Le football cette semaine, dans les médias en tous cas, s’est limité au transfert de Neymar pour le club saoudien AL HILAL négocié à plus de 80 millions d’euros sans compter les bonus. Dans le même temps, non pour comparer mais par soucis d’informer : la Fédération française handisport, c’est un budget de 10 millions d’euros pour près de 25 000 licenciés. Et ce sport qui compte, qu’on souhaite voir se développer et qu’on voudrait voir davantage soutenu a enchainé les compétitions toutes disciplines confondues à quelques mois des Jeux Paralympiques Paris 2024. En ce moment, nos bleus champions d’Europe en titre disputent les mondiaux à Birmingham et ne lâchent rien pour continuer à nous faire rêver et vibrer.
L’une des compétitions handisport les plus importantes se tient cette semaine à Birmingham, il s’agit des championnats du monde de Cécifoot organisés par plusieurs structures dont la British Blind Sport, l’Université de Birmingham et le Birmingham City Council. Nos bleus au rendez-vous une fois de plus pour écrire leur histoire et nous embarquer dans une aventure sportive, humaine et inclusive.
Faire de la France une Nation sportive, oui on y croit. Faire de notre Nation un pays plus inclusif, on en rêve. Peu importe lequel des deux défis est le plus beau ou le plus grand à relever, j’ai pu voir un sport engagé, des athlètes mobilisés et une équipe qui ne formait qu’un. Bref, j’ai découvert le Cecifoot et j’ai pris une claque.
À Birmingham, depuis le 14 août et jusqu’au 25 août ont lieu les championnats du monde de cécifoot et nos tricolores restent dans la course pour le titre après un match nul face à la Colombie et une victoire ce dimanche 20 août contre l’Espagne 4 buts à 2. Au-delà du résultat, l’enjeu est de se retrouver et d’avancer ensemble vers une direction connue de tous : Paris 2024. S’exprimer, performer, exister.
Être joueur en équipe de France, c’est certes porter le maillot et en être fier mais c’est aussi et surtout s’entraîner dur pour repousser ses limites et briser les préjugés autour du handicap. Sur le terrain, pendant 40 minutes (deux fois vingt minutes), ils sont tous joueurs, athlètes de très haut niveau. C’est technique, c’est physique et c’est beau à voir. Les hommes de Toussaint Akpweh, 4 joueurs mal-voyants, non-voyants et un gardien sans handicap sont expérimentés et ont à cœur de renouveler l’exploit de médaille paralympique obtenue à Londres en 2012.
Deux années après, en 2014, on apprend que la Fédération handisport alloue à la discipline un budget annuel de 150.000 euros. Dans le même temps, même si on me rappellera que ce n’est pas comparable, le budget de la Fédération Française de football est de 250 millions d’euros dont 100 millions seraient alloués au monde amateur.
En plus de prendre une leçon de vie à Birmingham, j’ai d’abord pris une leçon de football. Du vrai. Un travail considérable de placement, de rapidité, lucidité et la prise de conscience de ce qu’accomplissent les athlètes. En l’absence de leurs yeux, ils donnent un souffle et un regard nouveau à la pratique sportive en faisant preuve d’un sens du collectif incroyable et d’une écoute unique.
Chaque mot prononcé dans l’une des trois zones de terrain compte. Il est réfléchi et vise à transformer le toucher de ballon en une action efficace. Dans la zone défensive, le gardien a un rôle majeur. Que ce soit Benoît Chevreau de Montlehu ou Alessandro Bartolomucci, ils donnent de la voix, lancent les bonnes indications et sont les yeux de l’équipe qu’ils doivent préserver puisqu’ils sont le dernier rempart. J’ai découvert un regard bienveillant sur le jeu, une envie de gagner et énormément de psychologie pour que les joueurs restent en confiance et servent l’équipe. Benoît et Alessandro ont été impressionnants physiquement sur les arrêts et psychologiquement dans les mots qu’ils trouvent pour porter l’équipe.
Dans la zone médiane, c’est le coach qui reprend la main et donne les consignes. Il redit les points forts et la stratégie à appliquer. Il demande qu’on « aide l’équipe et les camarades ». Enfin, dans la zone dite offensive, le guide est là, Yannick le Colvez pour les tricolores, derrière la cage adverse, ses mots sont calmes, efficaces et précis. On sent la passion, l’expérience et là aussi énormément de bienveillance pour ne pas céder à la pression et l’enjeu énorme qui les rassemble sur ce terrain.
Ce qu’on n’imagine pas, ce sont toutes les heures à s’entraîner, répéter les mêmes gestes, chercher et trouver les bonnes combinaisons. Encaisser les coups aussi, les chocs inévitables et rester debout. Avancer dans le noir mais avancer toujours.
Les difficultés rencontrées tout au long de l’année pour les tricolores doivent être entendues comme le rappelle le directeur sportif national Charlie Simo, la question des moyens est la première. Celle de la formation et de l’accompagnement arrivent ensuite. Parce que, oui, comme tous les athlètes de haut niveau, nos joueurs doivent allier vie professionnelle et carrière sportive.
On compte près de 500 licenciés de Cécifoot en France pour la moitié de compétiteurs. Les joueurs de l’équipe de France viennent de clubs franciliens mais pas seulement. Les rassemblements et l’organisation générale peuvent et doivent encore être améliorées pour qu’ils puissent enfin avoir des aménagements adaptés à leur niveau de jeu.
Et ce dernier est élevé. Il impose le respect. Non pas parce que le handicap est moteur mais parce qu’il devient un acteur du mouvement sportif. La pratique du Cécifoot donne à voir le monde sous un autre jour : s’écouter, se comprendre, s’aider, se toucher se parler et progresser ensemble fait sens. Là où toute une génération échoue avec les écrans ultra connectés, le Cecifoot ramène à la simplicité et à l’authenticité. C’est ce sport-là, ce football-là qui compte parce qu’au-delà de l’inclusion, mot à la mode à l’approche des JOP 2024, c’est la passion et la détermination de nos athlètes paralympiques qui deviennent des roles modeles aussi bien pour les valides que pour les personnes en situation de handicap.
« Nous avons toutes et tous nos différences, nos doutes, nos freins. Mais nous avons aussi toutes et tous nos talents, nos réussites et nos ambitions. Je ne me vois pas comme une personne différente. Le sport permet de développer des compétences. Je dis souvent qu’on a deux matchs dans la vie. Le match principal que sont les entraînements et les matchs de compétitions. Mais on a aussi un autre match dans le cécifoot, ce sont les actions de sensibilisations et d’inclusion par le sport pour que le regard change. Notre handicap doit nous inclure et on doit être recrutés pour nos aptitudes, pas pour le handicap ».
Ces mots, c’est Yvan Wouandji qui nous les confie. Celui qui est ambassadeur du Comité olympique et sportif Ile de France et qui a ouvert le score ce dimanche, Yvan veut être un joueur acteur au service de son sport et de la société. Son message doit résonner, c’est en effet là que les entreprises devraient entrer en jeu.
Créer un collectif qui gagne, des collaborateurs soudés, une équipe qui se relève dans l’échec pour mieux s’affirmer et gagner en productivité, autant de qualités essentielles dans l’entreprise. Ces compétences là sont acquises et à disposition avec les joueurs de l’équipe de France de Cécifoot et avec de nombreux athlètes handisport comme évoqué avec Gaël Rivière, joueur, vice-président de la Fédération Handisport et avocat qui vit lui-même la difficulté de pouvoir allier toutes ses vies et obligations professionnelles et sportives sans soutien réel et pérenne. Alors oui, il faut ouvrir Grands les Jeux mais il faut aussi et surtout ouvrir grands les yeux pour voir le handicap autrement et pour respecter nos athlètes à leur juste valeur avec des moyens à la hauteur de leur passion et de nos ambitions avec la plus grande d’entre elle annoncée pour 2024 : une seule et même équipe de France.
Crédits photo : Tous droits résérvés, Fédération Handisport
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