Petit-fils du roi du Pastis Alexandre, 50 ans, est à la tête du géant français des vins et spiritueux depuis sept ans. L’héritier de la dynastie Ricard mise sur les marques iconiques du groupe originaire de Marseille et innove en se lançant dans le rosé et les boissons alcoolisées. Son objectif ? Damer le pion au britannique Diageo et faire de Pernod Ricard le leader mondial des spiritueux.
Alexandre Ricard n’est pas homme à traîner en chemin. Le patron de Pernod Ricard a lancé le groupe de spiritueux dans une vaste transformation en misant sur la diversification. Rosé, boissons sans alcool, intelligence artificielle… Le mythique Pastis 51 semble loin !
En mars 2022, la multinationale a racheté le Château Sainte-Marguerite (famille Fayard). Cette enseigne située à La Londe-les-Maures (Var) est spécialisée dans le rosé bio et vegan, ce qui permet au géant des spiritueux de se déployer dans un secteur en vogue, notamment dans les destinations festives.
Grâce à ce rachat, Pernod Ricard entend nouer des partenariats et réaliser des acquisitions en Provence. En plus du rosé, Alexandre Ricard a ciblé un nouveau secteur : les boissons sans alcool. La demande des consommateurs étant de plus en plus forte dans ce domaine, le groupe marseillais compte bien en profiter. Enfin, Alexandre Ricard mène une autre transformation, numérique celle-ci. Cet admirateur de Steve Jobs a depuis longtemps mis à contribution son réseau dans la tech. Avec lui, Ricard est entré de plein pied dans l’époque de la data, des algorithmes et de l’intelligence artificielle. Grâce aux données numériques, Alexandre Ricard espère affiner le ciblage des consommateurs.
LE CAP DES 10 ET 20 MILLIARDS
Né en 1975 de la fusion de deux entités, Pernod, fondée en 1805, et Ricard, lancée en 1932, le challenger Ricard s’est construit un portefeuille de marques à nul autre pareil. L’entreprise dirigée par Alexandre Ricard, représentant la 3ème génération de la fa-mille, possède le plus vaste portefeuille du secteur — quasiment exhaustif —, et son réseau de distribution n’a pas d’équivalent.
« L’histoire de Ricard s’apparente à celle de la France », expliquait récemment Alexandre Ricard. De fait, l’enseigne originaire de Marseille appartient au patrimoine national. La puissance de Pernod Ricard tient en ses marques. Des marques iconiques. De Mumm à Absolut, en passant par Ballantine’s, Martell ou Havana Club, le géant français est un empire. Un empire qui se situe à la deuxième place mondiale dans le sec-teur des vins et spiritueux — le leader reste le britannique Diageo (Guinness, Gordon’s, Smirnoff, Johnnie Walker, J&B, Baileys…) avec 22 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
Sur la période 2021-2022, Pernod Ricard a vu ses revenus exploser (+21%) pour atteindre 10,7 milliards d’euros. Un record : le groupe français aux 19 000 salariés a franchi pour la première fois le cap des 10 milliards, et a enregistré son taux de croissance le plus rapide en plus de trois décennies ! Pernod Ricard a été porté par ses marques internationales comme le whisky irlandais Jameson (+24% ), les marques écossaises Chivas Regal (+29%) et Ballantine (+24 %), Absolut (+19%) et Martell Cognac (+7%).
Au niveau géographique, la hausse des ventes du groupe tricolore est portée par l’Inde, la Turquie, la Chine, l’Afrique sub-saharienne et l’Europe. Une réussite totale pour l’empire Ricard. Selon son PDG, diriger un groupe familial — les héritiers Ricard détiennent encore entre 13 et 14 % du capital de Pernod Ricard et restent le premier actionnaire — permet de ne pas être « prisonnier de la tyrannie du court-termisme et d’agir toujours en vue du long terme. C’est créer dans la durée comme l’exprimait mon oncle et prédécesseur Patrick Ricard ».
UN PATRON PRESSÉ
Assis sur un pactole familial estimé à 6 mil-liards (19ème fortune de France), Alexandre Ricard est aujourd’hui le dépositaire de l’héritage de la maison familiale. Le quinquagénaire, passionné de rugby et de cinéma, a un CV conséquent. Diplômé de l’ESCP, de la Wharton Business School et de l’Université de Pennsylvanie, le natif de Boulogne-Billancourt a travaillé sept ans pour Accenture en conseil en stratégie et pour Morgan Stanley en fusions et acquisitions.
Il a rejoint l’entreprise familiale en 2003 au sein du pôle audit. C’est ensuite au sein de l’entreprise Irish Distillers, société irlandaise productrice de whisky et filiale de Pernod Ricard depuis 1988, qu’il fait ses armes. D’abord directeur administratif et financier en 2004, le petit-fils du fondateur du groupe devient DG quatre ans plus tard. Dès 2011, Alexandre Ricard passe DG adjoint en charge du réseau de distribution et membre du bureau exécutif.
Un an plus tard, il prend le poste de directeur général délégué, dernière étape avant le trône. Il prend la succession de son oncle, Patrick Ricard, le 11 février 2015, en devenant PDG de Pernod Ricard. On le dit obsédé par la croissance, l’efficacité. Il se murmure qu’il prend régulièrement la température du marché en se rendant dans les bars pour échanger avec les barmans et les clients au sujet des produits de son groupe. Quoi qu’il en soit, Alexandre Ricard a fait de Pernod Ricard un groupe agile, véloce, prêt à saisir toutes les opportunités qui se présentaient.
Surtout, l’héritier de la dynastie Ricard a façonné l’entreprise de telle sorte qu’elle s’adapte à son époque, qu’elle en épouse les moeurs et les nouvelles habitudes de consommation. En un mot, le Marseillais ne s’est pas contenté de faire vivoter l’entreprise familiale, il lui a donné une seconde jeunesse.
Victor Cazale