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Les deux visages de Xavier Niel


Dix milliards d’euros de patrimoine, un statut de magnat des télécoms et de la presse, des parts dans des dizaines de start-up, un empire immobilier : Xavier Niel, 55 ans, donne le sentiment d’avoir déjà tout fait. Pourtant, le fondateur d’Iliad (Free) n’a jamais paru aussi actif. Mais après quoi court-il ?...

Xavier Niel (Photo Raphael Lafargue/ABACAPRESS.COM)

Dix milliards d’euros de patrimoine, un statut de magnat des télécoms et de la presse, des parts dans des dizaines de start-up, un empire immobilier : Xavier Niel, 55 ans, donne le sentiment d’avoir déjà tout fait. Pourtant, le fondateur d’Iliad (Free) n’a jamais paru aussi actif. Mais après quoi court-il ?

C’est si rare que cela ne pouvait pas passer inaperçu : Xavier Niel a perdu une bataille. Celle du rachat de La Provence. Après un duel à couteaux tirés avec le milliardaire marseillais Rodolphe Saadé, président de CMA CGM, Niel a finalement cédé. La procédure de conciliation orchestrée par Marc Sénéchal, l’un des mandataires judiciaires les plus en vue du moment, a permis aux deux milliardaires de s’entendre : un gros chèque pour Niel, La Provence pour Saadé.

Il a fait le ménage chez Iliad

Mais cet écueil vient rappeler que le fondateur de Free, un talentueux pirate informatique qui s’est mué en redoutable homme d’affaires, échoue rarement dans ses aventures entrepreneuriales ou financières. La Provence est une exception. En temps normal, Xavier Niel obtient gain de cause, grâce à sa fortune, son influence ou son talent. Au choix.

L’évolution de sa fortune est un exemple parmi tant d’autres de la réussite du magnat des télécoms. En 2010, Xavier Niel était à la tête d’un pactole de deux milliards d’euros. En douze ans, il a multiplié sa fortune par cinq (10 milliards d’euros) et étendu sa sphère d’influence dans de multiples domaines. Il a même réussi à se débarrasser des encombrants actionnaires d’Iliad (7,59 milliards d’euros de CA), maison mère de Free. Fin 2021, il a retiré son groupe de la Bourse afin de le soustraire à la pression des marchés financiers et d’avoir les mains libres pour concurrencer les Gafam qui lorgnent le secteur des télécoms. Niel détient désormais près de 97% du capital d’Iliad.

Un patrimoine immobilier inimaginable

S’il a fait fortune dans la tech avec son navire amiral Free, Niel a rapidement diversifié son portefeuille. Au fil des années, à coups de millions d’euros, il s’est construit un empire immobilier à Paris. Son obsession : les hôtels particuliers. Niel en possèderait entre six ou sept dans la capitale (une demeure Villa Montmorency, le Palais Rose avenue Foch, l’hôtel Coulanges place des Vosges, un hôtel avenue d’Iéna, l’Hôtel de Miramion près de Notre-Dame…).

Sa plus grosse folie ? Il a dépensé 200 millions d’euros (50 000 euros le mètre carré !) pour s’offrir le plus bel hôtel particulier de la capitale -l’hôtel Lambert, situé sur l’île Saint-Louis (4ème), ancienne propriété de l’émir du Qatar- non pas pour y vivre mais pour y installer une… fondation culturelle. Le milliardaire et sa compagne Delphine Arnault, directrice générale de Louis Vuitton et héritière du groupe LVMH, ont également acheté une villa au Cap Ferret pour 17 millions d’euros.

Mais le fondateur d’Iliad ne se contente pas d’acheter des résidences, il détient également un golf, près de Chantilly (Oise), et un palace à Courchevel (Savoie), à côté de ceux de Bernard Arnault ou Dominique Desseigne, dans lequel il a investi 100 millions d’euros avec les frères Pariente (ex-Naf Naf). Il est aussi l’actionnaire à hauteur de 25 % du numéro un mondial de l’immobilier commercial Unibail-Rodamco-Westfield (56,3 mil-liards d’euros d’actifs).

Un empereur des telecoms

Xavier Niel est un hyperactif. Il a beau être à la tête de la douzième fortune de France, il continue à lancer des projets, à investir dans des start-up et à gérer Free au quotidien. Cette soif d’entreprendre lui permet d’être au front tous les jours. Il est déjà le roi français de la téléphonie, mais il en veut plus. Alors, il développe Free à marché forcée. Il vient de prendre 2,5 % (857 millions d’euros) de Vodafone, n°3 britannique des télécoms (grâce à la baisse de la livre face à l’euro). Il aimerait aussi racheter la filiale italienne de l’opérateur anglais. Free est déjà positionné en Italie et en Pologne. Xavier Niel lui-même détient plusieurs opérateurs étrangers en Suisse, en Irlande, à Monaco et au Sénégal.

Le milliardaire français s’est fixé un autre objectif : inventer l’agriculture de demain. Rien que ça. Il a lancé Hectar, à la fois ferme, campus agricole et accélérateur de start-up, dont l’ambition est de former une nouvelle génération d’entrepreneurs, mais aussi 2MX Organic avec Moez-Alexandre Zouari (Picard) et le banquier Matthieu Pigasse. Le trio a levé 300 millions d’euros et s’est associé au géant InVivo.

Mediawan, Station F, 2MX Organic, Kima Ventures

En parallèle, il essaye de révolutionner l’éducation (école 42), le paiement sur le web (Stancer), la production audiovisuelle (Mediawan), et le développement de start-up (Station F). Mais ce n’est pas tout. Xavier Niel est l’un des business angels français les plus actifs : son fonds, Kima Ventures, investit chaque année 20 millions d’euros dans une centaine de start-up (entre 700 et 800 depuis 2015). Il est également actionnaire d’une mine de bauxite (minerai permettant la production d’aluminium) en Guinée et a acheté le catalogue des chan-sons de… Claude François !

Sans oublier la presse. Certains proches affirment qu’il lit tout. Ce dont on est certain, c’est que Xavier Niel achète frénétiquement des titres : Le Monde, Nice-Matin, Paris-Turf, La Gazette des courses, Cheval Magazine, France-Antilles… Il vient de lancer L’Informé, un média d’investigation économique. Il est même allé jusqu’à s’acoquiner avec Silvio Berlusconi pour essayer de racheter (en vain) M6.

Selon certaines sources, Niel utiliserait le sulfureux ancien président du Conseil italien pour obtenir les faveurs du nouveau gouvernement de Giorgia Meloni… La raison ? Iliad possède 10 millions de clients en Italie.

Du Minitel rose aux démêlés judiciaires : un éternel pirate ?

Passé par le Minitel rose et même condamné à 2 ans de prison avec sursis en raison de ses activités dans le secteur des « peep-shows », avant de révolutionner le secteur des fournisseurs d’accès à Internet et de devenir le plus grand business angel français, Xavier Niel a conser-vé cette volonté de bousculer les codes.

D’un côté l’entrepreneur qui s’attaque à de nombreux secteurs, qui initie des révolutions et veut changer le monde ; de l’autre, l’investisseur implacable, le milliardaire aux dents longues, le magnat de la presse en quête d’influence politique. Lequel de ces deux visages faut-il retenir ? À moins qu’il faille être décidément singulièrement hors-normes pour tirer son épingle du jeu dans le maeström économico-financier actuel.

Victor Cazale

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