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Fred Cavazza : « L’économie de l’abondance et de la surconsommation appartient au passé »


IA, réseaux sociaux, métavers, quantique, Web3… Difficile de suivre toutes ces révolutions. Les modèles marketing du XXe siècle sont devenus obsolètes, laissant les grandes marques dans une certaine perplexité face à une multitude d’outils et un consommateur toujours plus difficile à saisir. Fred Cavazza nous donne ses prévisions sur les nouvelles tendances du marketing pour 2025.

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À quoi ressemblera le marketing de demain ?

Fred Cavazza : En 2025, les marques seront confrontées à un problème de rentabilité générale des opérations marketing et à une fragmentation des médias.

Il y a déjà plusieurs portails, moteurs, réseaux sociaux, avec des formats plus ou moins standardisés. En 2025, il faudra multiplier les supports : micro-messages, micro-vidéos, podcasts, environnements virtuels… Des formats très différents qui alourdiront la charge de travail.

Il va donc falloir faire des choix. Inutile de perdre son temps et son énergie sur Instagram si l’on peut opter pour des médias moins exposés comme Pinterest. Couvrir tout le spectre des médias larges à forte concurrence devient impossible, sauf pour des groupes comme Danone ou L’Oréal. Le media planning deviendra extrêmement sélectif. Le XXe siècle n’est plus, la ménagère de plus de 50 ans a disparu. Et avec elle, les productions simples à grande échelle.

Vous évoquez également l’importance de l’intelligence artificielle ?

Les plans à moyen terme vont disparaître, la durée de vie des produits diminuer, les économies d’échelle se raréfier. Ces éléments s’inscrivent dans le contexte d’un marché marqué par une forte volatilité et instabilité.

L’autre point à prendre en compte est la complexité de la clientèle. Les citoyens se soucient de la transition écologique, des changements alimentaires… Mais comment rendre sexy un steak d’insectes ? Ou un jean made in France qui coûte quatre fois plus cher que sur Shein ou chez Action ? Le client est devenu schizophrène.

On commence déjà à parler de micro-segments, voire de nano-segments de clientèles. Terminé le travail à l’ancienne : l’automatisation grâce à l’IA va s’imposer. L’IA permettra d’analyser ces niches en personnalisant les profils des ménages. À moyen terme, elle aidera à industrialiser les produits et les contenus tout en limitant les coûts.

L’avènement du marketing tribal ?

Oui, nous sommes dans un monde de petites tribus animées par la passion. Le marketing s’adresse donc à des Swifters (consommateurs qui adoptent rapidement de nouvelles tendances ou technologies), à des Slackers (consommateurs moins engagés ou motivés dans leur processus d’achat)… et doit devenir une force de frappe chirurgicale.

Mais la séduction doit s’accompagner de l’offre adéquate. Or, nous avons perdu nos capacités de production sur place.

Devenir heureux de consommer moins et de recycler représente un grand écart psychologique terrifiant, que les politiques ne sont pas en mesure de mener. Les acteurs de ce changement seront les marques : elles peuvent accompagner le client vers plus de sécurité, plus de proximité, produire mieux pour vendre mieux.

Quel est le profil des futurs pros du marketing ?

Je pense qu’il faudra des marketeurs tournés vers la société plutôt que vers le produit, afin de mieux comprendre les clés d’une société complexe et irrationnelle. Un profil de sociologue, capable de prévoir une offre malléable et des circuits courts.

Il s’agit d’un changement civilisationnel. Le temps passe, et il faudra tourner la page du marketing de surconsommation pour aller vers le fandom. Dans cinq ans, nous ferons le point.

Fandom désigne une communauté de fans passionnés par un sujet spécifique.

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