Mais comment accepter l’idée qu’un des plus grands dirigeants du spatial français et européen se retrouve aujourd’hui à venir servir ouvertement des intérêts américains concurrents de l’Europe, en l’occurrence ceux de SpaceX et de Starlink d’un certain Elon Musk ?
Jean-Yves Le Gall, pour ne pas le nommer, a dirigé pendant dix ans (de 2013 à 2020) le CNES et a été président d’Arianespace et de l’Agence spatiale européenne, ce qui n’est pas rien, et l’on apprend qu’il a facturé des services à une filiale d’OHB (OX Lunar), qui n’est autre qu’une filiale du groupe allemand créée pour favoriser SpaceX en Europe.
Et Le Canard de préciser que : « Le constructeur allemand OHB, pourtant actionnaire minoritaire d’Arianespace, a confié à SpaceX la mise en orbite d’une bonne partie de ses satellites au mépris de la préférence européenne. »
Les Allemands sont soupçonnés de vouloir saboter progressivement Arianespace pour pouvoir développer leurs propres fusées en solo avec la complicité d’Elon Musk.
Un double jeu de nos voisins qui en dit long sur les véritables enjeux économiques et géopolitiques qui se trament en coulisse au niveau européen, un continent qui de plus en plus s’apparente à une zone de libre ouverture pour tous les intérêts internationaux.
À cela vient de se rajouter un énorme trou dans la raquette dans le dispositif français : celui du pantouflage d’État, qui ne fait pas interdiction à nos plus grands dignitaires de passer allègrement du service des intérêts du pays à ceux d’intérêts privés de concurrents étrangers.
À commencer par les pantouflages récents d’anciens ministres : Bruno Le Maire, Thierry Breton ou Christophe Castaner, qui travaillent allègrement et sans complexe désormais pour, respectivement, le groupe néerlandais de semi-conducteurs ASML (concurrent du groupe franco-italien STMicro), Bank of America, ou le groupe chinois d’e-commerce Shein.
À défaut de pouvoir interdire de tels transferts, la moindre des choses serait d’imposer à ces grands dépositaires de l’intérêt général un délai minimum de quatre à cinq ans leur faisant interdiction de toute mission ou collaboration avec un groupe étranger concurrent des intérêts français !
On en est loin. Ce qui n’est pas une raison de ne pas s’en offusquer…
Robert Lafont
Éditorialiste , fondateur d’Entreprendre