Déjà leader avec ses trois marques Mobalpa, Perene et Socoo’c, le groupe savoyard Fournier franchit une nouvelle étape avec le rachat d’Hygena.
Avec plus de 10% du marché français très concurrentiel de la cuisine et des produits fabriqués en Haute-Savoie près d’Annecy, le groupe Fournier tient la dragée haute à ses concurrents, les géants Ikea, Conforama, But et Leroy Merlin. Rien ne prédestinait cette entreprise familiale à un tel succès.
Pourtant, le groupe au 252 M€ de CA, historiquement situé à Thônes, grignote goulûment des parts de marché. À l’origine de l’entreprise, un certain Eugène Fournier-Bidoz qui, dès 1907, ouvre un atelier d’ébénisterie, puis investit dans les machines les plus modernes de l’époque. Ses trois fils, Henri, Marcel et Paul, sont appelés à lui succéder mais la passation ne se fait pas sans difficulté.
Devant les incompatibilités de caractères, l’entreprise connaît une scission : Henri Fournier se spécialise dans les lits pour enfant avec la marque Babydor ; Fournier Frères poursuit la voie tracée par Eugène et connaît un véritable essor qui permet la naissance de Mobalpa (contraction de Mobilier des Alpes) en 1948, histoire de (ré)affirmer la passion du métier et l’attachement à la région. Pour sa part, Henri Fournier tire profit d’un nouveau revêtement stratifié et en fait sa particularité : elle en Formica, abandonnant au passage la fabrication des lits.
Alors que Fournier Frères se spécialise dans les éléments de cuisine standards, Henri Fournier propose des produits diversifiés (tables, chaises, loge-tout). En 1968, devant le développement du marché de la cuisine, désormais pièce à vivre, les deux entreprises se battent sur le même créneau, proposant des cuisines toutes équipées, avant de se regrouper au début des années 80, Fournier Frères rachetant Henri Fournier. Ce rapprochement industriel donne naissance en 1986 à la marque Perene. En 2007, le groupe franchit une nouvelle étape avec la création du réseau Socoo’c, qui propose des cuisines plus accessibles. En plein développement, cette nouvelle enseigne permet au groupe de conquérir un public plus jeune.
Une stratégie de complémentarité
«Grâce à notre stratégie de différenciation de l’offre, nous touchons 100% du marché français », confie fièrement Philippe Croset, 43 ans, directeur d’enseigne Mobalpa. Présent dans le groupe depuis plus de 15 ans, ce diplômé d’école de commerce connaît l’histoire de l’entreprise sur le bout des doigts.
«C’est presque un hasard si Fournier s’est spécialisé dans la cuisine. Pour la petite histoire, tout vient d’une grosse commande finalement annulée par un client. Ne sachant quoi faire de ces meubles, les frères ont décidé de les exposer à la Foire de Paris… où ils rencontrent un succès incroyable !».
Outre une offre différenciée, le développement du groupe passe aussi par la diversification : la première intervient en 1993, avec la fabrication de meubles de salle de bains ; la seconde en 1996 avec des rangements. Ainsi, l’enseigne Mobalpa (270 points de vente) propose une gamme premium accessible et Perene (132 points de vente) une gamme premium haut de gamme. « Avant 2007, le groupe ne proposait aucune offre économique, alors que ce segment était en plein développement.
Avec Socoo’c, il a remédié à ce manque, en commercialisant des cuisines accessibles, touchant ainsi tout type de clientèle», décrypte l’homme fort de Mobalpa. Lancée en 2007 en franchise, l’enseigne compte 40 points de vente, mais ce nombre devrait rapidement flamber puisque Bernard Fournier, P-DG du groupe, a annoncé le rachat pour 20 M€ du réseau Hygena (120 M€ de CA), propriété du suédois Nobia.
« Il faudra attendre la validation des comités d’entreprise des deux groupes et des autorités de la concurrence pour finaliser cette opération et les ambitions qui y sont liées», indiquait Bernard Fournier. Son groupe familial devrait ainsi récupérer un réseau de 126 magasins en propre. Et il est déjà prévu que la majeure partie basculera sous l’enseigne Socoo’c afin de conforter ce tout jeune réseau.
Surtout, cette opération devrait se traduire par une augmentation de la charge de production des usines de l’industriel. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que le groupe savoyard ne s’adresse pas qu’aux particuliers. Avec ses deux réseaux Delpha (1er fournisseur des professionnels du bain), et Domactis (cuisine, rangement, salle de bains pour les enseignes de l’habitat), il performe également chez les professionnels. Grâce à une stratégie bien rodée, la PME s’impose donc sur tous les segments du secteur, forte d’un savoir-faire reconnu, d’un développement soutenu et d’une notoriété croissante.
La qualité comme leitmotiv
Un succès qui ne se dément pas. « Nous avons toujours su nous adapter au marché, aux attentes de nos clients, aux nouvelles tendances et aux nouveaux styles», explique Philippe Croset. Avec des enquêtes de satisfaction systématiques mises en place depuis les années 90, Fournier place la relation client au coeur de son métier. « Nous avons à coeur de proposer un service de qualité, en plus de notre savoirfaire. C’est la raison de notre succès. Nous disposons d’un centre de formation reconnu depuis 25 ans par lequel passent tous nos partenaires, car nous attendons beaucoup sur nos équipes».
Outre le service, l’entreprise mise également sur une offre adaptée. Avec des enseignes complémentaires et des gammes personnalisables, le groupe s’assure une forte pénétration des différents segments, avec des produits adaptables selon le budget, la taille de la famille, celle de l’habitat… et même celle de l’utilisateur !
«Notre secteur souffre de la standardisation. Nous cherchons donc à différencier nos meubles dans les finitions, l’accessoirisation… Nous proposons ainsi plusieurs choix selon nos différentes enseignes ». Une stratégie qui fait recette ! Le groupe annonce d’ambitieux objectifs de croissance pour 2015, avec l’ouverture de 25 nouveaux magasins, toutes enseignes confondues.
Parallèlement, Mobalpa vise même l’export avec la mise en oeuvre d’un plan de développement pour l’Angleterre. «Nous avons implanté un magasin pilote géré par la centrale, ainsi que 3 magasins à Londres depuis 2014. Et les retours sont excellents. Les potentialités pour Mobalpa sont importantes sur le marché britannique ». Entre développement et expansion, la petite entreprise semble avoir fait les bons choix, un peu à l’instar de l’alsacien Cuisines Schmidt. De la belle ouvrage !