Ardéchois cœur fidèle, Ardéchois cœur persévérant également si l’on se fie à la vie mouvementée de cette entreprise familiale française née en 1880 qu’est la Maison Montagut. Ses dirigeants actuels, Nicolas Gros et Marine Lozet-Gros, sont les descendants directs du fondateur de la marque de maille qui n’a pas toujours proposé des pulls. Non, bien avant, il s’agissait d’une usine de fil de soie, Montagut, créée par Adolphe Tinland, qui utilisait la force de la rivière pour sa fabrication.
Tout se passe bien pour cette petite industrie, à tel point qu’en 1925, un atelier de tricotage de soie voit le jour, la Bonneterie Cévenole, qui fabrique des bas de soie à marque Montagut. Cette usine se développe tranquillement dans le sud, et un second atelier voit le jour à Guilherant-Granges, jusqu’à ce que la Seconde Guerre mondiale se déclenche. Plus de soie, il faut s’adapter.
LA NAISSANCE DU FIL LUMIÈRE
Léo Gros est encore un jeune homme lorsqu’il revient à Ganges pour prendre la succession de son père à la tête de la teinturerie familiale. Un de ses clients est justement Georges Tinland, père d’une charmante fille dont Léo Gros tombe amoureux. Peut-être est-ce cette énergie sentimentale (ainsi que ses études d’ingénieur) qui l’amène à créer un fil artificiel imitant la soie et surtout disposant des qualités de ce fil naturel recherché. Son invention devient rapidement l’emblème du savoir-faire de la marque et se vend en France comme dans l’Indochine des années soixante ou au Moyen-Orient. Un moment historique pour Montagut.
L’arrivée de Pierre Gros en 1986 va accélérer ce mouvement vers l’internationalisation, il va également étoffer la gamme en intégrant de nouveaux matériaux tels que la laine, le coton et le cachemire. Marine Lozet-Gros, sa fille et arrière-arrière-petite-fille du fondateur, est aujourd’hui la directrice artistique de la gamme. Avec son frère, Nicolas, le financier, la famille porte la Maison Montagut dans la modernité, créant notamment la boutique en ligne. Pas de précipitation au niveau des collections, au rythme de deux par an.
MADE IN EUROPE
Les modèles de l’offre Maison Montagut sont conçus et imaginés à Paris. La fabrication se fait ensuite au Portugal pour les mailles fines, en Pologne pour les autres. À Braga au Portugal, la collaboration entre les deux entreprises est une histoire qui dure depuis plusieurs décennies. Montagut dispose également d’un partenariat chinois, en Mongolie, pour une partie des cachemires élaborés à partir de poil de chèvre, une fabrication qui doit à terme être totalement relocalisée dans l’usine portugaise qui se forme déjà sur ce savoir-faire. La préoccupation écologique s’impose au fil du temps, avec différentes normes portant sur des colorants respectueux de l’environnement, une production permettant l’économie de la matière première, du coton certifié bio (GOTS) ou la maîtrise des énergies.
L’INTERNATIONAL À PLEINE PUISSANCE
Sur les 80 millions de chiffre d’affaires réalisés par l’entreprise, 80% sont réalisés hors du territoire français. Le client le plus important est historique, il s’agit de la Chine, qui a adhéré à la gamme de produits depuis les années cinquante, puis aux réalisations à base de fil lumière. Ce succès a donné des idées à l’équipe dirigeante, qui vient de décider d’un nouvel élan stratégique prouvant que les PME françaises de la mode ont bel et bien gardé leur esprit d’aventure.
La boutique en ligne a permis d’identifier le potentiel de certains pays asiatiques, et plus particulièrement celui du Vietnam et du géant indien. En effet, dans un pays déjà client tel que la Chine, le e-commerce s’est envolé depuis le COVID avec la moitié du CA chinois réalisé à partir de la toile. La décision d’ouvrir des boutiques Montagut en Asie est un pas qui sera bientôt franchi pour enrichir l’offre et porter les valeurs de la marque à l’étranger.
RACHAT DU DRÔMOIS CHÂTELARD 1802 ET SON PROJET D’USINE COSMÉTIQUE
Maison Montagut a repris il y a moins de deux ans Châtelard 1802, une PME qui propose des articles tels que savons, bougies, diffuseurs, petits objets décoratifs. Ce spécialiste de la lavande situé à Saint-Auban-sur-l’Ouvèze, en Drôme provençale, existe depuis 1802, où la ferme du Châtelard fut construite.
Un long chemin qui mène quelques 200 années plus tard à l’ouverture de ses premières boutiques dans le sud. Maison Montagut a des projets pour cette petite marque qui deviendra elle aussi une « Maison ». La future Maison Châtelard devrait étoffer son offre avec des produits plus haut de gamme.
DIVERSIFICATION, AVEC BEAU NUAGE, DANS LE PARAPLUIE
La dernière initiative de Maison Montagut est le rachat de Beau Nuage qui réalise un petit million d’euros de chiffre d’affaires via la vente de parapluies. Pas le parapluie lambda, mais des objets écoresponsables vendus avec une housse absorbante qui a fait l’objet d’un brevet. Cette offre sera proposée dans les boutiques de Maison Montagut, faisant franchir une nouvelle étape à Beau Nuage en une seule étape. Un musée faisant également office de boutique va d’ailleurs être construit à Saint-Sauveur-de-Montagut pour rappeler la belle histoire de cette PME hors du commun.
Claudio Flouvat
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