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Livre numérique : Vivlio, la PME lyonnaise qui veut concurrencer Amazon


Une PME française réalisant 15 millions de chiffre d’affaires peut-elle faire trembler les géants du e-commerce Amazon et Rakuten ? C’est le pari de David Dupré, président de Vivlio depuis 2013. Il nous explique sa stratégie pour faire de la marque de liseuses française le leader européen du livre numérique d’ici 5 ans.

David Dupré (Vivlio)

Sur le marché de la lecture numérique, les liseuses de Vivlio sont en concurrence directe avec celles de Kindle (Amazon) et de Kobo (Rakuten). Qu’est-ce qui vous différencie de ces mastodontes ?
David Dupré. Nous avons une vision européenne. Nous travaillons exclusivement pour des enseignes culturelles et des chaînes de librairies européennes, comme Cultura, le groupe Nosoli (Furet du Nord, Decitre), Leclerc, Standaard Boekhandel, la plus grande chaîne de librairies en Belgique, l’allemand Divibib, leader européen sur le marché des bibliothèques, et l’espagnol Casa del Libro (Espagne). Notre stratégie commerciale consiste à atteindre les grands lecteurs de ces enseignes. Amazon et Rakuten sont des « pure players » d’Internet, ils touchent les geeks et les « early adopters », mais beaucoup moins les grands lecteurs qui ont l’habitude de fréquenter les librairies.

Quel est le modèle économique de Vivlio ?

Nous vendons des liseuses et des livres numériques. Grâce à Vivlio, les chaînes de librairies européennes peuvent proposer à leurs clients une solution de livre numérique compétitive face à Amazon et Rakuten. Sans Vivlio, leurs clients, principalement des grands lecteurs, se tourneraient vers les plateformes américaines et asiatiques.

Où sont fabriquées vos liseuses ?

La fabrication est externalisée. L’assemblage des composants de la liseuse est réalisé dans des usines en Chine. Ensuite, la société d’origine ukrainienne, PocketBook, opère 100 % de l’activité d’industrialisation hardware pour nous. Toutes les liseuses actuellement sur le marché, même les Kobo et Kindle, sont fabriquées en Chine ou à Taïwan. Pour l’écran, tous les grands acteurs du marché travaillent avec la société taïwanaise E Ink qui est la seule à maîtriser la technologie d’encre électronique de qualité premium.

Notre ambition est de faire jeu égal avec Amazon d’ici cinq ans.

Quel est votre objectif à moyen terme ?

Nous voulons devenir un acteur de référence du livre numérique. D’ici cinq ans, notre ambition est de faire jeu égal avec Amazon dans plusieurs pays européens.

Est-ce un objectif réaliste ?

Avec nos taux de croissance actuels et nos investissements, c’est tout à fait réalisable. Dans les pays où nous avons des partenariats avec les grands réseaux de librairies, nous pourrons à terme rivaliser avec Amazon. En Europe, nous avons actuellement 10 % de parts de marché sur le livre numérique et 15 % sur les ventes de liseuses. En 2023, les grandes enseignes de notre réseau de distribution ont enregistré des croissances à deux chiffres, alors que la croissance du marché du livre numérique est aux alentours de 5 % en Europe.

Vivlio est-il rentable ?

L’entreprise est rentable depuis 2017. Depuis deux ans, nous sommes repassés sous la ligne de passion car nous avons investi 2,5 millions d’euros dans la structuration de nos équipes. Mais l’entreprise va repasser dans le vert cette année.

Craignez-vous que des géants comme Apple lancent leur propre liseuse ?

Je n’y crois pas. Apple est déjà un acteur important du monde du livre avec Apple Books. Pour ces grands acteurs, ce marché n’est pas stratégique. C’est aussi le cas d’Amazon. Il y a dix ans, Amazon misait beaucoup sur Kindle. Au fil du temps, leur activité dédiée aux livres est devenue une commodité au sein de leur offre.

Fin 2022, Vivlio a racheté Rocambole et son application Doors, une plateforme française de lecture de séries littéraires en streaming sur mobile. Anticipez-vous le remplacement de la liseuse par le smartphone ?

Vivlio est toujours en croissance sur les ventes de liseuses. Ce produit a encore de beaux jours devant lui, mais il est certain que la lecture numérique va évoluer au cours des dix prochaines années. Une bataille se joue sur le smartphone, notamment pour atteindre les jeunes générations qui lisent des textes plus courts. C’est pour cette raison que nous avons racheté Rocambole. Nous anticipons la possibilité que la liseuse devienne de moins en moins centrale. L’enjeu est donc de faire en sorte qu’il y ait une synergie entre nos différents environnements de lecture, liseuse et application mobile.

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