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Ludovic Girodon : « Toute entreprise peut devenir une Dream Team »


Tous les dirigeants et managers sont aujourd’hui à la recherche de l’équipe idéale, bien convaincus que la réussite de leur entreprise dépend de cette alchimie collective. Mais il ne suffit plus de recruter sa « dream team », il faut aussi la fidéliser pour aller loin ensemble.

Entreprendre - Ludovic Girodon : « Toute entreprise peut devenir une Dream Team »

A l’image de Ludovic Girodon, tous les dirigeants et managers sont aujourd’hui à la recherche de l’équipe idéale, bien convaincus que la réussite de leur entreprise dépend de cette alchimie collective. Mais il ne suffit plus de recruter sa « dream team », il faut aussi la fidéliser pour aller loin ensemble.

Après des études de commerce et plusieurs postes en marketing digital dans de grands groupes, Ludovic Girodon fonde en 2011 Paris ZigZag, l’un des médias de référence sur la découverte du Paris insolite. Après avoir cédé son entreprise, il rejoint Réseau Entreprendre Paris en 2017 – dont il a été lui-même lauréat en 2016 – pour accompagner les dirigeants de startups et de PME. Entretien.

Ce qui est intéressant avec vous, c’est que toute votre approche managériale a été conçue à partir du terrain et de ce que vous avez vu dans les boîtes…

Ludovic Girodon : J’ai la chance d’avoir rejoint Réseau Entreprendre Paris, qui regroupe 400 chefs d’entreprises bénévoles, pour coordonner l’accompagnement de nos 130 lauréats créateurs, soutenir leurs projets de développement et créer des emplois. Et je peux vous dire qu’avec la crise sanitaire, les missions du Réseau ont plus que jamais du sens en termes d’entraide solidaire entre dirigeants. Ce livre, fruit d’un retour d’expériences et de mes rencontres avec 450 dirigeants et fondateurs d’entreprises qui ont bien voulu partager leurs secrets pour recruter et fidéliser l’équipe idéale, est en effet un condensé des pratiques les plus efficaces sur le terrain.

Comment est venue l’idée d’en faire un outil de management ?

L.G. : Quand j’ai travaillé au sein de grands groupes, j’ai assisté à des catastrophes humaines, à un véritable gâchis, lié à du mauvais management. Certains managers d’équipes, même s’ils ne sont pas malveillants, ne sont simplement pas à la bonne place dans les entreprises, avec un niveau d’incompétence maximale en matière de management, ce qui peut faire des ravages en termes de ressources humaines. J’ai personnellement assisté à des scènes surréalistes : du licenciement annoncé devant la machine à café jusqu’au harcèlement moral.

Je me suis dit qu’il y avait une autre voie à suivre et quand je me suis retrouvé à la tête de ma propre entreprise, je me suis rendu compte que manager était un métier à part entière, qu’il faudrait ne faire que ça pour le faire bien. Car manager, c’est dur, c’est ingrat, mais c’est aussi essentiel et passionnant. Quand j’ai rejoint Réseau Entreprendre, j’ai au la chance de côtoyer des dirigeants incroyables. J’ai été témoin de super pratiques et initiatives. D’où mon idée de mettre tous ces trésors d’intelligence collective dans un livre pour partager toutes ces clés vertueuses d’excellence.

C’est quoi la méthode « Dream » que vous détaillez dans votre ouvrage ?

L.G. : C’est le résumé et le condensé des 5 grandes clés pour constituer, rassembler, motiver, fidéliser son équipe de collaborateurs. Pour concevoir cette méthode, j’ai tenu à rencontrer près de 450 managers, 1/3 en startups, 1/3 en PME et 1/3 en grands groupes pour avoir la vision la plus concrète possible, adaptée à chaque taille d’entreprise. J’ai appelé cette méthode « DREAM » en utilisant les 5 lettres du mot pour organiser et résumer mon propos.

« D » pour « Direction », c’est-à-dire dans quelle direction aller, comment je donne du sens à mes équipes ?

« R » pour « Reconnaissance », c’est-à-dire comment je valorise mes collaborateurs, comment j’apprends à leur dire merci et bravo, ce qui n’est pas toujours pratiqué par les managers, loin de là.

« E » pour « Environnement social », c’est-à-dire créer des liens dans son équipe.

« A » pour « Autonomie », c’est-à-dire responsabiliser chaque collaborateur à son juste niveau.

Et enfin « M » pour « Montée en compétence », c’est-à-dire comment j’aide chacun de mes collaborateurs à progresser, à se former, car un talent qui n’apprend plus a déjà un pied dehors, on n’arrivera pas à le garder. Je vois ces 5 lettres comme un tableau de bord que tout manager devrait garder en tête en permanence pour éviter de commettre des erreurs, mais surtout pour parvenir à l’engagement et à la fidélisation de tous les talents de son équipe.

Vous militez même pour une spécialisation du manager que vous considérez comme un métier à part entière. Expliquez-nous.

L.G. : C’est peut-être utopique, mais je pense sincèrement que tant que les managers ne seront pas là que pour manager, on n’avancera pas assez vite sur ces questions. J’appelle donc de mes vœux une spécialisation et une professionnalisation du métier de manager. Car de très bons techniciens comme de très bons dirigeants ne sont pas forcément de bons managers. On ne peut pas être bon partout ! Dans l’entreprise de demain, je pense qu’il serait nécessaire que les dirigeants s’entourent de managers et de coachs entièrement dédiés au management des équipes dans une mission transversale et non pyramidale.

Dans votre livre, vous délivrez également les « 8 jamais » des points en tête-à-tête. Quelles sont les erreurs les plus fréquentes qu’il faut absolument éviter ?

L.G. : Tout manager fait des points en tête-à-tête avec ses collaborateurs. La première erreur classique est de mettre cette réunion à l’agenda, mais de la faire sauter ou de la reporter à la dernière minute en raison d’une urgence. L’impact sur le collaborateur est terrible car cela lui donne l’impression, souvent à juste titre, qu’il n’est pas important. La deuxième erreur est que le manager ne prépare quasiment jamais cet entretien. Résultat quand le tête-à-tête arrive, il est mal fait, et ne sert pas à grand-chose, car une grande partie de la discussion sert à résoudre des détails du quotidien au lieu de prendre de la hauteur et de voir plus loin.

La troisième erreur est que le manager a tendance à penser que c’est « son » entretien, alors que ça devrait être celui du collaborateur. Dans un monde idéal, il faudrait que le salarié parle 80% du temps et le manager les 20% restants, notamment à la fin de l’échange pour en faire la synthèse.

Plus généralement, quels conseils donner aux managers en cette période si particulière ?

L.G. : Le premier conseil est qu’ils prennent soin d’eux. Dans cette période difficile que nous traversons, mais aussi de façon plus générale, comment prendre bien soin de ses équipes si on ne commence pas par soi-même ? On voit de plus en plus de dirigeants et de managers à la limite du burn-out, des salariés aussi. Donc il est important d’utiliser toutes les méthodes de développement personnel à notre portée pour rester résolument positifs et optimistes malgré la crise. Le manager doit être porteur de ces valeurs positives auprès de ses collaborateurs. Par ailleurs, quel que soit le contexte, les besoins fondamentaux des collaborateurs restent toujours les mêmes : besoin de sens, besoin de liens, besoin de reconnaissance, besoin de progresser.

Le manager doit donc mettre en place la communication nécessaire dans une période où tous les problèmes sont exacerbés, en ayant toujours en tête que « Manager, c’est communiquer. Et que communiquer, c’est répéter ». Mon troisième conseil, c’est d’être encore plus présent auprès de ses collaborateurs, de leur consacrer encore plus de temps. Et cela doit concrètement se voir dans l’agenda du manager qui devrait consacrer au minimum 70% de son temps à ses équipes.

Quid des réunions en visio depuis le développement nécessaire du télétravail ?

L.G. : Là aussi, il y a de bonnes pratiques à mettre en place. Mon premier conseil est d’éviter la préférence géographique. Un manager peut être tenté par simplicité d’organiser une réunion où une partie de l’équipe est sur place en présentiel et l’autre partie à distance en visio. C’est une erreur, puisque ça ne met pas tous les collaborateurs sur un même pied d’égalité. Dans ce cas, je préconise que toute l’équipe soit en visio, pour ne pas faire de différence entre les uns et les autres. 2e conseil, une réunion en visio ne doit pas excéder 30 minutes pour être efficace.

Troisième conseil, il faut privilégier les tête-à-tête téléphoniques ou les réunions en présentiel, car le « tout-visio » est non seulement intrusif mais n’est pas adapté au renforcement de liens avec chaque membre de son équipe. La visio est un outil très utile de communication à distance, surtout en période de pandémie et quand les collaborateurs sont dans une autre région ou à l’étranger, mais elle ne doit pas remplacer le contact direct qui est fondamental.

Au contact de nombreux créateurs et dirigeants, êtes-vous optimiste pour l’entrepreneuriat en France ?

L.G. : Oui, je suis et reste résolument optimiste pour l’avenir de la création d’entreprise et plus généralement de l’entrepreneuriat en France. Quasiment tous les créateurs que nous accompagnons avec Réseau Entreprendre participent avec leurs projets à une véritable révolution sociétale et environnementale de notre système économique. Même s’ils ne sont pas forcément à la tête d’entreprises à mission, ils sont tous représentatifs du monde d’après et ont du talent à revendre ! Autre belle avancée, on constate que les projets d’entreprises portées par des femmes sont passés de 25% à 47%.

La diversité et l’égalité hommes-femmes en matière de création d’entreprise sont devenues une réalité. Enfin, la plupart des créations d’entreprises se font à plusieurs. 85% de nos lauréats ont une entreprise portée par plusieurs associés, preuve que l’intelligence collective est en chemin et que l’union fait plus que jamais la force !

Propos recueillis par Valérie Loctin.

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