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Les entreprises du numérique ne sont-elles pas survalorisées ?


Pour Samuel Bokobza, directeur associé Samothrace Expertise & Stratégie, les valorisations affichées par certaines start-up donnent parfois le vertige. Explications.

Entreprendre - Les entreprises du numérique ne sont-elles pas survalorisées ?

Pour Samuel Bokobza, directeur associé Samothrace Expertise & Stratégie, les valorisations affichées par certaines start-up donnent parfois le vertige. Explications.

 Pourquoi de telles valorisations ?

Samuel Bokobza :

Les entreprises du numérique peuvent effectivement donner l’impression d’être plus facilement survalorisées que celles d’autres secteurs, tant par leurs fondateurs que par les investisseurs. Cette situation résulte généralement de la combinaison de 2 facteurs : un caractère innovant fort (donc souvent absence de métriques) et, par définition, l’absence d’historique (track record).

La tentation est donc grande d’accorder aux projections élaborées par le management une importance trop grande, voire la seule valeur retenue pour l’évaluation de l’outil créé (logiciel, plate-forme…). Le risque existe toujours et fait partie du cadre, mais peu d’investisseurs se risqueraient sur des montants aussi élevés sans un minimum de certitudes, même si les valorisations affichées donnent parfois le vertige.

Sur quels critères «objectifs» peut-on valoriser une start-up dont le potentiel est, par nature, peu prévisible ?

D’autres éléments doivent donc être impérativement pris en compte afin d’éviter au maximum toute déconvenue future, tant pour les investisseurs que pour le management :

– la comparaison mensuelle du budget avec la réalité constatée en facturation, et donc confirmation ou infirmation du business plan ;

– la qualité des études de marché préalables (qualité de la recherche, qualité de la documentation, études de business case d’entreprise comparables dans l’approche de leurs marchés…) ;

– la qualité du management (formation, expérience métier, capacité à avoir recherché et obtenu un maximum de financements autres que de l’equity (CIR, JEI, Bpifrance, subventions…) ;

– le niveau de trésorerie pré-opération d’investissement (cet élément pouvant traduire le niveau d’implication des dirigeants, la fragilité éventuelle du business model (BFR positif…) ;

– l’analyse approfondie du business model et de la vitesse de consommation du cash («cash burn») ;

– l’analyse des transactions effectuées pour des sociétés comparables par leur taille, leur positionnement secteur, leur niveau d’équipement en ressources…

 Un entrepreneur qui veut lever des fonds a-t-il intérêt à faire estimer sa valorisation avant de contacter les investisseurs ?

Il ne s’agit pas tant d’un intérêt que d’une nécessité ! Un entrepreneur en phase de levée devra nécessairement, sauf cas exceptionnel, procéder à une valorisation préalable de sa société. La tentation d’une survalorisation sera d’ailleurs grande, et il ne faudra pas y céder (le retour de flamme pouvant être violent avec, notamment, une augmentation de capital en 2ème tour de table visant à diluer fortement les fondateurs).

La valorisation est nécessaire pour les deux parties, l’entrepreneur et l’investisseur, afin d’écrire une valeur de la société à un instant T, et se protéger mutuellement en rappelant les hypothèses marché retenues. L’entrepreneur devra s’efforcer de raisonner de manière objective et réaliste. Notamment, le délai d’autonomie financière constituera un élément significativement impactant.

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