Je m'abonne

Les entrepreneurs au chevet des territoires


La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS La France est un État de droit. C’est aussi un État qui s’est progressivement centralisé. Contrairement à des idées reçues, la centralisation et le parisianisme largement critiqués dans l’opinion publique ne sont pas des héritages directs de la Révolution et de l’Empire. En...

Entreprendre - Les entrepreneurs au chevet des territoires

La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

La France est un État de droit. C’est aussi un État qui s’est progressivement centralisé. Contrairement à des idées reçues, la centralisation et le parisianisme largement critiqués dans l’opinion publique ne sont pas des héritages directs de la Révolution et de l’Empire. En effet, dans son projet de normalisation du pays et du droit, Napoléon s’est fondé sur la décision du 4 mars 1790 de l’Assemblée Constituante qui a créé les départements. À l’apogée de l’Empire, on comptera jusqu’à 130 départements.

Ces projets dataient d’ailleurs de la fin du règne de Louis XIV, avec l’objectif de simplifier la géographie administrative et de créer une structuration plus réaliste du royaume. Un édit de 1787 a créé les assemblées provinciales avec la recommandation qu’elles soient divisées en districts. En 1788, le mathématicien « girondin » Condorcet avait, pour sa part, proposé de définir la taille des districts et des provinces en fonction du temps de déplacement pour qu’un citoyen voyageant à cheval puisse s’y rendre, une petite journée de distance pour le district, une grande journée pour la province.

La création des départements témoignait d’une volonté de remplacer les noms des provinces hérités de l’Ancien Régime et le pouvoir des aristocraties locales, afin de mettre en place un nouveau projet politique et idéologique à l’échelle de la nation, dont l’objectif central était la contrôle politique du territoire par le pouvoir central.

Ce système, bien que centralisé, a bien fonctionné pendant près de 150 ans. La création de la Vème République a amplifié cette tendance centralisatrice, notamment avec la création de l’Ecole Nationale d’Administration (ENA) et du maillage administratif du territoire strictement organisé par le pouvoir politique en s’appuyant sur les hauts fonctionnaires issus de cette école. Conscients de la prépondérance excessive du pouvoir central, les gouvernements successifs ont tenté de moduler le jacobinisme excessif de l’administration française. Le 1er exemple en ce sens est la création par le général de Gaulle en 1963 de la DATAR, destinée à soutenir l’aménagement du territoire. Le 2ème exemple est un échec, celui du référendum de 1969 à l suite duquel chef de l’État prendra la décision de quitter le pouvoir.

Une première loi concernant les droits et libertés des communes, des départements et des régions a été promulguée le 2 mars 1982. Par la suite, la France connaitra trois actes forts de décentralisation. Il faut remarquer, toutefois que les différents textes promulgués entre 1992 et aujourd’hui, ont essentiellement permis de nouvelles répartitions des compétences jusque-là dévolues à l’État sans pour autant à une réelle déconcentration. L’administration française s’est, bien au contraire, complexifiée et l’organisation initialement relativement simple s’est transformé en une mille-feuille de normes et d’institutions qui ne contribue en rien à faciliter la vie des citoyens et des entreprises.

Le territoire paraît de plus en plus fractionné et les procédures complexifiées à souhait. Il ressort aussi, à en croire l’opinion publique, que la confiance des citoyens dans l’État a été en partie perdue. L’évolution est perceptible dans une société qui ne semble plus désormais constituée d’une Nation regroupant des intérêts convergents, mais d’une agglomération de citoyens aux intérêts divergents qui mettent prioritairement en avant des droits individuels totalement dissociés des devoirs dus au groupe.

Cette recherche de la satisfaction égoïste d’intérêts individuels est la manifestation la plus voyante que l’État de droit est en déréliction. Les nombreuses manifestations des « Gilets jaunes » (environ 35), entre octobre 2018 et le premier confinement décidé dans le cadre de la pandémie liée à la COVID-19, ont bien montré le rejet par l’opinion publique de décisions prises par le gouvernement, et même de lois votées par la représentation nationale.

Depuis lors, la France, comme l’ensemble des pays du monde, vit au rythme de l’évolution du virus et de ses variants. La confiance manifestée en mars-avril 2020 à l’égard des personnels soignants a cédé la place à une défiance de plus en plus exacerbée qui englobe désormais les élus, les scientifiques et les laboratoires chargés de développer les vaccins. Et les manifestations actuelles des « antivax » semblent préparer le retour d’attitudes proches de celles des « Gilets jaunes » dans leur refus de l’autorité de l’État.

Alors que les enfants du Baby-boom des années d’après la seconde guerre mondiale ont vécu une vie relativement épargnée par les grandes pandémies du fait de l’ensemble des vaccinations « imposées » à l’époque aux familles, une partie des jeunes générations (relativement faible certes mais qui comptent malgré tout dans ses rangs quelques millions de sujets) rejettent l’obligation vaccinale en ce début du XXIème siècle sous prétexte d’atteinte à leur liberté fondamentale. En réalité, ils sont manipulés, car l’époque veut ça, par théories aussi fantaisistes que complotistes.

Les contestations qui se développent partout dans le monde, entre espoir, crainte et colère, les injections anti-Covid fracturent l’opinion. Elles sont des causes multiples. L’une d’entre elles trouve sa source dans le commerce lucratif de traitements alternatifs dangereux, dont on sait qu’il a déjà permis des levées de fonds importantes au profit de causes douteuses.

L’autre, il faut le regretter, est le terreau sur lequel tout projet prendrait racine, en l’espèce la perte de confiance dans ce qu’il est convenu d’appeler « les élites », qu’elles soient intellectuelles, scientifiques, ou surtout politiques.

Sans pour autant entrer dans un débat différent et complexe, on ne peut pas ne pas citer que l’évolution délétère de notre pays a permis la naissance et le développement de zones de non-droit, notamment en périphérie des grandes métropoles. La zone de non-droit se définit comme un « espace, quartier au sein duquel des groupes plus ou moins organisés s’opposent par des actes délictueux à l’application de la loi, notamment pour développer une économie parallèle fondée sur des trafics ».

D’autres groupes s’organisent autour de valeurs communes, religieuses ou culturelles, preuve en est que l’idée de « Nation » est ici perdue, puisque sont niées les valeurs fondamentales de la Constitution du 4 octobre 1958 Il suffit, pour s’en persuader d’en relire l’article 1er :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.

La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Il serait toutefois bon que l’ensemble du texte soit régulièrement rappelé à tous et enseigné véritablement dans les écoles dès le plus jeune âge. On s’apercevrait que l’état du pays est en contradiction avec ses valeurs fondamentales. Les causes en sont multiples et particulièrement complexes. De toute évidence, elles impliqueront que soient apporté des réponses à plusieurs niveaux, qu’ils soient politiques, sociaux, voire humanistes, mais aussi entrepreneuriaux.

Problématiques

Notre article se contentera donc d’évoquer cet aspect déjà complexe du problème. C’est un constat, les grandes métropoles concentrent l’activité économique et les populations. À titre d’exemple, la métropole du Grand Paris compte déjà plus de 10 millions d’habitants, ce qui en fait d’ores et déjà l’intercommunalité la plus peuplée du pays. Cet établissement public de coopération intercommunale (EPCI) qui s’étend sur six départements, Paris, l’Essonne, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne et le Val-d’Oise, représente plus de 15 % de la population française.

La population urbaine en France est de 80,44 %.

En dehors de l’Ile de France, 16 millions de personnes vivent dans des agglomérations de plus de 200.000 habitants, soit 25 %, et 12 millions environ dans des agglomérations dont la population est comprise entre 50.000 et 200.000 habitants, soit 13 %.

Au-delà de la litanie des chiffres, force est de constater que la population, et dans ce lot, les travailleurs, se rassemblent autour des entres d’activité, relativement peu nombreux, une centaine, en dehors du grand Paris. La répartition inégale de la population sur le territoire est, cela va de soi conditionné par la présence des entreprises susceptibles de fournir des emplois. Mais cet état de fait est source de bien des difficultés.

Pour les entreprises, problématique liées aux locaux, en termes de surface, de charges locatives, de coûts de stockage et de transport. Pour les salariés, des conditions de travail induisant des temps de transport, des fatigues, des difficultés de logement, etc.

Une répartition plus harmonieuse sur le territoire permettrait d’apporter au moins partiellement des solutions aux difficultés des uns et des autres.

Le rôle des entreprises

La prise en compte intelligente du chômage

Selon les chiffres de l’INSEE, à la fin du deuxième trimestre 2021, le nombre de chômeurs, selon les critères de comptabilisation utilisés par l’Etat, s’élevait à environ 2,4 millions de personnes en France, ce qui, en dépit des satisfecit que proclament certains élus, ne représente finalement qu’une faible baisse sur le trimestre de 16.000 personnes. On sait d’ailleurs que le taux global moyen restera proche dans les années à venir du 8 % habituel.

En effet, ce taux de chômage national de 8,00 % de la population active, est un chiffre malheureusement stabilisé depuis des années en dépit des variations aléatoires de ces dernières années bousculées par les confinements successifs liés à la pandémie de la COVID-19. Qui plus est, la situation est déséquilibrée en fonction des classes d’âge. Le taux de chômage des jeunes dépasse les 20,00 % chez les moins de 25 ans, alors qu’il est d’environ 5,00 % chez les plus de 50 ans.

Autre constat que nous avions pu faire dans un article passé, la variation du taux tient aussi au niveau d’étude des personnes concernées, 14 % pour les actifs du niveau « brevet des collèges », contre 5 % pour ceux qui ont un diplôme qualifiant du niveau « enseignement supérieur ».

Le taux de chômage dans une région, une ville ou un quartier est souvent la résultante de plusieurs facteurs, l’absence de formation, la carence des informations, l’inexistence des relais entre les offreurs et les demandeurs d’emploi.

Et il faut rajouter ce constat, l’inadéquation entre les emplois proposés et les publics concernés. Cette réflexion est l’une des pistes du présent article : les jeunes générations, avec ou sans niveau d’études, vivent, se projettent, espèrent et rêvent en mode digital, particulièrement dans un monde d’images, de musique et de jeux, tous ces points étant le plus souvent imbriqués dans des objets uniques de consommation et d’échange webisés.

La réhabilitation des banlieues

Dans les zones de non-droit, d’autres facteurs entrent en ligne de compte, tout particulièrement le refus de s’intégrer au système et la marginalisation due à l’entrée dans le cercle vicieux de la délinquance. Il est effectivement financièrement plus rentable de se faire payer comme guetteur dans le cadre d’un réseau de trafic de stupéfiants que de rechercher un emploi au bas de l’échelle payé au SMIC.

Evidemment, c’est une décision à courte vue, car, outre les risques judiciaires encourus, de tels emplois s’ont, ni couverture sociale, ni assurance vieillesse. Mais ce ne sont pas des arguments susceptibles d’être entendus par des jeunes gens qui remettent en cause la légitimité républicaine.

Néanmoins, les trafiquants ne représentent pas l’ensemble des jeunes habitants de ces quartiers que l’État ne parvient pas à réinvestir. Là où les élus ont perdu leur légitimité, les entreprises peuvent sans doute agir, en tous cas, elles le doivent ! Bien évidemment, elles ne peuvent ou ne doivent pas prendre la place des forces de l’ordre pour ramener l’ordre public dans ces quartiers.

Les entreprises ne pourront que proposer des emplois. Mais elles ne peuvent pas le faire n’importe comment et sur n’importe quel sujet. Il faut que ce qui est proposé rencontre l’intérêt et l’adhésion des intéressés.

Une piste : redynamiser l’économie par le digital

On entend souvent parler du « digital » mot qui, finalement, ne fait l’objet d’aucune définition précise et est souvent employé pour désigner le « numérique ». On l’entend partout dès lors que l’on s’intéresse aux mondes économiques différents et innombrables qui font du web leur terre d’élection et leur terrain de jeu. Cela étant, la plupart des gens qui en ont l’usage et l’utilisent comme axe de communication, ignorent ce qu’est réellement la « communication digitale ».

Étymologiquement, le mot digital, comme substantif ou comme adjectif, descend du terme anglais « digit » dont la traduction serait plutôt « numérique » avec la signification mathématique de « chiffre ».

L’économie numérique sert à traiter mathématiquement des informations. Elle a recours, pour ce faire, à des outils tels que les smartphones, les ordinateurs, les smart télévisions ou les tablettes. L’apparition sur les marchés des téléphones tactiles date du premier iPhone de la société Apple, devenant ainsi le déclencheur d’une véritable révolution numérique.

Pour demeurer dans une analyse étymologique plus française, d’inspiration latine, on peut rajouter que le mot digital vient du latin « digitalis » qui fait référence à « l’épaisseur d’un doigt ». Ce qui signifie qu’en français, « digital » veut dire « qui appartient aux doigts ». Le croisement de ces deux interprétations, quoi qu’il en soit, renvoie au numérique et à ces objets que l’on manipule et que l’on maîtrise avec ses doigts, même s’il est de plus en plus fréquent que la voix humaine vienne renforcer la capacité de l’utilisateur à se faire comprendre.

Il faut donc bien comprendre que le « digital » ne consiste pas seulement en une nouvelle science utilisant les mathématiques. Le « digital » est désormais aussi et essentiellement le mot qui désigne les nouveaux outils numériques, les bases de données interconnectées et les innombrables réseaux qui les relient, et notamment les réseaux sociaux, véritables micro-sociétés, micro-communautés, mais parfois aussi, micro-mafias ou micro-sectes.

Ces quelques lignes montrent combien les sujets sont vastes, et que leur développement devrait pouvoir intéresser toute une frange de la population en situation de chômage, car il s’agit de sujets qui les concernent, les intéressent et sont en mesure de les motiver à envisager une réelle insertion dans le monde plein d’embuche du travail et de l’emploi non précaire. Mais, à n’en pas douter, le projet, tout comme le sujet, est très vaste.

Une stratégie forte, soutenue politiquement, mais mue par des volontés privées, doit être définie et mise en œuvre ! Mais pour en rester à des explications simples, il faut savoir qu’une « stratégie digitale » devra aussi permettre aux entreprises concernées de comprendre ce que sont les flux d’informations qui existent, qu’elles créent, contrôlent ou récupèrent ont des coûts ou représentent une valeur. Au surplus, le seul fait de contrôler des flux d’informations impose des exigences déontologiques, conservation, utilisation, expurgation, élimination, etc. ont donc des impacts parfois difficiles à contrôler sur les réseaux et qu’il convient donc de ne pas oublier d’en mesurer les impacts.

Focus : Otherside, un exemple de l’excellence « Tech » à Martigues

Otherside met le monde du numérique au service de la réinsertion. Ces projets, inscrits dans des perspectives artistiques sont nombreux et variés.

Un objectif : susciter des vocations au travers d’environnement ludique

Grace à sa maitrise poussée du mix des techniques de réalité virtuelle et de capture de mouvements, OTHERSIDE se positionne en expert de la formation virtuelle. 

« Pouvoir recréer des simulations où les utilisateurs peuvent évoluer en « full body » sur des centaines de m2 et être véritablement en action, c’est ce que notre technologie virtuelle rend possible. Ainsi dans le cadre d’un projet récent autour des métiers du bâtiment, nous avons pu appréhender la coordination entre les personnes mais surtout la gestion et prévention des risques liées aux actions dangereuses par des mises en situation accidentogènes impossible à créer en réel ».

« La Région Sud, dynamique et très active a vu l’intérêt de ce type de dispositif et a su clairement prendre le tournant du digital, en matière de d’éducation, en nous accordant une importante subvention pour la simulation sur machine industrielle en partenariat avec la société LOXAM et le centre de formation ECIR.Productivité, maitrise des risques mais aussi réinsertion et résilience sont à l’honneur avec ce type de formation ».(Propos recueillis auprès de Frédéric Vanverberghe, Dirigeant et fondateur d’Otherside).

Bernard Chaussegros

À voir aussi