Sophie Lebreuilly part vers le sud-est, vers Paris pour être exact. En effet, l’enseigne est née en 2014 à Etaples-sur-Mer, près du Touquet. Son positionnement est bien connu du marché, car ces dernières années, nombre de boulangeries-pâtisseries-snacking à la française se sont installées en périphéries de villes, dotées d’un grand parking permettant à une large clientèle de venir se restaurer. Le marché a explosé avec des enseignes comme Marie Blachère, Ange, Louise, Paul ou Eric Kayser, qui ont ouvert la voie.
Un concept développé sur des zones semi-rurales
Oliver et Sophie Lebreuilly ont ouvert un concept sur ce marché de la boulangerie au sens large, mais en y apportant des changements. Le concept intègre ainsi un salon de thé, un corner épicerie, sur une surface globale de 350 mètres carrés, dans des zones semi-rurales, avec possibilité de click and collect. Leur premier objectif est de raviver l’économie de territoires parfois un peu abandonnés à leur sort, notamment en matière de commerces de proximité.
Le succès a rapidement été au rendez-vous, les clients ont afflué, permettant d’atteindre une vingtaine de magasins dès 2019 pour un chiffre approchant les 13 millions d’euros. Les produits sont créés, développés et fabriqués en interne pour le pain et les pâtisseries, gage de qualité apprécié par la clientèle. Les ateliers sont situés à Etaples-sur-Mer et à Wimereux. Le pain est produit toute la journée, dans la majorité des points de vente, sept jours sur sept, de 6h30 à 20h00, avec une quarantaine de places assises. L’ambition du couple d’entrepreneurs est de créer de véritables lieux de vie.
Un projet très calculé
Le couple de fondateurs a bénéficié de l’aide financière de Finorpa, Generis Capital, Capston Finance dans un premier temps, avant que FrenchFood Capital ne s’invite au capital en prenant une majorité des parts en 2021. L’objectif a été énoncé clairement par Olivier Lebreuilly : atteindre 150 points de vente d’ici à 2026, un plan qui semble pouvoir être respecté à la lettre, même si l’inflation vient quelque peu compliquer le fonctionnement de la machine. Pour y parvenir, l’extension se fera géographiquement, avec des magasins en propre dans la moitié nord de la France et une partie en franchise.
Croissance externe
Le couple de fondateurs a racheté pas plus tard que l’an dernier un réseau local, dénommé Fred. Treize établissements supplémentaires et 5 millions d’euros de chiffre d’affaires sont ainsi venus renforcer l’affaire. La discussion s’est faite entre concurrents et collègues, les deux familles étant originaires de la même région. Frédéric Gambart, « Fred », approchait de la retraite et voulait trouver une solution pour pérenniser ses boulangeries ainsi que les emplois.
Son emploi également, puisqu’il est en charge de la R&D dans la nouvelle structure. Cette opération de croissance externe permettait d’atteindre les 35 boulangeries pour un CA global de 22 millions de chiffre en 2022. Mais cela n’a pas suffi à l’appétit de nos entrepreneurs. Le réseau Émile Bec a également été repris, une acquisition qui établit la marque pour la première fois dans le Sud-Est de la France. Le dirigeant de cette entreprise, Didier Blin, reste à la direction du réseau des boulangeries Sophie Lebreuilly dans le sud.
Deux ouvertures parisiennes en trois semaines
L’enseigne s’est fait remarquer en ouvrant à Paris deux points de vente, dans les VIIIe et XVIe arrondissements. Le concept a dû s’adapter, notamment en termes de surface, mais les fondamentaux sont présents. Et ce n’est pas terminé.
S’installer à Paris est bien entendu affaire de visibilité, l’objectif est de voir Sophie Lebreuilly fleurir dans d’autres quartiers de la capitale. Les ouvertures se succèdent depuis quelque temps pour atteindre l’objectif de 60 à 70 boutiques d’ici fin 2023, y compris à l’aide de la franchise à hauteur d’un tiers.
Une vraie stratégie
Une entreprise familiale, voici la première définition qui sied. Mais aussi, et surtout, entrepreneuriat, car dès le début, l’ambition était au rendez-vous. « Nous voulons être la boulangerie préférée des familles françaises », dit la voix de Sophie Lebreuiilly, qui ajoute quelques qualificatifs tels que « conviviaux, simples, généreux, responsables ».
Le couple s’est rencontré lors de ses études chez EDC Paris Business School. Olivier, le Normand, s’est ensuite orienté vers la banque en devenant directeur d’agence au Crédit du Nord, tandis que Sophie, du Pas-de-Calais, devenait responsable marketing chez vente-privée.com, le Veepee d’aujourd’hui. Ce n’est donc pas par hasard ou par atavisme familial que ces jeunes parents trentenaires décident de se lancer dans la création d’entreprise, le concept est étudié avec soin et basé sur du 95% fait maison. Dès le départ, le projet a été conçu avec l’ambition d’essaimer sur tout le territoire français. L’objectif était aussi de recréer du lien social dans des zones semi-campagnardes. Et il ne s’agit pas que de mots.
L’an dernier, le couple a décidé de créer sa Fondation Sophie Lebreuilly abritée à la Fondation de France. Il s’agit de soutenir des projets liés à la gourmandise et à la convivialité, deux valeurs phares de l’enseigne. À titre d’exemple, le soutien au « Laboratoire de Répit », une association qui soutient les aidants familiaux que sont les parents d’enfants en situation de handicap. 24 ateliers culinaires sont prévus dans ce contexte ou dans celui de l’accompagnement de personnes en fin de vie, des actions auxquelles la majorité des collaborateurs peuvent participer s’ils le souhaitent.
Un partenaire financier de poids
L’apport de French Food Capital a été primordial dans ces avancées. Ainsi, la première ouverture parisienne s’est faite sur une ancienne boulangerie Thierry Marx, dont est propriétaire ce fonds. Daniel Abittan, membre du comité stratégique du fonds, est également au comité de direction de Sophie Lebreuilly. L’entrepreneur en série fondateur de PhotoService, Grand Optical, Générale d’Optique, Acuitis et repreneur de la chaîne Roc Eclerc est un spécialiste des constructions de réseaux.
D’ores et déjà, une trentaine d’ouvertures prévues en 2024 un peu partout en France. Parce qu’il faut aller vite, les enseignes se structurent rapidement et le marché se concentre. Seuls les meilleurs survivront, l’appétit ne suffit pas.
Anne Florin
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