En économie, il n’y a pas de fatalité mais seulement des décisions ineptes ou mal conduites. Ce n’est pas le cas de Gautier France : exemple à suivre lorsqu’on est confronté aux difficultés.
Le fabricant de meubles vendéen (sis à Le Boupère) coche décidément bien des cases de ces ETI tricolores modèles, dynamiques et bien gérées dont nous avons tant besoin, et dont le nombre est encore insuffisant par rapport à nos voisins allemands ou italiens, trois ou deux fois plus nombreuses ! Groupe familial fondé en 1960 par un petit ébéniste local, Patrice Gautier, qui a l’idée avec son épouse Annick de se spécialiser sur le lit pour enfants.
Aujourd’hui, et pour sauvegarder son modèle, l’entreprise, qui a élargi sa collection à toute la maison, a bien grandi et préfère se placer en redressement judiciaire auprès du Tribunal de commerce de Poitiers afin de pouvoir trouver la meilleure solution de relance pour un groupe industriel de qualité devenu emblématique du savoir-faire vendéen.
Avec 750 salariés directs et plus de 300 emplois dans les 120 magasins français ou étrangers, le roi vendéen du meuble contemporain accessible à tous, n’échappe pas à la crise du secteur, amplifié par les soubresauts du marché immobilier et de la construction. On renouvelle souvent ses meubles à l’occasion d’un déménagement ou d’un changement d’adresse. Récemment, Habitat ou Made.com ont également mis la clé sous la porte. Même si Habitat a pu être relancé uniquement sous forme numérique par le groupe antillais Cafom. Le leader français, Maisons du Monde, 1,13 milliard d’euros de chiffre d’affaires, a dû également revoir son modèle et rationaliser son réseau de distribution. Aucune enseigne n’est épargnée.
Même si Roche & Bobois, enseigne chic et haut de gamme de l’art de vivre à la française, résiste mieux à la contraction générale du marché. Malgré 7 % de ventes en moins au premier trimestre, Roche & Bobois renforce son implantation sur le marché chinois et prend la majorité de son franchisé chinois, depuis 20 ans, Shanghai Rock Castle Furniture, un signe de foi en l’avenir !
Gautier France, présidé par David Soulard, a certes été gravement impacté par le conflit Russie-Ukraine qui a provoqué une brutale hausse des coûts des matières premières et de l’énergie. Mais les collections design de meubles Gautier continuent de bien coller aux attentes du marché. Les dirigeants ont également pris des décisions fortes qui devraient permettre une relance rapide de l’entreprise vendéenne. Le déploiement accentué à l’export avec l’ouverture d’un premier magasin en Afrique, à Abidjan en Côte d’Ivoire, ainsi que l’ouverture prochaine de 25 boutiques en Asie du Sud-Est, devrait conforter le chiffre d’affaires général de 125 millions d’euros en 2023 et renforcer encore l’image de la marque au niveau mondial.
Le lancement en partenariat avec la jeune pousse toulousaine Izidore d’une plateforme de vente sur Internet de meubles Gautier de seconde main, répond également à une demande de plus en plus prégnante des consommateurs. On le voit bien dans le secteur textile avec le succès des jeunes pousses de seconde main, comme Vestiaire Collective (déjà 4 millions de membres) ou Vinted.
De même, la stratégie verte affichée par Gautier, consistant à vouloir fabriquer en totalité des meubles en bois recyclé et recyclable, ou récupéré à partir de bois brûlé, va également dans le sens d’une tendance générale de la société. Autant de points positifs pour l’avenir, d’autant qu’au plan de la compétitivité industrielle, Gautier n’est pas en reste. Et n’a pas tardé à s’appuyer sur une usine intégralement automatisée capable de fabriquer 24 heures sur 24 et en temps réel des meubles à la demande, comme elle le fait avec son usine ultramoderne de Saint Prouant, inaugurée en Vendée en 2022. Autant d’atouts d’avenir qui ne peuvent, au-delà des difficultés financières actuelles, que donner confiance pour demain.
Des raisons de rester optimiste pour cette belle ETI made in France qui montre que la force d’une entreprise réside, en cas de difficultés, dans sa capacité à savoir réagir à temps, rapidement et fermement. Finalement, le pire pour une équipe managériale est de ne pas savoir prendre et appliquer les décisions dans le bon tempo. Tout dirigeant peut avoir des difficultés, la question est simplement d’arriver à dégager de vraies perspectives d’avenir et aussi à savoir les mettre en place. C’est dans les difficultés que l’on jauge un bon capitaine !
Robert Lafont