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Les néobanques vont-elles sonner le glas de la banque classique ?


Les banques en ligne ou sur mobile séduisent de plus en plus la clientèle, forçant les banques historiques à réduire leurs effectifs et à s’adapter. C’est sur les services, leur gratuité et la technologie internet que se joue cette nouvelle guerre économique où la concurrence fait rage.

Entreprendre - Les néobanques vont-elles sonner le glas de la banque classique ?

Les banques en ligne ou sur mobile séduisent de plus en plus la clientèle, forçant les banques historiques à réduire leurs effectifs et à s’adapter. C’est sur les services, leur gratuité et la technologie internet que se joue cette nouvelle guerre économique où la concurrence fait rage.

Les banques ont longtemps bien vécu, de par le monopole lié à leur statut. Cependant, ces dernières années, l’environnement financier a subi un vrai bouleversement en Europe et en France. Une croissance au ralenti, pas ou peu d’inflation et des taux d’intérêt qui ne cessent de baisser. Face à cette nouvelle donne macro-économique, la réaction est d’autant plus complexe que l’univers bancaire entre de plein fouet dans un nouveau monde, à son corps défendant.

L’Europe dynamite les habitudes

L’Union européenne avait déjà montré la voie fin 2009 en mettant fin au monopole des banques en matière de paiement. Depuis le 13 janvier 2018, avec application en septembre 2019, la seconde directive européenne sur les services de paiement appuie sur la pédale d’accélérateur. Elle favorise « le développement de moyens de paiements innovants, accessibles et faciles à utiliser ».

L’un des points importants concerne l’ouverture de l’accès aux comptes des clients des établissements bancaires classiques aux autres « tiers prestataires de services de paiement », une pilule quelque peu difficile à avaler pour les premiers. L’autre élément qui change la donne porte sur des normes techniques ayant pour but de sécuriser l’authentification des paiements en ligne, obligeant de fait à obtenir la validation explicite du client.

Un univers plus concurrentiel

Ces nouveautés provoquent un véritable séisme en termes de concurrence, et ont pour conséquence de multiplier l’éventail de nouveaux services financiers adossés à internet. Cette directive sonne le glas des réseaux interbancaires exclusifs. Les banques qui avaient quasiment un monopole sur la distribution de leurs produits et services vont devoir faire avec l’intervention de nouveaux acteurs qui pourront proposer des services innovants à prix compétitifs en utilisant internet.

Des petits nouveaux bien remuants

Des start-ups sont apparues ces dernières années qui se sont infiltrées sur le terrain des banques sans aucun complexe, proposant dans un premier temps des systèmes de paiement, du conseil financier, de la gestion de patrimoine, des assurances, des plateformes de financement participatif et autres cagnottes. Leetchi, Ditto, Ledger, Lendix, Alan n’ont pas eu de grandes difficultés à lever des fonds pour lancer ou développer leur activité. Tous ces nouveaux acteurs viennent grignoter la rentabilité des acteurs classiques.

Elles ont d’ailleurs décidé pour la plupart d’accompagner le mouvement pour mieux l’encadrer. Ainsi, le « Village by CA » du Crédit Agricole, ou le « Lab de l’Atelier » de BNP Paribas sont des lieux où l’innovation fleurit. Ces structures permettent aux banques de participer, voire racheter, les fintechs qui leur semblent les plus prometteuses. Chose faite pour BNP qui a racheté Nickel et Gambit (robot conseiller).

Nouveau business model

Jusqu’à présent, les banques se rémunéraient sur les commissions prises sur les opérations bancaires et sur les services complémentaires proposés. Or, dès leur apparition, les banques en ligne ont supprimé les tarifs bancaires de tenue de compte. A présent, de par l’évolution de la législation, le mouvement de déflation est engagé entraînant une dégradation supplémentaire des marges, à un moment où les banques historiques se doivent d’investir dans de nouveaux systèmes informatiques répondant aux nouvelles exigences. Un virage stratégique qui dépendra aussi de l’appétence des clients à aller vers les nouveaux acteurs, ou à rester dans des réseaux historiques.

Le nouveau monde des banques

Compte-Nickel, N26, Revolut, Max, Lydia, Orange Bank, Hello Bank, BforBank, ING, Fortuneo Banque, Agence directe, etc, ont pris une longueur d’avance sur les banques classiques en matière de digital, d’expérience client, mais aussi d’efficacité, de rapidité, de simplicité au niveau des contacts. Un exemple parmi d’autres : toutes les banques proposent à ce jour des ouvertures de compte en quelques clics, en revanche la réception de la carte bancaire pour prendre plus d’une semaine. Revolut, Compte-Nickel ou C-Zam proposent elles des cartes bancaires actives immédiatement. Autre élément important, l’ouverture des comptes basiques peut se faire sans conditions de revenus, par exemple chez Monabanq, mais pas seulement, quitte ensuite à choisir un compte premium.

Un raisonnement discount

La grande différence réside dans le fait que les néobanques ne financent pas de réseaux d’agences. Elles ont aussi une approche de réduction des coûts extrêmement fine : pas d’envois par la poste, changement de plafond de carte possible par le client, obtention de crédit à la consommation uniquement par internet, constitution de cagnottes virtuelles pour les clients, etc.

La différence a pu être constatée immédiatement sur les taux appliqués sur les découverts autorisés : alors que les banques classiques étaient généralement sur des taux à deux chiffres, la plupart des banques en ligne se situaient aux alentours de 8%. De façon très pragmatique, les développements digitaux se font en interne, mais si cela n’est pas suffisamment compétitif, des alliances sont nouées avec des spécialistes pour gagner du temps.

L’arrivée de nouveaux services

Les banques commencent à proposer de nouveaux services qui a priori n’ont rien à voir avec leur savoir-faire. Des applications permettent déjà de gérer les frais des commerciaux, d’aider au déménagement, de recevoir un message lorsque le salaire est viré, d’être informé lors de certaines échéances… Ces nouveautés sont autant d’occasions de proposer des produits : simulation de retraite, signalement des capacités d’épargne, il s’agit d’une sorte de coaching relativement simple, qui peut aussi s’accompagner d’un rendez-vous avec… un être humain, le conseiller.

Celui-ci perd de sa dimension commerciale. Il n’est plus là pour vendre des produits et services spécifiques pour décrocher une prime, mais doit dans l’idéal trouver les meilleures solutions pour chaque individu et disposer d’un maximum d’informations le concernant.

L’indispensable IA & les GAFAM

Assistants virtuels, boîte à outils, règles de fonctionnement du compte définies par le client, notifications, disponibilités des informations en temps réel… l’intelligence artificielle est partout. Mais si le monde bancaire change, et s’adapte aux nouvelles donnes d’un marché plus ouvert à la concurrence, un fait vient pourtant s’imposer à tous les acteurs : c’est bel et bien la maîtrise des données clients qui est la carte maîtresse. Or, ce ne sont pas les banques qui sont les mieux placées pour cela, mais les GAFAM, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft, qui disposent déjà de solutions de paiement mobile efficaces et ont de grands projets pour le futur.

Une question de génération

« Nous sommes en couple depuis quelques mois seulement, nous avons une appli pour voir où nous en sommes de nos dépenses mutuelles pour qu’il n’y ait pas de problème d’argent entre nous. Comme ça, pas de souci ou de discussion sur le sujet, nous partageons. » Voici le témoignage de Max, 26 ans, qui n’éprouve aucun état d’âme à utiliser les nombreux services proposés en matière de suivi budgétaire. Les jeunes sont les premiers à adopter les nouveaux services proposés par les fintechs, et les banques en ligne ne les rebutent pas ; le contact agence étant selon eux peu nécessaire. Cependant, les milléniaux ne sont pas prépondérants parmi les clients des banques en ligne, l’âge moyen de leurs clients se situant plutôt vers 40 ans.

Globalement en France, les clients sont assez fidèles à leur banque, seuls 19% annonçaient en janvier vouloir changer d’organisme. Les choses évoluent donc, mais pas aussi rapidement que l’on pourrait s’y attendre. Dans ce cas, c’est le législateur qui provoque le changement culturel. Face à la multiplication des acteurs, c’est l’agilité en matière technologique et informatique qui devient primordiale. Les fonctions et métiers liés à ce secteur vont donc prendre une importance primordiale.

A.F.

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