La vie de Gilles Henry a changé il y a une quinzaine d’années avec l’aventure Babyzen et le lancement de la fameuse poussette Yoyo, qui a connu un succès mondial avec quelques 2 à 3 millions d’utilisateurs. C’est la dimension du succès de la poussette qui a surpris plus que le succès en lui-même, car l’offre répondait à une vraie problématique pour les jeunes parents urbains.
Gilles Henry fut le cofondateur de Babyzen avec trois associés. Issu de l’École des Ponts et Chaussées, il était ingénieur commercial dans les télécoms lorsqu’il a rencontré Jean-Michel et Julien Chaudeurge, qu’il a rejoint, car il était détenteur d’un brevet de pliage qui s’adaptait à la perfection à leur projet de poussette idéale. Mais l’homme n’a jamais eu l’intention de s’arrêter là, pas de retraite pour celui qui se définit comme un « innovative folding specialist ». Il a donc quitté Babyzen pour se consacrer à Bastille.
Vélo pliable
Voici ce que s’est dit Gilles Henry. Et, comme tout bon entrepreneur qui se respecte, il a étudié son marché avant de se lancer. Deux pierres d’achoppement évidentes ont été identifiées chez ceux qui voudraient bien passer au vélo, mais ne se décident pas à franchir le pas. Il s’agit du problème du rangement et du risque de vol du vélo. Sa solution passe par le pliage, qui se doit d’être une opération simple, voire simplissime, ultra-rapide et accessible à tous. Le marché du vélo est en croissance, pour des questions écologiques, mais aussi grâce aux aides et incitations de la part des entreprises, des régions, métropoles ou de l’État.
Sauf que cette tendance globale s’est orientée vers des vélos plus technologiques, plus connectés, ce qui n’est pas la mission de « Bastille Cycles ». Simplicité et créativité sont les maîtres mots pour susciter de nouveaux usages. Quant aux vélos pliables des concurrents, leur design est généralement moins élégant, car les systèmes de pliage sont plus visibles.
Ou ils sont équipés de roues de petite dimension, ce qui rend le voyage inconfortable et moins rapide dans une rue pavée, par exemple. Le « Brompton » anglais est incontestablement une réussite, mais sa création remonte déjà à cinquante ans. Le « Bastille » se situe sur un autre créneau, un « vrai » vélo dont une des particularités est le pliage innovant.
10 millions d’euros
Il a fallu des designers, trois brevets, une équipe dédiée pour parvenir à ce lancement huit ans après que l’idée a germé dans le cerveau de Gilles Henry. Le résultat est un vélo doté de roues de taille normale, d’un cadre en aluminium, d’une fourche en carbone, de freins à disque hydrauliques, d’un éclairage intégré, d’une courroie de transmission, d’un moyeu à trois vitesses.
En résumé, un vélo urbain, mais qui présente l’avantage de se plier. Pour parvenir à ce résultat, il a fallu trouver des fonds. Gilles Henry a investi à titre personnel, mais a également mené à bien deux levées de fonds afin de finaliser les phases de R&D et procéder au lancement, soit dix millions d’euros au total. Les fonds Eutopia et Ankaa Ventures ont cru en ce projet et injecté les financements nécessaires.
6 secondes chrono
Mécaniquement, un vélo de taille normale est plus compliqué à plier qu’une poussette. La solution proposée par l’entreprise est assez bluffante, car quasi invisible à première vue. Une fois la selle basculée via un petit bouton, ce grand vélo se plie, en effet, en deux temps trois mouvements pour être rangé dans un coffre de taxi, de voiture, ou dans un placard.
À pied, il est possible de le tirer sur ses roues par le guidon sans avoir à le porter à bout de bras. Le poids de ce vélo de ville est de 15 kilos. Il se dit que l’un des membres de l’équipe a réussi à plier le Bastille en six secondes, quinze secondes pour un amateur est donc un temps plus que plausible. Il en faut encore moins pour le déplier.
Fabriqué en France
L’offre présente l’avantage de pouvoir attirer des clients potentiels sensibles au mouvement de réindustrialisation française. Parce que le « Bastille » est produit en France, le cadre est fabriqué à Angers chez Expliseat, et l’assemblage est réalisé à Romilly-sur-Seine dans l’Aube chez Cycleurope. Bien sûr, cette innovation va attirer l’attention, car elle résout une problématique.
Et, si pour l’instant, le « Bastille » est proposé uniquement en France, il n’y a aucune raison pour qu’il n’intéresse pas les citadins étrangers. Le mot Bastille est déjà connu en anglais et facile à prononcer, il ne s’agit certainement pas d’un hasard.
2590 euros
Le prix fixé porte le coût de l’innovation et des années de recherche, il se situe dans la fourchette des vélos haut de gamme, du type Brompton ou Alfine. Les précommandes sont ouvertes depuis le 5 octobre pour des livraisons mi-2024, il doit ensuite être vendu par des partenaires spécialistes du cycle qui seront également en charge de l’entretien.
Les aides existantes de l’État et des régions s’appliquent sur le produit. À 63 ans, Gilles Henry reste tout aussi passionné par ces défis de pliage d’objets et convaincu que son innovation trouvera son public. Son associé et cofondateur chez « Bastille Cycles » est Quentin Bernard, ex General Manager Europe chez Devialet, séduit par le projet il y a deux ans, assure aujourd’hui la direction générale de la startup. Le moment fatidique est arrivé, celui où le bébé doit faire ses premiers pas.
Les ventes en ligne sont lancées, et les espoirs sont grands. La rumeur dit que les précommandes sont en ligne avec les prévisions de vente. Ce premier pas décidera du futur, car le vélo peut évidemment être décliné sur d’autres variantes, dont l’électrique. Bastille a plus d’un tour dans son sac.
Anne Florin
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