Je m'abonne

L’urgence d’un sursaut européen : travail, épargne, formation et liberté


Alors que l’Europe peine à rattraper son retard en matière de productivité et d’innovation, sa compétitivité est menacée par un excès de régulation et un déficit d’investissements stratégiques. Comment surmonter ces obstacles pour relever les défis qui se profilent ? Par Benoit Ranini, président de TNP.

Entreprendre - L’urgence d’un sursaut européen : travail, épargne, formation et liberté

Tribune. L’Europe et la France sont confrontées à d’énormes défis : l’accélération de la crise climatique ; le choc énergétique ; la révolution technologique ; le vieillissement démographique ; la montée des tensions géopolitiques… Le projet européen s’articule désormais autour de trois enjeux majeurs : investir dans les technologies de la décarbonation ; réussir la révolution de l’intelligence artificielle ; renforcer notre défense.

Pour réussir le sursaut de l’Europe, nous devons en priorité corriger la baisse de la productivité, la faiblesse du taux d’emploi et l’insuffisance des compétences. Sans amélioration significative de ces trois composantes, la croissance de l’Europe ne permettra pas de créer suffisamment de richesses pour financer les investissements indispensables à notre avenir commun et conserver notre système social.

Atouts européens contre obstacles structurels

L’Europe et la France disposent de vrais atouts pour relever ces défis : la géographie, le climat, la diversité, la créativité, la culture, les infrastructures, les technologies, les ingénieurs, les filières d’excellence comme l’aéronautique, le luxe, la défense, les services financiers… Mais elles ont également des handicaps : le retard en investissements productifs, l’absence de ressources en matières premières, le vieillissement de la population, la baisse de la qualité du système éducatif…

La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, déclarait récemment : « Le principal facteur de la baisse de la croissance est un ralentissement généralisé de la productivité. » Depuis 2018, la croissance moyenne du PIB est de 2,1 % par an aux Etats-Unis contre 1 % par an dans la zone euro. Les gains de productivité atteignent 3 % par an aux Etats-Unis alors qu’ils sont nuls dans la zone euro. En France, la productivité est inférieure de 6,5 % par rapport à son niveau précédent la pandémie du Covid. De facto, la faiblesse des investissements en nouvelles technologies et en R&D s’avère l’une des causes de la baisse des gains de productivité.

En revanche, l’Europe est à la pointe de la régulation et de l’activité normative, au point de nuire à l’innovation. Alors qu’elle dominait les télécommunications en 2000, l’Europe a été évincée de l’industrie numérique, des plateformes et de l’intelligence artificielle. Elle a privilégié la régulation par rapport à l’innovation et la baisse des prix pour le consommateur par rapport à la construction d’une offre compétitive. Cette politique donne raison à l’ancien secrétaire au Trésor américain, Larry Summers, qui rappelle : « L’Amérique innove, la Chine imite, l’Europe régule. »

Une finance forte

L’Europe a besoin d’une finance forte. La dégradation de la compétitivité financière de l’Europe – dont les établissements ont été pénalisés par l’accumulation de normes, de taxes et d’amendes – entrave le financement de la réindustrialisation, de la révolution numérique, de la transition climatique et du réarmement. L’excès de réglementation nuit à la compétitivité des entreprises financières, qui ont perdu une partie de leurs activités à forte valeur ajoutée au profit de leurs concurrentes nord-américaines.

La zone euro bénéficie d’un taux d’épargne qui s’élevait à 14,6 % du PIB en 2023. Mais au lieu d’investir cette épargne dans des projets européens, elle la laisse fuir vers les Etats-Unis où la rémunération et les perspectives de croissance sont supérieures. Ainsi, l’Europe irrigue les investissements américains alors qu’elle devrait en bénéficier pour ses propres besoins.

Le rapport Draghi montre que la capacité des banques de l’Union européenne à financer des investissements majeurs est limitée par une rentabilité moindre, des coûts plus élevés et une taille plus petite que celle de leurs homologues américaines. Les opérations de consolidation bancaire dans la zone euro doivent être favorisées pour créer des champions européens de la finance de taille mondiale. Et la titrisation doit permettre de renforcer la solidité des bilans et d’accélérer la rotation de risques.

Une compétitivité renforcée

L’Europe a besoin de restaurer sa compétitivité avec une stratégie d’amélioration des facteurs de production : le travail par une réforme drastique du système éducatif ; le capital avec la mise en place d’une union des marchés de capitaux permettant aux entreprises d’investir massivement ; l’énergie avec une électricité abondante, décarbonée, à prix raisonnable ; l’innovation avec l’utilisation de l’IA générative et des nouvelles technologies pour augmenter les gains de productivité.

Les entreprises ont l’opportunité d’améliorer leur productivité grâce aux technologies numériques. Celles-ci permettent de réduire les délais de prise de décision et d’améliorer la coordination des tâches. Elles facilitent la collecte, l’analyse et l’exploitation des données pour optimiser les processus et anticiper la demande. L’intelligence artificielle, l’automatisation robotique des processus (RPA) et les logiciels de gestion automatisent les tâches répétitives. Les chatbots et les systèmes de gestion de la relation client (CRM) favorisent la personnalisation de l’expérience client et la fidélisation des clients. Les systèmes de gestion des chaînes d’approvisionnement (SCM) et l’internet des objets (IoT) permettent de mieux gérer les stocks et de réduire les délais de livraison.

L’Europe est loin d’être condamnée mais elle doit mieux défendre ses intérêts. Elle doit changer d’état d’esprit, travailler davantage, rémunérer l’épargne aux conditions du marché, investir à long terme, permettre aux entreprises d’améliorer leur niveau de fonds propres, orienter les dépenses publiques en faveur de l’éducation et la recherche.

Pour obtenir de la croissance, nous devons adopter les recommandations que l’économiste Michel Chevalier destinait au redressement de la France après la défaite de 1871 : « Une nation parvient infailliblement à la prospérité si elle adopte pour base de son économie le programme qui se résume en quatre mots : le travail, l’épargne, la formation, la liberté. »

Benoit Ranini
Président de TNP

À voir aussi