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L’urgence d’un grand plan pour les villages de France

Commerces à vendre dans la rue principale de Bellac en Haute-Vienne

La dévitalisation et la désertification de zones entières de nombreux territoires ruraux sont un non-sens tant économique qu’humain, qui met en cause l’équilibre même de notre pays et de ses fondamentaux.

L’avantage des vacances d’été est que l’on peut partir à la redécouverte de son propre pays. Dès lors que l’on accepte de quitter les grands axes de circulation, c’est le même sentiment qui étreint. Une impression, malgré la beauté unique des paysages et du patrimoine, d’un immense gâchis. Aux quatre coins de l’Hexagone, c’est un peu le même phénomène avec une multitude de villages et bourgades pittoresques, souvent magnifiques, mais parsemés de maisons vides aux volets fermés, et de boutiques éternellement à vendre.

Ce n’est plus possible. La perte financière, culturelle, et sociétale que cela représente est immense. D’autant que nombre de nos compatriotes pourraient s’y installer et y vivre agréablement.

Si la crise des Gilets Jaunes a été décrite, à juste titre, par nombre d’observateurs, comme celle d’un certain type de zones pavillonnaires et d’une certaine France moyenne, on a passé sous silence la crise des villages de France et pour cause : ceux-ci se sont vidés de leurs habitants. Une véritable perte de substance, qui ne résulte pas uniquement de l’exode rural, et qui devrait nous mobiliser tous au premier chef.

Un ami italien me faisait part il y a quelques années de son étonnement devant ces rues désertes et ces cohortes de maisons aux volets clos que l’on retrouve désormais dans beaucoup de nos villages. Je ne parle pas des exceptions qui confirment la règle comme Tournus en Bourgogne (Saône-et-Loire), la ville des restaurants située sur un axe fréquenté, ou dans l’Orne à Mortagne-au-Perche, devenue coqueluche des bobos parisiens pour s’installer au vert, sans parler de Gevrey-Chambertin, (en Côte-d’Or), autre exception irriguée par la qualité de ses grands crus de réputation mondiale, et qui ne sont pas représentatifs.

« Chez nous, on ne voit pas ce phénomène de désertification et les villages restent vivants ! » Jean-François Le Grand, l’ancien président du département de la Manche, m’avait raconté un jour sa fierté de voir le faible nombre de communes dans le Cotentin être ainsi désertées. En évitant les voies autoroutières, on ne peut qu’être saisi par le phénomène de désertification de nos bourgades. Dans l’Orne, à Mortrée, la fermeture de la menuiserie n’explique pas tout. À Confolens, en Charente, même phénomène. À Cognac, ville riche s’il en est, portée par l’essor des grandes maisons Martell, Hennessy ou Camus, on ne peut que constater le soir, dans les rues d’un centre-ville resté actif, nombre de maisons sans lumières. Où sont partis les habitants ? À La Rochelle, métropole prospère où la population a beaucoup augmenté depuis l’édification du pont de l’île de Ré ?

L’urbanisation croissante est certes rendue nécessaire, mais pourquoi l’opérer au détriment de nos zones rurales ? Dans le Limousin, à Bellac (Haute-Vienne) ou à La Souterraine dans la Creuse, nos petites villes restent des vestiges d’un passé brillant, mais où aujourd’hui tout semble à vendre. À ce rythme, que restera-t-il de nos habitats en zone rurale dans 15 ou 20 ans ? La question mérite d’être posée. Elle devrait être sur toutes les lèvres. Mais on préfère fermer les yeux en jugeant le phénomène inexorable. C’est un gâchis économique et social sans pareil compte tenu du modèle français qu’il est censé incarner, sans parler du déséquilibre des territoires ou de la crise actuelle du logement. Un vrai paradoxe alors qu’on nous dit manquer d’un nombre important d’habitations dans des zones urbaines dites tendues, au moment où précisément des maisons vides dans les villages ne trouvent pas preneurs. Cherchez l’erreur !

La solution d’équilibre pourrait se trouver d’une part avec une forte incitation fiscale de la part du législateur, favorisant la rénovation ou l’acquisition de cet habitat villageois en déshérence. Et d’autre part dans un nouveau plan en direction des petits entrepreneurs ruraux, avec une politique fortement incitative (un taux réduit maximum de 30 % sur toutes les charges sociales et impôts pendant 5 ans) afin de favoriser l’installation de toute une nouvelle génération d’artisans, de petits métiers ou d’entrepreneurs dans ces bourgades ou campagnes. Ce n’est pas absurde d’autant que cela correspond à une authentique aspiration de beaucoup de nos concitoyens du point de vue de leur mode de vie. Que des avantages à en tirer pour la nation toute entière. Qu’est-ce qu’on attend pour refaire vivre et prospérer notre pays dans ses profondeurs, à commencer par le commencement, c’est-à-dire l’habitat rural qui dépérit aujourd’hui ?

Robert Lafont


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