Une des plus récentes découvertes dans le domaine des neurosciences est que nous avons dans le cerveau des neurones très particuliers qui, non seulement s’activent quand nous faisons quelque chose, mais s’activent aussi quand nous voyons quelqu’un d’autre faire la même chose, comme si nous étions alors le reflet l’un de l’autre, et c’est pourquoi on leur a donné le nom de « neurones-miroirs ».
Le professeur Vilayanur Ramachandran, directeur du Centre pour le Ceveau et la Cognition de l’Université de Caliornie à San Diego, considéré comme « le Marco Polo du cerveau », a observé que leur rôle ne se limite pas à reproduire les actions des autres personnes, les neurones-miroirs jouent aussi un rôle dans la compréhension et le partage de leurs émotions. Pour lui, ce sont donc les neurones de l’empathie, et, comme il est d’origine indienne, il en parle comme des « neurones de Gandhi ». Mais, s’il avait commencé ses travaux après que Barack Obama ait accédé à la Maison Blanche, il les aurait sûrement appelés « neurones d’Obama », tant celui-ci valorise l’empathie comme la valeur cardinale de sa politique et de sa gouvernance.
« L’empathie », professe-t-il, « est une qualité que j’apprécie de plus en plus avec l’âge . Elle est au cœur de mon code moral et c’est ainsi que je conçois ma règle d’or : pas simplement un appel à la compassion ou à la charité , mais quelque chose de plus exigeant , un appel à se mettre dans la peau de quelqu’un d’autre et à voir avec ses yeux » . « Comme pour la plupart de mes valeurs » , écrit-il dans « L’Audace d’espérer », son premier livre sorti en 2006, « j’ai appris l’empathie avec ma mère », dont il précise qu’elle l’a éduqué avec un « principe simple » qu’elle lui répétait très souvent : « Quel effet ça te ferait , à toi ? ».
Le buste de Martin Luther King
L’autre « maître à penser » de Barack, « Barry » pour sa mamie, c’est bien évidemment Martin Luther King. Sa présence, dans la vie d’Obama, s’y inscrit en filigrane, comme dans le titre des ses livres « Les rêves de mon père », en écho au fameux « I have a dream », du leader noir, ou le dernier, « Une Terre Promise ». « J’ai vu la Terre Promise » sont, en effet, les derniers mots du dernier discours du pasteur noir, prononcé juste avant son assassinat le 4 avril 1968 à Memphis.
De plus, les premiers pas du nouveau Président Obama furent symboliquement accompagnés par la mémoire de Martin Luther King. C’est sur une Bible lui ayant appartenu que Barack Obama a prêté serment lors de son investiture, le 20 Janvier 2009, et le premier objet qu’il a fait apporté dans le bureau ovale, c’est un buste de celui dont la pensée et l’action politique l’ont inspiré et vont continuer à l’inspirer !
Déficit d’empathie
Durant ces différents mandats, il va faire constamment l’apologie de l’empathie, qu’il donne comme étant le principe fondamental de son action politique, et la condition de sa réussite. Sans elle, il ne saurait y avoir de progrès de l’humanité, conviction qu’il partage avec le professeur Ramachadran, pour qui les neurones-miroirs ont « façonné la civilisation » et permis notre évolution. Et puisque ce capital dans notre cerveau est si précieux, Barack Obama s’en préoccupe avec beaucoup d’attention, comme, en 2006, quand il donne une conférence à l’Université Northwestern, dans l’Illinois, dont il est alors Sénateur, « je dis souvent », y expose-t-il, « que nous avons un déficit budgétaire important, que nous avons un déficit commercial critique, mais ce qui m’inquiète le plus, c’est notre déficit d’empathie.Quand je parle aux étudiants, je leur dis que l’un des plus importants ce que nous pouvons faire, c’est regarder à travers les yeux de quelqu’un d’autre » . La même année, il écrira dans « L’Audace d’espérer », « en tant que pays , nous souffrons d’un manque d’empathie. Nous ne tolérerions pas des écoles qui n’enseignent rien , qui pâtissent d’un manque chronique de crédits , de personnel , si nous pensions vraiment que les enfants qui les fréquentent sont comme les nôtres, sont les nôtres » .
Le berceau viennois
Mais ce n’est pas au XXème siècle, ni aux Etats-Unis, qu’est née la notion d’empathie. Comme toutes les grandes découvertes de la psychologie, c’est dans la Vienne du XIXème siècle qu’on va la voir apparaître. A l’origine, c’est un principe, inventé en 1873 par un philosophe allemand, Robert Vischer, pour désigner un « ressenti de l’intérieur » qui permet, par une sorte de communion avec l’artiste, de comprendre son œuvre ; cette notion fut alors reprise par un autre philosophe, Theodor Lipps, qui enseignait à l’université de Vienne, un homme brillant et influent que Freud admirait ; il la transposa de l’esthétisme aux émotions, en donnant comme exemple « le spectateur d’un geste de fierté qui en même temps ressent lui-même de la fierté », expérience que nous avons tous fait en voyant dans un stade notre champion favori monter sur le podium de la victoire ! Un sentiment privilégié de communion émotionnelle avec l’autre, mais qui peut aussi s’éprouver dans une situation banale de la vie de tous les jours.
L’alpha et l’oméga
Et c’est exactement ce que Barack Obama a voulu illustrer qaund il a choisi de conclure son dernier livre, sur le bilan de sa présidence, par ces mots : « j’ai regardé la rue en contrebas, encombrée par la circulation à l’heure de pointe : autant de travailleurs qui, comme moi, étaient pressés de rentrer chez eux ». Ce « comme moi », c’est ce que sa maman lui a appris enfant, et que, depuis, il s’efforce de mettre en pratique dans toutes les situations de sa vie, avec l’idée que si cette qualité manque, tout finira par manquer aussi. L’empathie est à Barack Obama ce que la résilience est à Emmanuel Macron, l’alpha et l’oméga de la personnalité !
Catherine Muller
Docteur en psychologie
Member of the World Council of Psychotherapy
Member of the American Psychological Association