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Nicolas Flouriou, Président de l’AFDCC : « Les retards de paiement augmentent le risque de faillite des PME »


En 2023, 46 % des entreprises ont vu leurs délais de paiement augmenter, contre 21% en 2021. Véritable éau pour les PME, ces retards entraînent une cascade de problèmes : trésorerie, salaires impayés, fournisseurs non réglés, risque de faillite... Comment y faire face ? Eléments de réponse avec Nicolas Flouriou, président de l’AFDCC, l’association des credit managers.

Entreprendre - Nicolas Flouriou, Président de l’AFDCC : « Les retards de paiement augmentent le risque de faillite des PME »

Comment les retards de paiement affectent-ils la compétitivité des PME à court et à long terme ?

Nicolas Flouriou. À court terme, les retards de paiement réduisent la liquidité, altèrent le cash, compliquent le paiement des dépenses courantes et augmentent le stress opérationnel. À moyen et long terme, ils limitent les opportunités de croissance, détériorent les relations avec les fournisseurs et augmentent le risque de faillite. Une entreprise payée au-delà de 60 jours voit son risque de faillite augmenter de 25 %. Concernant les PME, les retards de paiement en France correspondent à un déficit de trésorerie de 15 milliards d’euros sur une année.

Comment expliquer l’augmentation significative des délais de paiement depuis 2021 ?

Ils s’étaient légèrement réduits en 2022, mais ont augmenté en 2023, surtout à partir du 2ᵉ semestre, parallèlement au retour à la normale des défaillances d’entreprises. Les perturbations des chaînes d’approvisionnement, l’inflation, la hausse notable des prix de l’énergie, l’incertitude économique, les conflits géopolitiques et les difficultés accrues des entreprises faiblement capitalisées ont également joué, car cela affecte la confiance, qui joue un rôle majeur dans l’économie.

Après trois années exceptionnellement basses en nombre de faillites (2020-2022) suite aux aides massives de soutien à l’économie – PGE, activité partielle de longue durée, etc. –, 2023 a été l’année du rattrapage. Celui-ci commence à s’estomper, la conjoncture prenant désormais le relais. Cela dit, d’après le dernier rapport de l’Observatoire des délais de paiement, la moitié des entreprises françaises paient leurs fournisseurs sans retard, contre un tiers il y a plus de dix ans.

Quelles mesures les PME peuvent-elles mettre en place pour éviter les retards de paiement ?

À l’AFDCC, nous conseillons de relancer les clients rapidement en cas de retards, de faire de la pré-relance pour s’assurer qu’il n’y aura pas de blocage et de régler les litiges sans tarder. C’est une démarche qualité. Il est judicieux de planifier des relances auprès des clients avant les congés pour s’assurer que les factures seront payées à échéance et de connaître le circuit de validation des factures du client.

Négocier des acomptes ou proposer des modes de paiement en ligne et flexibles est bénéfique. Il est également crucial de maintenir une communication proactive avec ses clients, de réévaluer régulièrement leur solvabilité et de rédiger des conditions générales de vente adaptées à son business tout en priorisant le recouvrement des factures et des clients sensibles. Enfin, former les commerciaux aux enjeux du credit management et du cash est vital. Ce sont nos meilleurs alliés.

Existe-t-il des initiatives gouvernementales ou des dispositifs spécifiques pour aider les PME à faire face à ces retards ?

En France, les délais de paiement sont encadrés par la loi : en simplifiant, le délai standard est de 30 jours et peut légalement aller jusqu’à 60 jours nets maximum, sans oublier les factures périodiques qui sont à 45 jours nets maximum et sans compter les délais spécifiques à certains secteurs.

Il faut également souligner le rôle de la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes), qui mène des contrôles pour non-respect des délais de paiement. En 2023, elle a d’ailleurs infligé 58,4 millions d’euros d’amendes. Sans oublier l’utilisation par la DGCCRF du name and shame avec la publication des amendes, ce qui fait courir un risque pour l’image des entreprises concernées.

J’ajoute que les cotations de la Banque de France intègrent maintenant définitivement les délais de paiement. Des dispositifs peuvent aider les PME, comme le Médiateur des entreprises (service public venant en aide à toute entreprise qui rencontre des difficultés avec un partenaire, ndlr) et la Médiation du crédit, qui vont aider les entreprises lorsqu’elles rencontrent des difficultés avec un client ou un fournisseur suite à un déséquilibre critique, ou bien quand elles subissent des difficultés de financement.

Ces dispositifs permettent de trouver des solutions en préservant la relation commerciale ou bancaire. C’est gratuit et confidentiel.

Comment renforcer la responsabilisation des entreprises concernant le respect des délais de paiement ?

Les contrôles pour non-respect des délais de paiement vont dans le bon sens, mais il faudrait aller plus loin : l’amende maximale de 2 millions d’euros devrait être déplafonnée et se calculer en pourcentage du chiffre d’affaires. Les sanctions, bien que publiées sur le site de la DGCCRF, ne sont pas suffisamment reprises dans la presse.

Il est essentiel de promouvoir la transparence, notamment avec la publication des délais de paiement des collectivités locales.

Depuis 2019, nous attendions la publication des délais des collectivités locales. C’est fait depuis avril 2024 pour celles de plus de 3 500 habitants. Sensibiliser les entreprises à l’importance de respecter les délais de paiement est vital, car trop d’entreprises refusent de répondre à des appels d’offres par crainte de ne pas être payées.

En payant bien ses fournisseurs, on transforme la relation commerciale en un vrai partenariat. Le total des créances clients en France atteint quasiment 800 milliards d’euros. Négocier les délais de paiement est donc capital. C’est un enjeu de souveraineté nationale.

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