Fondée en 2009 par Ludovic Broyer, Iprotego est une entreprise originaire de Marseille créée dans le but de protéger les internautes des risques du digital. Agence pionnière dans l’e-réputation, l’entreprise propose des solutions pour protéger vos données personnelles. Entretien avec Ludovic Broyer, fondateur de Iprotego
Quel état des lieux faites-vous des données personnelles aujourd’hui ?
Après avoir longtemps été la forêt cachée par l’arbre de la réputation, les données personnelles occupent aujourd’hui le devant de la scène. Leur business n’est plus une honte ni un tabou et se fait au grand jour.
Pire, malgré une loi censée améliorer la protection des internautes (le RGPD), on constate une accélération soutenue par la crise sanitaire du Covid, de la tendance à « faire » toujours plus de données pour désormais accéder au moindre service. Cet été par exemple, impossible de fréquenter un musée ou une exposition sans avoir au préalable rempli consciencieusement toutes les petites informations demandées pour avoir le droit d’y accéder.
Et dans le même ordre, c’est aux gens eux-mêmes de renseigner tous ces éléments sous peine de ne pouvoir participer à l’événement. Est-ce qu’il y aurait une marche arrière à l’issue de la crise sanitaire ? Il y a fort à parier que non ! Les processus et formulaires qui servent à renseigner les fichiers resteront en place sur les sites Web.
Si beaucoup s’indignent quant à la mise en place d’un pass sanitaire, personne n’évoque cette systématisation du fichier qui bien sûr n’est pas près de cesser
Pensez-vous que la e-réputation doit être mieux légiférée ?
Comme toujours, il est temps de recourir à la solution législative pour expliquer et régler un problème. Pour autant, ce n’est bien souvent pas la bonne solution. D’autant que, la réputation fait l’objet d’une loi depuis au moins 200 ans, la question n’est donc pas là. Les problèmes de réputation ont toujours existé et existeront toujours. Par exemple, avant Internet, c’était les archives et les discussions de quartier. Avec Internet, cela s’est redirigé vers notre navigateur web !
Avant la mémoire était limitée dans la durée, on oubliait les données clés. Aujourd’hui tout est historisé, la mémoire est devenue illimitée (du moins tant qu’il y a du courant !)
Désormais, la réputation se joue sur Internet et notamment sur Google.
En revanche, mettre face à leurs responsabilités les éditeurs de site sans qu’ils puissent se dérober, cela relève de l’aspect législatif et éventuellement coercitif. Aujourd’hui vous pouvez vous faire impunément traiter d’escroc sur Facebook. Bien sûr c’est contraire au “guidelines” de Facebook, pourtant vos signalements resteront sans effet. Les réseaux sociaux peuvent aujourd’hui revendiquer ne pas être responsables des contenus qui sont publiés or, tout l’enjeu est là si c’est l’auteur qui est 100 % responsable. Si Facebook n’y est pour rien alors il ne peut rien faire et l’internaute reste seul avec son problème. Là il y aurait quelque chose à mettre en place lorsque la demande de l’utilisateur n’est pas traitée dans un délai garanti avec une application stricte des guidelines.
Comment nos informations personnelles peuvent-elles devenir un business pour les entreprises ?
Il fut un temps où Internet était réservé aux américains, tenir un fichier clients à jour était un vrai métier est le privilège de quelques rares entreprises. Les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir étant colossaux.
Faire un fichier clients en 2021 est devenu un jeu d’enfant, à la portée de chacun. Les moyens pour y parvenir avec un site Web et les réseaux sociaux sont faciles d’accès. Comme dans mon exemple précédent, de nombreuses entreprises, ayant informatisé la vente en ligne de leurs produits et de leur service, disposent de ce fait de fichier clients parfaitement et rigoureusement construit sans le moindre effort. À l’époque du marketing interactif omniprésent dans notre navigation Internet, la connaissance du client ou du prospect devient la clé de vos futures ventes. Il est vital de savoir qui est le client pour connaître son besoin et pouvoir le solliciter à bon escient, sur le bon produit, et au bon moment.
Disposer d’un fichier clients bien qualifié et documenté permet également de le valoriser en le louant ou tout simplement en laissant des partenaires afin de réaliser des ventes croisées. Il n’est pas rare qu’un partenaire indélicat face a l’occasion une copie du fichier et que toutes les personnes concernées se retrouvent dans un second fichier sans même le savoir.
Et puis il y a les grands professionnels, les leaders du segment, ces entreprises qui consolident les fichiers issus des programmes de fidélisation des grandes enseignes tels que Carrefour, Fnac, et qui revendent les données de leurs clients obtenus grâce aux cartes de fidélité. Ces informations sont concaténées, disséquées, analysées, quantifiées, et par ce travail, les murs de votre foyer deviennent transparents. En consultant le panier de vos courses, ils sont capables de savoir combien vous êtes à la maison, quel âge ont les enfants et pleins d’autres informations personnelles qui ne regardent que vous.
Quelles recommandations donneriez-vous aux parents pour protéger les jeunes du cyberharcèlement?
Éduquez-vous, voilà mon conseil. La majorité des parents ne connaissent malheureusement pas l’écosystème dans lequel leurs enfants baignent. Et trop souvent ils les considèrent comme plus petits qu’ils ne sont, c’est-à-dire qu’il y a un décalage entre ce que les enfants voient et ce que les parents croient que leurs enfants voient.
Parlez avec vos enfants, discutez, intéressez-vous, posez leur des questions et bien sûr guidez-les dans la gestion de leurs interactions sociales. Apprenez leurs règles de base. Utiliser un pseudo, ne jamais donner d’informations à des gens inconnus dans la vraie vie.
« Nobody knows I am à Dog », cette Maxime est une constante d’Internet !
Le cyberharcèlement est une violence terrible pour un enfant. Et trop souvent, ils se murent dans le silence et la honte ou le sentiment de ne pouvoir être compris. C’est cela qu’il faut à tout prix éviter. Il faut absolument que les enfants parlent s’ils sont victimes de cyberharcèlement.
Trop souvent nous intervenons directement sur la demande d’adolescents, qui désemparés, font des recherches et nous trouvent sur Internet. Dans tous les cas les parents ne sont pas au courant et ne peuvent donc pas jouer leur rôle de soutien. Et pour que cela puisse se produire il faut que votre enfant se sente en confiance sur ce sujet pour venir vous en parler.
Que pensez-vous des avis clients sur internet ? amis ou ennemis du business ?
Au fil des ans, les avis clients ont pris une importance considérable, au point que Google s’est jeté lui-même dans la bagarre.
Les avis clients ont un réel impact. Ils font monter les ventes et parfois les empêchent définitivement. Notre agence traite des dizaines de demandes chaque semaine de professionnels de tout horizon qui justement sont victimes du problème des avis clients. Quel est le problème ? Il est double : d’une part, un certain nombre d’avis sont faux. Vendus par des sociétés sans scrupule qui n’hésitent pas à commercialiser des prestations de vengeance digitale vous permettant d’acheter des avis négatifs. D’autre part, il existe aussi des programmes d’échange réciproque, et malheureusement il existe aussi tous les avis faux émanant de concurrents jaloux et de clients de mauvaise foi. Bien sûr, il y a aussi de mauvais avis qui sont tout à fait mérités, le problème c’est que tout ça est mélangé.
Le second problème, et quant à lui causé par la symétrie qui existe entre le propriétaire de la page Google My Business et celui qui a déposé l’avis. En effet, n’importe qui, après avoir créé un compte Gmail va pouvoir déposer un avis sur n’importe quelle page Google My Business. De l’autre côté, celui qui reçoit l’avis ne pourra en aucun cas le supprimer. Je peux vous mettre plusieurs commentaires négatifs sur votre page Google My Business, vous ne pourrez rien faire à part éventuellement nier avec véhémence. C’est la raison pour laquelle nous avons autant de demande afin de supprimer définitivement la page Google my business et tous les avis afférents. C’est un besoin que nous voyons grandir d’année en année depuis plus de quatre ans.
La Toussaint arrivant à grand pas, comment peut-on gérer les données des personnes décédées ?
Chaque année les rangs de morts numériques augmentent inexorablement. Jusqu’à atteindre un point de bascule où il y aura globalement plus de gens morts sur les réseaux sociaux que de personnes vivantes.
Car la mort ne prévient pas toujours, il n’est pas rare que des personnes se trouvent prises de court et n’aient pas pris les dispositions nécessaires quant au devenir de leur identité numérique. Cette dernière se compose de tous nos points d’accès. Compte Facebook, accès WordPress, crypto-monnaie, abonnements divers et variés, toutes ces données restent telles qu’elles le jour du décès. C’est pourquoi chez IProtego, nous avons décidé de développer une solution qui permet à chacun de prendre en main le devenir de ses données dans un espace spécialement conçu et sécurisé, dans lequel les utilisateurs vont pouvoir déposer les informations inhérentes à leurs comptes et leurs choix. Site par site, ils peuvent décider si le compte doit être supprimé définitivement. Par exemple, supprimer une messagerie Gmail, ou bien transformer en stèle commémorative une page Facebook ou un compte Instagram, ou encore transmettre à un tiers un compte de crypto-monnaie, etc.