Par Céline Lavernaux, avocate GLBO Avocats
Tribune. Après le tour d’échelle1, le droit de surplomb ou une nouvelle atteinte au droit de propriété – droit absolu issu de l’article 17 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. La loi Climat et résilience du 22 août 2022 (n°2021-1104) est entrée dans notre législation pour respecter les accords internationaux et les règles européennes de lutte contre le réchauffement climatique. Elle vise à la rénovation énergétique des immeubles pour favoriser une bonne isolation pour atteindre le graal de la qualification de « bâtiments basse consommation » BBC et ainsi la neutralité carbone d’ici 2050 en éradiquant les passoires thermiques d’ici 2028.
Quand il ne peut être fait autrement, la loi prévoit en cas d’isolation thermique par l’extérieur un droit de surplomb du fonds voisin, moyennant indemnité (article L 113-5-1 du CCH). Cela signifie que votre voisin dispose d’un droit d’empiétement en aérien sur votre propriété. Ce droit d’empiéter est toutefois limité à une largeur de 35 cm, ce qui devrait permettre d’y inclure peu ou prou tous les types de matériaux possibles d’isolation. Ce droit d’empiéter est également limité en hauteur, il ne peut en effet s’exercer en dessous d’une hauteur de 2 mètres du sol.
Pour répondre aux conditions de l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen 2, l’exercice de ce droit donne lieu à indemnité du propriétaire subissant l’emprise.
Restera toutefois à évaluer son montant. Pour l’heure, les professionnels ont assez peu de recul sur les méthodes de calcul et l’évaluation financière de la perte d’espace et de jouissance générée par l’exercice du droit de surplomb. Une analyse au cas par cas devra être faite. En tout état de cause, il conviendra de fixer les modalités de mise en œuvre du droit dans le cadre d’un contrat ou d’une décision de justice.
Pour mettre en œuvre ce droit, son bénéficiaire devra informer le propriétaire du fonds voisin de son intention d’exercer ce droit ; ce dernier disposant d’un délai de 6 mois pour s’y opposer :
- Soit en raison d’un usage particulier présent ou futur de sa propriété
- Soit en raison de la méconnaissance par le bénéficiaire du droit des conditions d’exercice de ce droit,
- Soit si les conditions de réalisation des travaux affectent de manière durable et excessive la consistance ou la jouissance du fonds.
Les propriétaires devront apporter une attention toute particulière au descriptif des travaux à entreprendre et faire évaluer de manière précise la durée d’empiètement des installations provisoires nécessitées pour les travaux d’isolation. Le propriétaire du fonds surplombé a toujours la possibilité s’il obtient une autorisation administrative de travaux de construction en limite séparative de déposer l’ouvrage d’isolation sans avoir à restituer l’indemnité de surplomb. Le droit de surplomb s’il poursuit un but louable, risque d’être source de contentieux, incitant les professionnels à faire preuve d’imagination pour évaluer la juste indemnité réparatrice de la perte de propriété et de ses attributs sur le bien.
Céline Lavernaux
GLBO – Avocats
57, rue des Mathurins
75008 Paris
1 Servitude qui permet de passer chez votre voisin et d’exécuter des travaux sur votre propre bien depuis sa propriété
2 La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité