…


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