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Comment les grands groupes misent sur les start-up


Le phénomène est en pleine explosion. Mais qu’est-ce qui pousse une entreprise pesant plusieurs milliards à investir dans des jeunes pousses ?

Entreprendre - Comment les grands groupes misent sur les start-up

Le phénomène est en pleine explosion. Mais qu’est-ce qui pousse une entreprise pesant plusieurs milliards à investir dans des jeunes pousses ?

En France, d’où sont issus 8% des groupes leaders mondiaux (alors que l’Hexagone contribue à 4% du PIB mondial) et où l’on estime le nombre moyen de création d’entreprise à 320.000 par an sur les 5 dernières années, les partenariats entre grandes et jeunes entreprises connaissent depuis quelques années une forte accélération.

Et contrairement à certaines idées reçues, les jeunes pousses impliquées ne viennent pas uniquement du monde numérique mais représentent un large éventail de secteurs d’activité. 

De la prise de participation directe dans le capital à la mise en place d’incubateurs, les alliances servent des objectifs multiples : business développement, veille technologique, transformation culturelle, communication, investissement, impact sociétal pour la grande entreprise ; gain de notoriété, accès au financement et à de nouveaux marchés pour la jeune entreprise.

Un phénomène émergent

Olivier Marchal, président de Bain & Company, à l’origine avec le fonds Raise d’une étude sur les relations entre ces «Goliath» bien établis et ces «David» nouveaux venus, en est convaincu, les relations avec des grandes entreprises participent à la pérennité et à la croissance des jeunes entreprises : «Tout en contribuant à améliorer la connaissance par les grands groupes des transformations de l’écosystème, ces alliances constituent une parade au “tunnel de la mort” qui voit disparaître près de 50% des entreprises françaises au cours de leurs 5 premières années, coûtant cher au pays en termes d’emplois, de croissance et de progrès».

La majorité des initiatives en place aujourd’hui n’existait pas il y a 5 ans. Hors relations classiques client-fournisseur ou prise de participation, tous les groupes du CAC 40 sont désormais ainsi engagés auprès de start-up, alors que ce n’était le cas que pour moins d’un tiers d’entre eux en 2010. Malgré l’hétérogénéité des niveaux de motivation et d’engagement observés, ce constat est encourageant dans la mesure où une relation avec une grande entreprise impacte positivement la croissance d’une jeune pousse dans 93% des cas.

«L’ignorance, voire la méfiance réciproque souvent évoquées entre les “David” et les “Goliath” de France se dissipent au profit d’une curiosité grandissante et d’un désir constructif d’apprendre l’un de l’autre», note Clara Gaymard, cofondatrice de Raise.

Un mouvement de fonds

51 M€ investis dans plus 10.000 entreprises par plus de 3.000 fonds, tels sont les chiffres du «Corporate Venture» en 10 ans dans le monde. En France, on dénombre 37 groupes actifs en matière de capital-investissement (dont 16 au sein du CAC 40), via des fonds indépendants dits «multicorporate», ou directement par la holding du groupe.

Pour Jean Rognetta, président de PME Finances et délégué général de CroissancePlus, il existe deux modèles : «On peut distinguer le “Corporate Venture” de type stratégique, qui prépare des acquisitions, et le “Corporate Venture” de type plus financier, qui vise à investir dans son écosystème pour le faire vivre. Dans ce dernier cas, le fonds d’investissement devient ainsi un business unit du groupe. Le modèle le plus abouti de ce deuxième type est Intel Capital qui représente 40 à 50% des profits totaux de la maison mère. Mais c’est un modèle malheureusement peu reproductible en Europe, en raison d’une rentabilité trop peu importante du capital-risque».

Du financement à l’accompagnement

Programmes d’accélération, lancement d’incubateurs, d’espaces de travail… les initiatives se multiplient de la part des entreprises du CAC 40, avec des résultats concrets : accélération du développement pour la jeune entreprise, développement plus rapide de nouveaux produits et services à moindres coûts pour la grande entreprise.

Mais avant d’entrer dans un tel programme, les grands groupes imposent une sélection drastique. Sur les centaines de dossiers qui s’empilent, peu sont retenus. Mais le jeu en vaut la chandelle puisque les jeunes pousses accèdent à un carnet d’adresses rempli de partenaires financiers et industriels.

Ainsi, 95% des start-up travaillant au contact des grands groupes sont satisfaits*. Jean Rognetta voit une autre dimension dans cette volonté des groupes d’accompagner les jeunes pousses : «Selon moi, le système de l’incubateur relève plus d’un geste citoyen. C’est le cas par exemple de Total qui pense à sa RSE en créant son propre incubateur. En revanche, il est logique qu’un grand groupe investisse dans un accélérateur. Ce qui est le cas de Numa qui a des corporate à son capital».

À quand les PME et les ETI ?

Si les grands groupes sont de plus en plus nombreux à se lancer dans le «Corporate Venture», c’est encore exceptionnel pour les ETI et PME, qui auraient pourtant tout à y gagner.

«PME Finances a proposé dès 2011 une incitation fiscale pour que PME et ETI soient incitées à investir dans les start-up. L’idée est de pousser les entreprises de taille plus modeste à entrer dans cette logique d’innovation ouverte à l’international et à l’investissement dans les petites sociétés qui leur permettent d’avoir une veille technologique. Ce qui aurait pour effet d’accélérer leur transformation numérique.

L’incitation se ferait par un amortissement pour les entreprises souhaitant investir dans des jeunes pousses. Aujourd’hui, nous n’attendons plus que le décret d’application», indique Jean Rognetta. Aux États-Unis, les montants investis par les «Corporate Ventures» sont 24 fois plus élevés qu’en France (6,9 Mds€ contre 290 M€ en 2015) pour un PIB  seulement 6 fois supérieur. Le développement de partenariats mutuellement bénéfiques entre grandes et jeunes entreprises pourrait contribuer à rattraper ce retard. Un pari tentant !

Sources : Agence FaberNovel

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