Entretien avec Alexandre Baudaire, directeur général délégué, fils du cofondateur, Bertrand Baudaire.
Une enseigne nationale peut-elle vivre avec 87 restaurants (216 lors de la précédente reprise)?
C’est plus compliqué, mais les réseaux débutants n’ont que 4 ou 5 restaurants. Cela dépend aussi des franchisés. Pendant le temps de la liquidation, nous pouvons être sollicités par certains entrepreneurs ou franchisés qui veulent finalement nous rejoindre. Nous leur accordons des conditions préférentielles, pas de droits d’entrée, 2% de royalties les deux premières années pour arriver à 4% la quatrième année. Le périmètre va donc encore un peu évoluer. Notre ambition est de tout remettre à plat, et de repartir en développement. La marque est connue, elle a touché le fond, elle va rebondir.
Mais nous sommes restaurateurs, pas magiciens. Or, le fonds précédent a peut-être voulu des résultats trop rapides. En tant que groupe familial, nous sommes sûrs du plus long terme. Notre planning est fixé pour remettre ce concept sur les rails. Depuis la reprise fin juin, nous étudions les produits, la logistique, les fournisseurs. Les premiers impacts de ce travail se verront sur la carte automne/hiver. Ensuite, le travail continuera. D’ici 12 à 18 mois, je pense que cela sera déjà bien, mais nous nous donnons 36 mois pour reconquérir les clients. Courtepaille était devenu « has been », nous allons le rendre « vintage » et attrayant.
Allez-vous procéder à une centralisation des achats?
Nous avons bien entendu des atouts. Par exemple, nous sommes très verticalisés avec un atelier d’affinage à Brive-la-Gaillarde qui emploie une quarantaine de bouchers. Les produits qui en sortent peuvent aussi convenir aux autres enseignes à condition qu’ils apportent une valeur ajoutée. Si cela fonctionne bien en termes de qualité, de tarif et de logistique, nous gardons les partenaires historiques. Ainsi, chez Poivre Rouge, tout n’a pas changé, il faut s’appuyer sur les points forts existants.
Vous jouez gros avec cette reprise…
Oui, bien entendu. Nous restons toujours attentifs aux opportunités, à l’amélioration de la diversification de l’offre du groupe, par le prix ou les investissements. Nous poursuivons le travail de développement de nos enseignes, affinons leur modèle économique. Chacune a son propre service de développement. Être entrepreneur est un parcours semé d’embûches avant même d’avoir commencé, d’où l’importance de notre métier de franchiseur avec une approche différente dans le discours et la façon de travailler pour chaque enseigne.
À 37 ans, vous êtes le directeur général délégué du groupe La Boucherie, quel fut votre itinéraire jusque-là ?
J’ai fait des études commerciales, une alternance dans l’électroménager, chez Bosch Siemens. J’ai rejoint l’entreprise, y a exercé différentes fonctions dont le développement en 2011, puis j’ai quitté le groupe pour la foncière familiale, avant d’y revenir en 2019. La Covid est arrivée, les crises sont des moments qui permettent d’obtenir de la légitimité, de voir si la barre peut être maintenue. En 2023, 4 ans plus tard, ce moment nous a bien secoués, mais nous avons réussi à en sortir avec plus de restaurants qu’en 2019.
La franchise semble être un élément stratégique pour votre groupe ?
Nous disposons de deux métiers dans l’entreprise, le métier de restaurateur d’origine et le métier de franchiseur à part entière. La franchise est un moyen permettant de se développer plus rapidement que via une croissance organique, avec des moyens plus raisonnables. L’autre avantage est qu’un commerce ne fonctionne qu’avec un commerçant à sa tête, capable de rayonner localement, cela est d’autant plus vrai en restauration. Un franchisé n’est pas un directeur salarié. Ce choix a été l’une des raisons pour lesquelles nous allons mieux que certains. C’est une force par les temps qui courent.
Vous avez ouvert Bistrot du Boucher, Kiosque du Boucher, racheté Le Poivre Rouge en 2019, Mister Döner, et les bars à bières Constant. Pourquoi cette boulimie ?
Nous avons toujours des idées dans les cartons et restons des entrepreneurs dans la famille, avec une vision à long terme. Les onze mois d’arrêt de la crise sanitaire nous ont donné du temps pour prendre la décision de lancer ces enseignes afin de répondre à plusieurs problématiques. La première est que nous avons 139 franchisés La Boucherie en France qui ont besoin de se diversifier. La seconde est que la façon de consommer a changé, les repas structurés à table sont moins fréquents, il nous fallait répondre à cette nouvelle restauration rapide, nomade, livrée, ou en afterwork qui offre peu de services, mais est attractive en termes de prix. Elle répond aussi partiellement aux problèmes de personnel.
La troisième est l’investissement, ces nouvelles unités nécessitent des tickets moins importants, les candidats à la franchise ont des difficultés à emprunter aujourd’hui et nous touchons des personnes qui ne seraient pas venues autrement. Elles ont 50/60 000 euros, pas 250 000. Chaque enseigne dispose d’équipes opérationnelles dédiées, cela ne génère donc aucune schizophrénie au niveau des décisions.
Propos recueillis par Anne Florin