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Les Hôteliers Impertinents : « Créer des lieux uniques à forte identité »

« Les Hôteliers Impertinents » ouvrent leur première adresse en province : La Mission à Saint-Sauveur sur l’île d’Yeu, un hôtel 4 étoiles doté de nombreux espaces. Une initiative réussie grâce à deux fondateurs amoureux du lieu, Michel Delloye et Jacques-Olivier Larant, qui ont déjà ouvert cinq adresses à Paris.

De gauche à droite : Jacques-Olivier Larant et Michel Delloye , co-fondateurs des Hôteliers Impertinents

Vous êtes amis depuis le lycée, quel fut votre parcours avant la création du groupe en 2012 ?

Michel Delloye : Nous étions tous deux entrepreneurs auparavant. Mon parcours est le suivant : école de commerce, salarié de compagnies bancaires, puis DHL, Hachette, et enfin un cabinet de conseil spécialisé en réduction des coûts. Lorsque j’ai vendu ma société, j’ai décidé de rejoindre l’hôtellerie. C’est un métier qui ne peut être choisi que par passion, car il exige des compétences financières, opérationnelles et relationnelles. Il s’adresse autant au temps immédiat qu’au temps long.

Jacques-Olivier Larant : Mon profil est marqué par l’immobilier et la construction, où j’ai exercé pendant douze ans en participant à la création du groupe Foncia. Ensuite, j’ai rejoint un fonds d’investissement détenu par des assureurs. La restructuration de lieux m’est donc familière. Nous avions les financements et avons décidé d’investir dans ce secteur très prometteur.

Comment choisissez-vous le lieu et le thème de chaque implantation ?

J-O.L.
: Grâce à notre expérience, nous disposons d’une capacité à fédérer et à solliciter les réseaux qui nous accompagnent pour identifier les opportunités. Le premier critère est de trouver des opérations à forte création de valeur. Par exemple, pour l’hôtel La Belle Ville, nous sommes partis d’un bâtiment de deux étages pour en construire huit, avec deux niveaux de sous-sol, un chantier qui a nécessité 89 micropieux. Nous nous positionnons sur des projets qui demandent une création totale ou une transformation majeure. Notre force réside dans notre capacité à mener des opérations complexes.

M.D. : Avant de nous lancer, j’ai visité près de 200 hôtels. Commencer par Paris permet d’obtenir de bons rendements sur un marché aux prix élevés. De plus, les travaux d’envergure découragent certains opérateurs. Nous n’investissons dans un lieu que lorsque nous savons exactement ce que nous souhaitons y réaliser. Notre processus de décision est rapide, que ce soit pour choisir le lieu ou pour déterminer l’ADN qui le caractérisera. Par exemple, pour le Monte Cristo, l’orientalisme du XIXe siècle s’est imposé, avec trumeaux et tissus de velours, à 800 mètres du Panthéon où Alexandre Dumas est enterré. Nous avons travaillé avec le peintre Christophe Debusschere et fait fabriquer notre propre mobilier.

Vous disposez de cinq établissements parisiens, pourquoi l’île d’Yeu ?

M.D.
: Ce n’est pas le premier projet en province que nous avons étudié, mais nous ne nous lançons que si tous les critères sont réunis. Nous connaissons bien l’île d’Yeu. Le propriétaire nous a d’abord contactés pour un simple conseil concernant La Mission, une ancienne école. L’île est petite et la population est très attachée à cet édifice. Finalement, le propriétaire a décidé de nous céder ce lieu, bien que nous considérions cela comme une transmission plus qu’une vente. L’île d’Yeu est à la hauteur de Saint-Tropez, du Cap Ferret ou de l’île de Ré, mais elle est la plus préservée.

Cela présage-t-il de nouvelles implantations en province ?

M.D.
: Oui, le territoire français nous intéresse. Nous nous y sentons à l’aise, que ce soit dans les grandes villes, sur les côtes ou en montagne. La plupart des groupes hôteliers comptent sur la revente possible d’un ensemble d’hôtels. De notre côté, nous avons reçu des offres pour entrer au capital, mais nous les avons refusées. Nous envisageons plutôt de travailler avec des actionnaires privés pour certaines opérations spécifiques, mais pas pour l’ensemble du groupe.

Les recrutements sont-ils faciles ?

J-O.L. : Comme beaucoup d’autres, nous faisons face à des difficultés, surtout depuis le Covid, qui a bouleversé les schémas de vie. Nous misons sur des profils très jeunes, autour de 30 ans, à qui nous demandons beaucoup en termes d’autonomie et de collaboration. Nous leur offrons en contrepartie des formations et des possibilités de promotion interne. Nous communiquons via Slack et partageons avec eux les données de performance. Avec seulement sept personnes au siège, il n’y a pas de lourdeur administrative, et le sentiment d’appartenance au groupe est très fort.

Vous avez créé un bar au Monte Cristo très axé sur le rhum. Est-ce un goût personnel ?

M.D. : Pas exactement. En réfléchissant à l’ambiance XIXe siècle du Monte Cristo, nous avons pensé à Dumas, d’origine antillaise, et avons décidé de créer une collection exceptionnelle de rhums. Notre expertise s’est développée au fil du temps, et notre personnel connaît parfaitement le produit. Par ailleurs, la valeur de cet actif a doublé depuis nos débuts. C’est un exemple de notre vision, qui doit être à la fois créative et pragmatique.

Comment vous distinguez-vous de l’offre d’autres groupes indépendants ? En quoi consiste votre « impertinence » ?

M.D. : Le premier point est que nous avons choisi le terme « hôtelier », pas « hôtel ». Nous sommes dans un métier où l’humain compte plus que le lieu. Les critiques, bonnes ou mauvaises, concernent toujours l’équipe ou le service. Notre impertinence réside dans notre remise en question permanente, afin d’être certains de faire les bons choix. Nous refusons l’uniformité des lieux et privilégions une vision différente de l’hospitalité. Nous annonçons ce que nous allons faire, et nous le faisons, aussi bien avec nos partenaires bancaires qu’avec nos clients. Nous investissons tout notre temps et notre argent dans cette affaire.

J-O.L. : Un autre point important est que nous essayons toujours d’intégrer une offre de restauration cohérente avec chaque lieu, en plus de tous les autres services. Nos hôtels sont des 4*, même si La Conversation, en raison de la taille de ses chambres, est classé 3*. Quant à La Mission, c’est un 4* au standard 5*.

Quels sont vos plans à cinq ans ?

J-O.L.
: Nous avons des discussions régulières avec des investisseurs tiers. Actuellement, un projet parisien pour 2026 est en bonne voie. Cela représente une diversification qui devrait s’accentuer dans les prochaines années.

M.D. : Nous avons développé six adresses en dix ans, ce qui est un rythme frénétique. Nous ne pouvons pas continuer sur cette lancée. Notre priorité est de rester libres dans notre processus de décision et dans nos actions. Nous envisageons d’être minoritaires ou majoritaires sur certains projets, mais à condition de garder la maîtrise de l’opérationnel et de garantir un retour sur investissement pour nos partenaires financiers. Notre engagement personnel est très fort, et bien que nous puissions doubler la taille actuelle de notre groupe, nous ne souhaitons pas aller au-delà.


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