La politique énergétique de la France a connu des changements significatifs au cours des dernières années. Le secteur nucléaire, qui contribuait à maintenir des prix d’électricité compétitifs en France par rapport à la moyenne européenne, a fait l’objet de débats et de réorientations stratégiques.
Nucléaire, le retour
Si le nucléaire fait l’objet d’un nouvel intérêt de la part des pouvoirs publics et de certains capitaines d’industrie, c’est qu’il dispose d’atouts non négligeables face à une concurrence américaine, russe et chinoise.
Énergie bas-carbone, stable et continue, le nucléaire a éveillé l’attention de nombreuses start-ups qui se consacrent chacune à leur façon au développement de petits réacteurs tout en bénéficiant du support financier de l’État. D’un point de vue géopolitique, la guerre en Ukraine a fait apparaître des dépendances peu souhaitées, comme celle de l’Allemagne vis-à-vis du gaz russe. Si l’on ajoute à cela le fait que certaines solutions vont permettre de se débarrasser de déchets nucléaires, cette nouvelle filière semble avoir un bel avenir.
Jimmy Energy, première lauréate « Réacteurs nucléaires innovants » France 2030
Jimmy Energy, née en 2021, s’adresse aux industriels pour remplacer les sources de chaleur issues d’énergies fossiles brûlées. La proposition de la start-up ? Des générateurs thermiques utilisant la technologie de fission nucléaire pour une concrétisation souhaitée en 2026. La subvention de 32 millions d’euros attribuée par l’État va permettre de poursuivre les avancées.
Pour l’instant, l’entreprise respecte son timing et vient de déposer une demande d’autorisation pour la mise à disposition d’un mini-réacteur destiné à la fourniture de chaleur d’une usine du groupe sucrier Cristal Union. Un premier bâtiment d’assemblage doit aussi voir le jour l’an prochain au Creusot.
Calogéna, pour décarboner les réseaux de chaleur urbains
Une chaudière nucléaire Calogéna qui remplacerait une installation à gaz permettrait de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 000 tonnes par an ou de 60 000 tonnes pour une installation au charbon.
L’objectif est d’alimenter 20 000 foyers par module dans les villes d’Europe et de commencer la production en série en 2030. Le combustible choisi est disponible (déjà utilisé en centrales) et bénéficie d’une filière de retraitement, ce qui permet à Calogéna d’être le projet de SMR français le plus avancé. Le projet, lancé en 2021, rassemble le groupe Gorgé et douze experts de la société NucAdvisor. La Commission européenne a choisi Calogéna et le finlandais Steady Energy pour le projet CityHeat.
Stellaria, de l’énergie pour 3 000 ans
Cette start-up, essaimage du CEA, travaille sur un petit réacteur innovant à cœur liquide qui parvient à régénérer 100 % de son combustible en cœur pendant son fonctionnement et en brûlant en même temps les déchets de haute activité à vie longue.
Un outil extraordinaire pour les usines, mines et centres de données. « Notre collaboration avec Orano, Thorizon, le CEA, Schneider Electric et Technip Énergie constitue la première brique d’une filière européenne permettant l’avènement d’une nouvelle énergie nucléaire renouvelable, décarbonée, permettant potentiellement plus de 3 000 ans d’autonomie énergétique grâce à l’utilisation des stocks de matières nucléaires déjà existants sur notre sol », nous explique Nicolas Breyton, président de Stellaria.
Naarea, une énergie décarbonée et décentralisée
Pour protéger la planète et notre espèce, Jean-Luc Alexandre et Ivan Gavriloff sont persuadés que « le principal vecteur pour y parvenir et construire un futur durable est une énergie décarbonée et accessible à tous » à partir d’une énergie « propre, décentralisée, abordable, abondante, autonome, illimitée ».
Leur offre consiste en des microgénérateurs nucléaires destinés à être installés auprès de sites industriels ou en territoire isolé.
Naarea développe une technologie de rupture qui s’exprime dans son microgénérateur XAMR®. Cette innovation permet entre autres une autonomie de dix ans sans raccordement à un réseau et des coûts d’exploitation faibles.
Le réacteur à sels fondus et neutrons rapides utilise les déchets nucléaires de très longue vie, évitant leur enfouissement. La start-up fait partie d’une alliance industrielle stratégique européenne avec Newcleo (Italie) et Thorizon (franco-néerlandais), pour utiliser leurs synergies en phase expérimentale de prototypage sur les neutrons rapides. L’objectif est là encore 2030.
Renaissance Fusion, à l’origine des « stellarators »
L’entreprise grenobloise créée par le physicien Francesco Volpe et Martin Kupp a déposé de nombreux brevets sur des supraconducteurs à haute température et sur les métaux liquides. Elle développe un réacteur à fusion par confinement magnétique, une voie différente de ses concurrents.
L’entreprise cible des sociétés d’ingénierie, d’approvisionnement, de construction et de mise en service de centrales électriques. Après une première levée de 15 millions d’euros, Bpifrance a décidé d’une subvention de 10 millions pour poursuivre les recherches de la technologie défendue par la start-up.
« Nous sommes des rebelles portés par une forte rigueur scientifique, des créatifs qui osent réinventer l’ingénierie de la fusion sous contraintes économiques », tel est le credo de Renaissance Fusion.