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Les SPACS arrivent en France : un financement accessible aux PME ?


La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS Cette semaine, deux SPAC font leur entrée à la Bourse de Paris. Un début d’année 2021 spectaculaire, le marché est en plein boom en Europe. Populaires aux Etats-Unis, les SPACs attisent depuis peu l’attention des entrepreneurs européens avertis. Mais est-ce que ces coquilles...

Bernard Arnault (LVMH)

La chronique économique hebdomadaire de Bernard CHAUSSEGROS

Cette semaine, deux SPAC font leur entrée à la Bourse de Paris. Un début d’année 2021 spectaculaire, le marché est en plein boom en Europe. Populaires aux Etats-Unis, les SPACs attisent depuis peu l’attention des entrepreneurs européens avertis. Mais est-ce que ces coquilles vides sont le signe avant-coureur d’une bulle en devenir ou un système financier prometteur ? La SEC, le gendarme de Wall Street alerte aujourd’hui sur les dangers de ces derniers… le marché serait-il donc d’ores et déjà en train de se tarir ?

SPACS, bourse et pain béni pour les sponsors

SPAC c’est l’acronyme de Special Purpose Acquisition Company. C’est une société qui a pour objet de lever des fonds par appel public à l’épargne dans l’objectif d’acquérir une ou plusieurs sociétés ou actifs, le plus régulièrement par voie de fusion : des structures qui ont donc pour seul but de réaliser une acquisition après avoir levé des fonds elles-mêmes pour s’introduire en amont sur le marché boursier.

La cible de l’acquisition n’est généralement par définie au moment de la levée de fonds initiale. Le prospectus de ce véhicule d’investissement comporte seulement des indications sur le type d’entreprise ou le secteur de la cible. Les actions d’une SPAC sont émises en général à prix initial avoisinant les 10$. Au moment de son introduction en Bourse, les investisseurs reçoivent un warrant donnant droit à l’achat d’un titre à un prix fixé à l’avance. Leur prix d’exercice est habituellement de 11,5$. Les fonds récoltés sont ensuite placés sur un compte de fiducie et investis dans des bons du Trésor.

Parfois sponsorisées par des personnalités du monde des affaires, des sportifs ou bien encore des financiers de renoms, elles restent encore peu connues du grand public. Pourtant en 2020, selon Oddo BHF, près de 55% des introductions en bourse se sont déroulées par l’intermédiaire d’une SPAC. Les hommes d’affaires français s’y intéressent d’ailleurs de près : la SPAC Pegasus Europe, soutenue par le milliardaire Bernard Arnault, a annoncé fin avril avoir levée 500 millions d’euros à la Bourse d’Amsterdam, ce qui en fait la plus grande Spac en Europe.

Il convient de regarder de plus près ces véhicules d’investissements qui mettent un pied dans la chasse gardée des sociétés de private equity.

Les équipes de gestion de la SPAC, appelées sponsors, reçoivent généralement pour un investissement quelques millions d’euros (environ 2,5% des fonds levés), entre 15 et 20% du capital social et des droits de vote. Néanmoins, il convient de préciser la non-gratuité de cette contrepartie qui vient en réalité récompenser la prise de risque initiale. Les sponsors disposent ensuite d’un délai de 18 à 24 mois pour despacker, c’est-à-dire réaliser, la première acquisition. Une fois la cible identifiée, une annonce publique est réalisée et un vote organisé. En général, la majorité est nécessaire pour valider la cible d’investissement. Le cas échéant, les actionnaires ayant voté contre peuvent choisir de se faire rembourser leur investissement initial ainsi que les intérêts produits par ce dernier.

Pour mener à bien l’opération, des fonds supplémentaires sont généralement levés. Ils peuvent être apportés par les sponsors mais la plupart du temps l’équipe de gestion lève les fonds supplémentaires via un placement privé dans une société cotée. Les investisseurs institutionnels entrent alors en jeu, ce qui est rarement le cas lors de l’introduction en bourse.

NB : Les transactions portent généralement sur un montant près de quatre fois supérieur à celui de la première levée au moment de l’introduction en bourse.

Une fois l’opération finalisée, la SPAC fusionne avec la société cible et les actionnaires de la SPAC deviennent les actionnaires de l’entité fusionnée. Le ticket de la SPAC est généralement remplacé par celui de la société fusionnée mais la valeur de la participation respective et la valeur des actions de l’actionnaire de la SPAC restent les mêmes.

Une facilité d’investissement, mais un pari risqué

Bien que ce véhicule d’investissement permette entre autres un accès facilité à l’investissement en capital-risque et de raccourcir les délais d’introduction en bourse (car soumis à une procédure moins contraignante qu’une IPO classique) il présente un certain nombre de risques.

  1. Le risque de ne pas despacker et de ne pas trouver de cible dans le délai prescrit.

Coût d’opportunité pour les investisseurs dont l’argent a été immobilisé sur le compte de fiducie à très faible rendement.

  • Le risque d’une mauvaise équipe de gestion

Une bonne équipe de gestion doit être en mesure de correctement évaluer la cible et les perspectives offertes par celle-ci.

  • Le risque d’une bulle

Les investisseurs doivent être conscient que l’engouement pour les SPACS pourrait engendrer la création d’une bulle. En mars 2021, 247 SPACs étaient toujours à la recherche d’une entreprise à acquérir dans le courant de l’année 2021. Cela pourrait en théorie aboutir à une survalorisation de certaines sociétés cibles en raison d’un déséquilibre entre les fonds levés par les SPACs et le nombre de cibles d’acquisition potentielles.

Cet outil financier peut-être la solution pour des entrepreneurs qui ont une vraie vision de leur marché mais qui se heurtent à la frilosité de leurs banquiers car aujourd’hui, hormis la BPI et la Banque des Territoires, le système bancaire traditionnel est loin de répondre aux attentes des chefs d’entreprise.

Un exemple de SPAC à la française : Mediawan

Mediawan est le premier SPAC ayant abouti en France par l’acquisition initiale du groupe AB en 2017.

Lancée par Pierre-Antoine Capton, Xavier Niel et Matthieu Pigasse en avril 2016, le véhicule d’investissement avait alors levé un montant de 250 millions d’euros au moment de son introduction à la Bourse de Paris. La mission du véhicule était d’investir dans « le domaine des médias traditionnels et digitaux ou dans le secteur du divertissement en Europe ».

Pari réussi, Mediawan est aujourd’hui un acteur important du paysage audiovisuel européen. L’ambition du trio est désormais de faire de Mediawan le leader mondial des contenus audiovisuels. Les premiers jalons sont posés pour le groupe valorisé à 1 milliards d’euros : acquisition de la société de production sénégalaise Keewu en 2020 et bien placé pour un rachat de Côte Ouest Audiovisuel en Côte d’Ivoire.

Sources :

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