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Le “PDG providentiel” n’existe plus : repenser le rôle du dirigeant


Le monde de l’entreprise est résolument entré dans une nouvelle ère. De nombreux secteurs – particulièrement dans les services – se concentrent fortement, déplaçant les pièces sur l’échiquier de la compétitivité ; le “contrat social” du monde du travail a évolué et dévalue les anciens codes relationnels ; et l’IA...

David Gillaux, PDG d'Armatis

Le monde de l’entreprise est résolument entré dans une nouvelle ère. De nombreux secteurs – particulièrement dans les services – se concentrent fortement, déplaçant les pièces sur l’échiquier de la compétitivité ; le “contrat social” du monde du travail a évolué et dévalue les anciens codes relationnels ; et l’IA plane au-dessus de tous comme l’enjeu de la décennie.

Piloter une conduite du changement efficace au sein des entreprises est donc devenu un impératif pour s’adapter à des écosystèmes en mouvement. Pour y parvenir, et engager les équipes dans une dynamique productive vers un objectif commun, les contours du rôle du dirigeant doivent invariablement évoluer.

Un nouveau “contrat social” au sein des entreprises

Notre rapport au travail a drastiquement changé au cours des dernières années. La généralisation du télétravail, en permettant à chacun de réévaluer la place donnée au travail dans son quotidien, a fait évoluer la définition et la composition du corps social des entreprises. Avec la normalisation du distanciel, le relationnel direct et informel, essentiel à tout tissu social, s’est fortement délité. Dans ce contexte, il est devenu plus difficile pour un dirigeant de véritablement engager ses équipes – et impossible de le faire seul, sans dynamique de masse.

Garantir les synergies et l’engagement sur le long terme implique un véritable changement de “mindset” que tout dirigeant se doit d’insuffler et d’incarner. Dans un contexte caractérisé par un individualisme plus exacerbé, cela passe par l’établissement de cadres permettant à chacun de contribuer au déploiement de la stratégie et de la vision de l’entreprise, et d’être impliqué à son niveau dans la réflexion et la prise de décision. Pour avancer vers un objectif commun, personne ne doit se soustraire à la responsabilité collective. Toute évolution, toute progression doit donc passer par la mise en place d’une culture de la remise en question et de la proactivité – sans pour autant instaurer (ou attendre) un sentiment d’urgence, un écueil commun à éviter qui est le plus souvent contre-productif et propice aux tensions.

Le collectif surpasse toujours l’individuel

« L’homme providentiel” n’existe pas – ou plus. L’image d’un chef d’entreprise providentiel qui incarnerait seul l’évolution d’une entreprise est obsolète. Le rôle du dirigeant doit aujourd’hui être celui d’un facilitateur, d’un accompagnateur dont le but principal est de créer un écosystème qui favorise l’engagement et l’innovation, particulièrement dans la conduite du changement.

Il est, certes, garant en tant qu’individu du lien entre l’ancien et le nouveau, devant conserver les forces héritées de l’entreprise sur lesquelles capitaliser, tout en faisant prendre conscience de la nécessité d’un changement. Cela ne peut cependant pas se concrétiser seul. Il faut en effet reconnaître et impliquer les profils “anciens”, garants de la culture historique de l’entreprise, qui permettent de fédérer autour de valeurs communes. Il faut ensuite – et surtout – faire la part belle à la nouveauté, en positionnant de nouveaux profils capables d’insuffler une autre dynamique et de mettre de nouvelles méthodes à l’épreuve.

L’objectif ici est de remporter l’adhésion des équipes, qui repose sur la capacité à faire évoluer les perceptions et à mettre en valeur les opportunités que le changement représente, tout en honorant le passé.

Construire le futur avec la “génération IA”

L’évolution à grande vitesse de l’IA affecte fortement la façon dont les entreprises se projettent vers l’avenir. L’IA s’ajoute aujourd’hui aux leviers de transformation et d’attractivité des entreprises ; elle doit donc faire l’objet d’une réflexion collective pour déterminer la place que l’on souhaite lui laisser, avec tous les risques qu’elle comporte. Personne, cependant, ne peut encore savoir à quel point ou de quelle façon elle transformera véritablement nos entreprises et nos modèles économiques.

Deux éléments sont cependant certains. Premièrement, l’IA ne remplacera pas tout, ni tout le monde. Deuxièmement, elle renforcera le rôle facilitateur et rassembleur du dirigeant, particulièrement auprès des générations nées avec l’IA dont les attentes professionnelles incluent son utilisation. Il reviendra à chaque dirigeant de cultiver une culture de l’apprentissage et de l’expérimentation – qui est en elle-même essentielle à toute conduite du changement – pour déterminer les usages à vraie valeur ajoutée.

Le rôle du dirigeant continuera de se réinventer à mesure des évolutions de notre société et de nos modèles économiques. Le véritable enjeu sera celui de l’humain : à l’heure où le lien social se délite, et où la technologie et le virtuel inondent notre quotidien, il ne faudra jamais perdre de vue son importance et toujours le placer au centre des décisions. Le dirigeant du futur sera conditionné par sa compréhension et sa prise en compte de l’employé de demain.

David Gillaux
PDG, Armatis

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