Tribune de Bernard CHAUSSEGROS
Tribune. L’ancien Premier ministre portugais, Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU depuis 2017, a été confirmé à son poste par son Assemblée générale pour un second mandat de cinq années à la tête de l’institution. À la suite de sa nomination, M. Guterres a plaidé pour l’instauration d’un monde nouveau, né sur les conséquences de la crise sanitaire due au COVID 19. Selon lui, « notre plus grand défi, qui est en même temps notre plus grande opportunité, est d’utiliser cette crise pour renverser la situation, pivoter vers un monde qui tire des leçons, qui promeut une reprise juste, verte et durable et qui montre le chemin via une coopération internationale accrue et efficace pour répondre aux problèmes mondiaux ».
Il reconnait que cet engagement demande à la fois des efforts « pour renforcer ce qui fonctionne et du courage pour tirer les leçons de ce qui ne fonctionne pas ». La prévention sera la principale priorité dans la réforme du système international. Lors de sa prestation de serment, il a promis d’agir en toute indépendance par rapport aux États membres et aux organisations internationales.
Depuis l’époque où le poste a été occupé par l’Égyptien Boutros Boutros-Ghali (1992-1996), puis le Ghanéen Kofi Annan, (1997-2006) et le Coréen Ban Ki-Moon, (2007-2016), il est désormais dans les us et coutumes internationales que ce poste revienne tantôt à un européen, tantôt à un diplomate d’Afrique ou d’Asie. On peut donc imaginer que le successeur de M. Guterres sera une personnalité politique non européenne connue pour ses engagements en faveur de la paix, pour la rigueur de son action et pour sa vision unificatrice au niveau des grands continents.
Une voie toute tracée pour Macky Sall
Les personnalités possédant de telles qualités dans la gestion de l’État et dans l’art de la diplomatie ne sont pas si nombreuses, à l’échelle de l’Asie ou de l’Afrique, pour briguer de telles responsabilités et pour rassembler autour d’elles. On peut donc retenir comme candidat potentiel l’actuel chef de l’État de la République du Sénégal, M. Macky Sall.
Il y a plusieurs mois, j’analysais les règles constitutionnelles de ce pays dans le cadre des rumeurs qui laissaient entendre que le président du Sénégal envisageait briguer une troisième fois les suffrages populaires dans le cadre des élections présidentielles de 2024. Le constat était assez clair. Dans une Afrique politique en pleine mutation et sur un continent en plein développement, je notais qu’il convenait de soutenir les dirigeants africains dans leurs engagements et dans leur combat pour conserver et développer la maîtrise globale de leur économie, pour protéger l’accès à leurs ressources naturelles et maintenir une organisation pérenne de leur société civile qui permette la création de valeur.
Au Sénégal, il y a presqu’un an, le contexte était agité et les campagnes politiques outrancières et mensongères. Les opposants voudrait interdire au président un éventuel accès aux urnes, en prétextant, ralliés parfois par des lobbies étrangers, que la Constitution l’en empêcherait. C’était faux et même juridiquement erroné, comme l’analyse constitutionnelle de la question en apportait la démonstration.
Il faut, en effet, rappeler les termes d’un remarquable avis du doyen Guillaume Drago, professeur à l’Université Paris II Panthéon-Assas et constitutionnaliste reconnu qui, dans une publication du 24 mars 2023, a expliqué avec précision toute la mécanique juridique qui validait, si besoin, le projet prêté au président Macky Sall. Le constitutionnaliste y développe la thèse selon laquelle la révision du 5 avril 2016 a contribué à créer une « novation constitutionnelle portant sur de nombreux points mais a surtout posé des principes nouveaux pour l’élection et l’exercice du mandat du président de la République du Sénégal ».
Le professeur Drago démontrait ainsi que le mandat actuellement en cours du président de la République se trouvait « hors de portée de la loi nouvelle » et que, juridiquement, les conditions de légalité seraient réunies dans le cas où le président Macky Sall déciderait de briguer à nouveau les suffrages des électeurs en 2024.
Cela n’a pas empêché le Sénégal de se lancer dans des débats politiques délétères et des contestations récurrentes de l’opposition qui ont d’ailleurs atteint leur paroxysme lors du procès de l’opposant Ousmane Sonko. Accusé de « dérive autoritaire » par ses opposants, reconnu comme étant un président bâtisseur et l’avocat de l’Afrique à l’étranger pour ses partisans, Mack Sall a été accusé d’avoir restreint les libertés publiques au Sénégal.
On pouvait alors légitimement s’interroger sur les solutions républicaines qui s’offraient à lui pour sortir de la crise. Certes, il avait fermement condamné les violences qui avaient suivi la condamnation à deux ans de prison de son principal opposant, Ousmane Sonko, dans une affaire de viols qui rendait ce dernier inéligible. Les troubles de juin dernier ont fait seize morts, selon les autorités, et vingt-quatre selon Amnesty international, voire une trentaine selon l’opposition.
« L’objectif funeste des instigateurs, auteurs et complices de cette violence inouïe, était clair : semer la terreur, mettre notre pays à l’arrêt et le déstabiliser. C’est un véritable crime organisé contre la nation sénégalaise, contre l’État, contre la République et ses institutions », a affirmé le président Sall dans un récent discours.
Ousmane Sonko crie au complot, il est bloqué par les forces de sécurité, « séquestré » chez lui à Dakar, selon ses propres termes, et il a appelé les Sénégalais à manifester « massivement » dans les prochains jours, quelle que soit la décision de Macky Sall quant à son éventuelle candidature.
En réponse, le président Sall se présente comme étant le garant des institutions et de la sécurité face « aux tentatives de déstabilisation » et vante son bilan en matière économique. « Mon combat, et ma plus grande fierté, est vraiment de vous conduire vers la victoire et de poursuivre notre politique économique au bénéfice de nos populations », a-t-il déclaré, soulignant sa volonté de faire du Sénégal un pays émergent en 2035.
Mais durant le semaines qui viennent de s’écouler, on a senti une évolution de la situation, à la fois dans l’attitude du président et dans la diffusion des « bruits de couloir ». De toute évidence le président a fait durer le suspense autour de son projet de troisième mandat. Et fin juin, lors d’une réception dans les salons du palais présidentiel, Macky Sall est apparu sous un jour nouveau. Face à de nombreux élus de son camp, de personnalités de la société civile et de quelques opposants, il s’est montré serein et chaleureux, alors que ses détracteurs le décrivent comme « brutal », « impassible ». Une façon sans doute de brouiller les pistes sur ses réelles intentions pour 2024 !
Et pourtant, en mars 2023, sur la base des études constitutionnalistes que je viens d’évoquer, il avait, au cours d’une interview accorde à « L’Express », reconnu que sa candidature en 2024 était une hypothèse plausible, puisque, « sur le plan juridique, le débat [était] tranché », son premier mandat de sept ans étant « hors de portée de la réforme » du référendum constitutionnel de 2016, comme l’avait démontré le professeur Drago. Sa position était donc qu’en cas de candidature de sa part, il entendait laisser le soin au Conseil constitutionnel de trancher le débat purement « politique ».
Un front du refus
On pouvait donc légitimement s’interroger sur l’attitude qui serait celle du président Sall dans le contexte des combats électoraux à venir, et sur le niveau d’impopularité que sa forte personnalité risquait de provoquer dans la population sénégalaise.
Macky Sall avait conscience des conséquences négatives que sa réputation d’intransigeance et sa position pourtant « juridiquement » juste pouvaient avoir sur la situation politique interne du Sénégal et sur l’image ainsi donnée à l’étranger, que ce soit en Afrique ou en Europe. Il sentait que maintenir une position « confuse » pouvait s’avérer contreproductive, voire coûteuse pour le pays, dans tous les cas potentiellement dangereuse pour la paix civile. Des violences avaient été commises à Dakar et Ziguinchor depuis 2021 et notamment en juin 2023, après le procès d’Ousmane Sonko. Il y avait des risques insurrectionnels et la situation était utilisée pour manifester une nouvelle fois, avec force, un refus de l’opposition à son projet de troisième mandat. L’hostilité populaire, en grande partie manipulée, de l’intérieur mais aussi de l’étranger, s’avérait d’autant plus forte que, par le passé, il avait pris une sorte d’engagement solennel à s’en tenir à deux mandats consécutifs.
Certains de ses plus proches collaborateurs semblaient indiqué qu’il pouvait avoir changé d’avis sur sa candidature en fonction de l’évolution des circonstances, et l’on entendait cette analyse : « Le pays est menacé par ceux qui veulent anéantir notre République. A ces personnes qui refusent le dialogue et ne connaissent que la violence, on ne peut laisser le pays » ! La théorie de l’homme providentiel avait tout lieu d’être abandonnée, car elle n’était qu’une manipulation de l’opinion, une façon de faire croire à la réalité d’un scénario écrit à l’avance, dès le début du second mandat, où l’intention de se maintenir au pouvoir en 2024 semblait sûre et certaine.
En effet, nombre de ses proches estimaient qu’il agissait en secret, non pas pour préparer l’opinion à sa candidature, mais plutôt à l’organisation de sa succession, en maintenant son camp en ordre de bataille. Certains refusaient, en effet, de croire qu’il franchirait le pas. « Cette histoire de troisième mandat est un malentendu monté en épingle par la presse et l’opposition. Celle-ci s’est d’ailleurs organisée en plate-forme rien que sur cette base. Pourtant, personne n’a jamais rapporté de confidences du président sur le sujet », affirmait l’un de ses conseillers, opposé à une nouvelle candidature.
Les mois s’étaient écoulés, sur la fin de 2022 et le début de 2023, dans une atmosphère peu propice à la sérénité. Le président avait fait durer le suspense. On attendait une annonce de Macky Sall pour la fête de la Tabaski, qui a eu lieu le 28 juin, elle a finalement été repoussée début juillet, alors que ses opposants raillaient ses hésitations. « On dit que le matin il se lève en étant convaincu d’y aller, et que le soir il se couche en voulant y renoncer » !
Seule une poignée de proches connaissaient la décision qu’il avait prise dans le secret de ses réflexions personnelles. Un secret savamment préservé dans un but très politique, celui de maintenir la force de son camp. « Si le président avait annoncé qu’il ne se représenterait pas, plus personne n’aurait travaillé dans sa famille politique.
Cela aurait bloqué le pays et nous aurait maintenus dans un état de campagne permanente » Un renoncement du chef de l’État pouvait provoquer une guerre fratricide entre les prétendants plus ou moins déclarés.
À l’APR (Alliance pour la République), les soutiens du président considéraient sa candidature comme acquise, car il était le seul, selon eux, à détenir l’expertise nécessaire. Les mêmes menaçaient déjà de s’en prendre à ceux de leur camp qui s’opposeraient à leur candidat naturel. Parmi les noms qui émergeaient figurait celui du premier ministre, Amadou Ba, ancien ministre de l’économie et des affaires étrangères, un temps pressenti pour prendre la suite de Macky Sall. Et d’autres, aussi, sans qu’il soit ici besoin de les nommer.
Le président Macky Sall vient de faire savoir qu’il renonçait à se présenter
À Paris, il y a quelques jours, il a relancé les spéculations dans un discours considéré comme ambigu. « Ce que je peux vous promettre, c’est que grâce à notre travail nous nous maintiendrons au pouvoir avec la volonté du peuple sénégalais », a-t-il déclaré. L’usage du « nous » a contribué au trouble de ses opposants comme de ses partisans, les premiers pensant l’entendre parler de lui comme autrefois le « Roi Soleil », les seconds comprenant qu’il parlait de sa famille politique, de son camp et de son parti, pour préciser que, quelle que soit sa décision, il fallait continuer de gérer le pays après 2024, maintenir la force des institutions et protéger les libertés fondamentales.
C’est finalement le 3 juillet que le président Macky Sall a annoncé officiellement qu’il ne serait finalement pas candidat à un troisième mandat à l’occasion de l’élection présidentielle de février 2024, en usant des mots suivants lors d’une adresse à la nation diffusée sur la télévision publique :
« Mes chers compatriotes, ma décision, longuement et mûrement réfléchie, est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024 ».
Cette décision, qui a le mérite de mettre fin au flou entretenu volontairement par le chef de l’État sur sa candidature, restaure finalement la réputation récemment mise à mal de la démocratie sénégalaise, alors que ses opposants lui prêtaient depuis des mois le dessein de se présenter à un troisième mandat, considéré par eux comme illégal, même si, comme je l’ai démontré, ce n’était juridiquement et constitutionnellement pas le cas.
Élu en 2012, réélu en 2019, Macky Sall, âgé de 61 ans, avait été lui-même dirigeant d’un mouvement contre la candidature pour un troisième mandat de son prédécesseur, Abdoulaye Wade. Il avait soutenu à de multiples reprises qu’il ne ferait que deux mandats, mais il avait refusé de lever le doute sur ses intentions, ce qui avait jeté le trouble dans le pays.
Pour Macky Sall, le message est clair !
« Le Sénégal dépasse ma personne et il est rempli de leaders capables de pousser le pays vers l’émergence ». On a tant spéculé, commenté ma candidature à cette élection […]. Mes priorités portaient surtout sur la gestion d’un pays, d’une équipe gouvernementale cohérente et engagée dans l’action pour l’émergence, surtout dans un contexte socio-économique difficile et incertain ».
« J’ai une claire conscience et la mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété, ici et ailleurs, c’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat ».
« J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole ».
Durant ces mandats en tant que président de la République, il a favorisé les investissements dans de grandes infrastructures, notamment en faisant élaborer le Plan Sénégal émergent (PSE), pour la période de 2014 à 2023, en définissant un objectif pour une échéance en 2035. Les objectifs principaux du PSE sont la lutte contre les inégalités et les injustices sociales. En termes d’infrastructures, le PSE prévoit le développement de l’aéroport international de Dakar et sa desserte par la compagnie Air Sénégal, la construction d’un musée des civilisations noires, d’un train express régional (TER), de deux nouveaux stades, et, dans le domaine de l’énergie, la mise en œuvre de centrales solaires permettant au pays d’exporter de l’énergie, etc.
Macky Sall est le premier chef d’État africain à avoir été invité par la Chine où il a été accueilli en 2014 par Xi Jinping. Depuis 2021, la Chine participe au développement de « l’indépendance numérique » du pays.
Alimentée par de grands travaux, la croissance économique sénégalaise était de 6,8 % en 2018, en dépit d’une dette publique en augmentation et d’un chômage élevé.
En 2013, le président Sall a lancé une réforme sociale avec la mise en œuvre de la couverture maladie universelle, dans un pays où le taux de pauvreté demeure assez haut avec près de 50 %.
En mai 2015, le président Sall a été élu président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui comprend quinze États de la région. Sur la diplomatie régionale, il a mis en œuvre avec les chefs d’État des pays voisins, en favorisant la promotion d’une « gestion africaine des crises africaines », démontrant ainsi une capacité diplomatique et la prise en compte des droits humains.
Son parcours, sa vision, son engagement, autant de qualités qui le désignent naturellement comme le digne successeur d’Antonio GUTTERES..Il sera, sans aucun doute, un excellent Secrétaire Général de l’ONU car c’est un travailleur acharné, pilier de la paix, qui a pour ambition de faire du continent africain, un vrai partenaire pour les grandes puissances de ce monde.
Bernard Chaussegros
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