Dominique Desseigne, 78 ans est brutalement remercié par ses deux enfants après 20 ans de bons et loyaux services à la tête du groupe Barrière.
Dominique Desseigne avait la réputation de ne pas vouloir lâcher le pouvoir, ayant lui-même laissé entendre qu’il resterait à son poste jusqu’à l’âge vénérable de 85 ans. Cependant, les années passant, l’homme d’affaires né en 1944 semblait avoir un successeur tout désigné en la personne de son fils Alexandre, déjà présent dans le groupe, tout comme sa sœur cadette Joy. Mais l’année 2020 ne fut pas uniquement celle du premier confinement, elle fut aussi l’époque où cet accord non confirmé fut mis à mal.
Des dissensions sur la stratégie à mener ont vu le jour entre père et fils, jetant la suspicion sur la suite à venir, ce qui n’est jamais positif pour la santé d’une entreprise. D’autant que le groupe n’est pas vraiment habitué à changer de dirigeant. Depuis sa création en 1912 par François André Barrière qui lance l’hôtel Normandy à Deauville, ainsi que son casino, c’est Lucien Barrière, son neveu, qui a marqué l’histoire du groupe, en le développant pour en faire un acteur majeur du secteur de l’hôtellerie liée aux casinos.
A son décès, sa fille adoptive Diane (fille de son épouse hongroise Martha), prend sa succession en 1990, mais l’accident d’avion qui la rend tétraplégique met alors son mari au premier plan. Diminuée, mais toujours active, elle lance notamment avec son époux le rachat du Fouquet’s à Paris. C’est Dominique qui lui succède logiquement à sa mort en 2001 après l’avoir secondé et été son bras armé pendant des années. A une différence près, contrairement à son épouse, il est usufruitier, ce sont leurs deux enfants qui disposent de la nue-propriété.
DEUX ANNÉES COMPLIQUÉES
Il a fallu le concours d’avocats représentants le père d’un côté, les enfants de l’autre pour parvenir après plusieurs mois à arracher un accord sur les conditions de la passation de pouvoir. Dominique Desseigne avait en effet annoncé vouloir rester à la tête du groupe, et étant donné la détérioration des relations avec son fils, il craignait probablement d’être mis sur la touche une fois la passation effectuée.
Qui vivra verra, Dominique Desseigne disposant semble-t-il à présent du statut de Président d’honneur, suffisamment flou pour contenter les parties en présence. Nul doute que le conseil d’administration est à présent soulagé, comme Jean Todt, ami de Dominique et parrain d’Alexandre. Il sera à présent possible de mettre en place les idées de la nouvelle direction.
CHANGEMENT DE FONCTIONNEMENT EN VUE
Même si le groupe est plutôt discret dans sa communication, il semble bien que ce mouvement successoral provoque un changement dans le type de gouvernance. Contrairement à aujourd’hui, un changement d’importance va intervenir dans la fonction de président, contrairement à Dominique Desseigne, demain, son fils occupera la fonction, mais ne sera plus en charge de la direction opérationnelle. Celle-ci sera assurée par un nouveau venu recruté à l’extérieur, Grégory Rabuel, ex-PDG de SFR, à compter du mois d’avril.
MOUVEMENT DANS L’ACTIONNARIAT
Même si la holding familiale (la SPD, Société de Participation Deauvillaise) est le principal actionnaire, un autre acteur est présent depuis 2011 au capital. Il s’agit de Fimalac, la holding de Marc Ladret de la Lacharrière, qui devrait céder ses parts à Alexandre et Joy Desseigne. Ces derniers disposaient déjà de 60% du capital du groupe, leur situation s’en trouvera donc confortée. Tous deux travaillent
dans le groupe Barrière et veulent résolument moderniser le groupe familial, notamment en matière digitale en accentuant l’offre en matière de paris en ligne. En termes stratégiques, l’internationalisation continuera à être au programme, elle est déjà bien lancée avec l’ouverture récente d’un établissement Fouquet’s à Manhattan dans le quartier de Tribeca. Le Barrière Fouquet’s New York sera prochainement rejoint par un nouveau lancement, celui de Dubaï qui doit intervenir en cours d’année.
Ces deux nouveaux établissements rejoignent deux autres 5 étoiles à l’étranger, le Naoura de Marrakech et le Carl Gustaf à Saint-Barth. La marque Fouquet’s se développe éga-lement via des restaurants, comme celui du Musée du Louvre des Émirats Arabes Unis. Dominique Desseigne a lancé le mouvement, convaincu que cette marque avait un grand potentiel pour le groupe, suivant en cela les convictions de son épouse.
DEUX TRENTENAIRES À LA BARRE DU PAQUEBOT BARRIÈRE
Joy, la cadette de trois ans, a une excellente relation avec son frère, les deux enfants ont grandi longtemps sans mère, tout en étant ses héritiers directs. Dominique Desseigne était notaire avant l’accident de son épouse, il faisait en quelque sorte figure de prince consort que les circonstances ont obligé à rem-placer sa reine, suite à l’accident brutal qui l’a frappée et son décès prématuré.
Il a fortement contribué à l’expansion du groupe, tout en faisant preuve d’une appétence pour le pouvoir qui, à l’instar d’autres chefs d’entreprise de groupes privés, les poussent à reculer le moment de se mettre en retrait au profit des jeunes générations. A 78 ans, l’homme d’affaires Dominique Desseigne cède la place pour une nouvelle gouvernance qui doit poursuivre le développement de ce groupe hôtelier et casinotier de plus de 110 ans et qui constitue l’un des fleurons français du secteur hôtelier en France comme à l’étranger.
Anne Florin
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