Dans un essai préfacé par Jacques Attali, Dominique Louis, Président Directeur Général d’Assystem et Jean-Louis Ricaud livrent leur analyse sans concession de l’évolution des émissions mondiales de CO2 et des solutions à déployer pour garantir à tous l’accès à une énergie compétitive et décarbonée. A contre-courant de certaines idées reçues, l’ouvrage met ainsi en perspective les données objectives à prendre en compte pour concevoir le mix énergétique du futur, économiquement performant, techniquement durable, et écologiquement responsable.
Le constat
Non, la demande en énergie ne va pas baisser au niveau mondial, et il faut accepter cette réalité. Malgré les efforts déployés, la modération de la consommation d’énergie de certains secteurs ne contrebalancera pas, au niveau mondial, la hausse des besoins induits par la croissance démographique, l’élévation du niveau de vie de centaines de millions de personnes et les besoins d’électricité nécessaires pour faire tourner l’économie numérique. D’après l’Agence Internationale de l’Energie, les seuls besoins mondiaux en électricité devraient ainsi croître de 60% d’ici 2040, et même de près de 10% en Europe.
L’enjeu
Comment faire face à une telle croissance de la demande mondiale d’énergie, tout en réduisant l’impact environnemental de sa production et de sa consommation ? Pour y répondre, les auteurs analysent les différentes sources d’énergie primaire accessibles. D’un côté, les énergies d’origine fossile, le charbon, le pétrole, ou le gaz, qui restent abondantes mais dont l’usage émet des quantités très importantes de gaz à effet de serre. De l’autre, les sources décarbonées comme l’hydraulique, le géothermique, le nucléaire, l’éolien ou le solaire, qui permettent toutes de produire de l’électricité, et ainsi de fournir de l’énergie aux populations et aux industriels, sans aucune émission de gaz à effet de serre.
Les perspectives
Les auteurs insistent et alertent sur trois points. L’enjeu du réchauffement climatique est un enjeu mondial : l’impact des émissions de gaz à effet de serre ne se limite en effet en aucun cas au seul pays émetteur, mais concerne l’ensemble des pays de la planète. En fixant des objectifs selon le seul critère des émissions nationales, l’accord de Paris « oublie » ainsi le poids des importations de produits transformés.
Ainsi, même si depuis 10 ans, les émissions de gaz à effet de serre françaises ont baissé de 10%, celles liées à la production, hors de France, des produits importés en France ont augmenté de plus du double ; la délocalisation, vers des pays à faible performance énergétique, des industries les plus gourmandes en énergie est un véritable contresens environnemental.
La satisfaction des besoins en énergie des populations, à des conditions économiques raisonnables, est un élément essentiel de l’amélioration de leur niveau de vie et de leur confort général. Les auteurs montrent qu’il existe aujourd’hui une grande diversité de situations entre les différents continents, voire au sein des continents eux-mêmes ; mais ils considèrent qu’en Europe, à échéance 2050, la fluidité des échanges économiques et la mobilité des individus entre pays conduiront à une harmonisation des standards de vie, et donc des besoins en énergie par habitant.
Concernant l’énergie nucléaire, les auteurs estiment qu’à échéance 2050, l’énergie nucléaire restera un composant incontournable d’un mix électrique décarboné, et montrent que les a priori contre cette source d’énergie sont infondés. Abandonner le nucléaire, c’est non seulement consommer plus de gaz ou de pétrole, et donc augmenter les émissions de gaz à effet de serre, mais c’est aussi renchérir le prix de l’électricité pour le plus grand nombre.
Ainsi, l’Allemagne est devenue le premier pays d’Europe en émissions de CO2, en raison de ses centrales au charbon, et le prix du kilowattheure y est presque le double qu’en France. In fine, c’est le consommateur final qui supporte le coût total des stratégies énergétiques adoptées ; la modération des coûts doit donc constituer un élément essentiel des choix à effectuer.
La conclusion
Pour les auteurs, l’objectif est d’engager la France à long terme – 2100 – dans la voie d’une énergie 100% décarbonée, reposant sur le développement du vecteur électricité. Mais cela ne peut se faire sans une étape de transition, avec, en 2050, un mix électrique à parité nucléaire et renouvelables.
« A terme, il est évidemment souhaitable que les énergies solaires et éoliennes contribuent de manière massive à satisfaire la demande électrique. En ce sens, il est essentiel d’investir les moyens adéquats de recherche et développement pour que leur efficacité technique et économique les rende de plus en plus compétitives. D’ici là, le recours partout dans le monde, durant la seconde moitié du XXIème siècle, à une énergie nucléaire semble incontournable.
Pleinement ancrée dans cette problématique, la France est à un tournant de sa politique énergétique, et ses dirigeants doivent faire un choix décisif sur la stratégie à adopter pour la seconde moitié du XXIème siècle. Ils seront jugés par les générations futures sur la lucidité et la responsabilité de leurs décisions. »
« 2050 : la France décarbonée », Dominique Louis, Jean-Louis Ricaud, préface de Jacques Attali, Fayard, 20 juin 2018, 18 euros.