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Louis Thannberger va nous manquer ! On l’appelait le Pape de la Bourse !


La presse financière le qualifiait couramment de « Pape de l’introduction en bourse des PME ». Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne laissait pas indifférent. VRP de luxe de la bourse française, il a été en 1983 à l’origine de la fondation du Second Marché à Lyon....

Louis Thannberger

La presse financière le qualifiait couramment de « Pape de l’introduction en bourse des PME ». Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne laissait pas indifférent.

VRP de luxe de la bourse française, il a été en 1983 à l’origine de la fondation du Second Marché à Lyon. Euronext et la banque française auraient dû lui tresser des lauriers d’or. Au lieu de cela, certains ont préféré garder leurs distances avec ce challenger bouillonnant, truculent et visionnaire.

Rendez compte qu’à lui tout seul, ce battant d’origine alsacienne (il est né à Saint-Louis), ancien Directeur de la Lyonnaise de Banque, aura introduit avec sa petite structure Europe Finance Industrie puis avec IPO N1 près de 500 entreprises sur le marché boursier parisien, de Cegid à Afflelou, Smoby, LVL Médical, Infogrammes, Seb, Assystem, Savonnerie de Nyons, Crit Intérim, Guillin emballages ou Majorette, presque un record du monde, un fait d’armes sans équivalent bien plus important que celui de l’ensemble de tous les banquiers réunis. Une véritable aubaine pour l’économie toute entière.

Au lieu de le remercier, cet ami du financier Dominique Nouvellet (Siparex) ou du grand patron Laurent Burelle (Plastic Omnium) n’aura cessé de susciter jalousies ou convoitises, il est vrai qu’il ne ménageait ni sa peine ni son franc-parler : « À Lyon, je dis ce que je veux, à Lyon je suis surveillé ! » Louis n’avait pas sa langue dans sa poche. Je peux me permettre de l’appeler Louis car nous nous connaissions bien depuis les années 90. Je peux même dire que nous étions amis.

Louis Thannberger a d’ailleurs fait plusieurs fois la couverture du magazine Entreprendre, et a répondu à de nombreux entretiens vidéo sur EntreprendreTV. Les journalistes financiers n’auraient manqué pour rien au monde ses déjeuners de presse, organisés dans les meilleures tables (Laurent, Le Doyen, Drouant…) où il ne prenait pas de gants pour torpiller le microcosme politico-médiatique par trop obnubilé par la stratégie des grands groupes. Il s’était un temps essayé à la politique aux côtés de Jean-Pierre Chevènement. Son modèle reposait sur l’essor des ETI familiales, à l’instar du modèle allemand du Mittelstand. Il a contribué à faire la fortune de nombreux patrons d’Alain Afflelou, Jean-Claude Darmon ou José Burgos, l’industriel angevin de STIF qu’il a introduit en décembre dernier. Il rêvait d’introduire le grand Chef Paul Bocuse.

À Entreprendre, nous l’avons toujours soutenu car nous le savions délibérément du côté des entrepreneurs et de l’économie de croissance. Louis était un fantastique bretteur au profit du tissu PME. Une mission d’intérêt général qui dépassait largement son propre intérêt. Il en a rencontré plus de 7000 au total. Soutenu aussi par Daniel Goeudevert, l’ancien patron de Volkswagen ou Claude Guéant, l’ex-ministre de l’intérieur de Nicolas Sarkozy, il ne passait pas une semaine sans aller à la rencontre des patrons en régions, son terrain de jeu favori avec ses 4 à 5 rendez-vous personnels sur tout le territoire. Comme il l’a fait jusqu’à la semaine dernière ! À 87 ans, cet esprit brillant et convaincant continuait, inusable, de visiter nos pépites de Province, car : « Paris ne connaît et ne respecte que les grands groupes ! »

« À la capitale, il y a des managers, en Province, je rends visite à des patrons propriétaires ». « Il n’est jamais trop tôt pour aller en bourse, mais toujours trop tard » se plaisait-il à rappeler avec ses formules choc. Il s’apprêtait à faire coter sur Euronext tout prochainement Imeon Energy à Brest (onduleurs). Louis Thannberger est unique et ne sera pas remplacé.

Il est parti ce 14 juin, sa fidèle collaboratrice, Mme Siham Féraud, m’a indiqué l’avoir retrouvé inanimé au pied de son lit dans sa propriété du Var (à Seillans) où il aimait à parcourir les routes escarpées de l’Estérel avec une moto de grosse cylindrée. Aux États-Unis, un tel tempérament serait vite devenu star du business.

Chez nous, certains ont préféré le jalouser. (« Les ratés ne vous rateront pas » – Georges Bernanos). Il est vrai qu’il faisait de l’ombre à pas mal d’intérêts bancaires. C’est lui qui a fait venir un certain Jean-Michel Aulas, après en avoir parlé à Bernard Tapie, pour investir sur l’Olympique Lyonnais. Seul club de football encore coté : je lui avais présenté, en 2022, Marc Keller, le dynamique président du RC Strasbourg, pour faire de même avant que ce dernier ne se jette dans les bras de Chelsea et de son riche propriétaire américain, Todd Boehly avec son consortium BlueCo. Louis va terriblement nous manquer.

Tous les chefs d’entreprise qu’il a contribué à enrichir ne l’oublieront jamais : « Je suis celui qui rend leur liberté aux entrepreneurs et qui leur évite de trop dépendre des banques ». Dans les semaines qui viennent, IPO N1 allait introduire sur le marché boursier parisien le groupe immobilier Promy ou Resto Reality (formation en réalité virtuelle). Il ne sera pas remplacé. Merci Louis le Grand !

Robert Lafont

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