Tribune. Le sac de Rome, par les Wisigoths, en 310, est souvent retenu, par les historiens comme la véritable fin de l’Empire Romain d’Occident, de préférence à 476, date officielle de son effondrement. Leur roi, Alaric 1er, a alors 40 ans et jouit d’une immense fortune, amassée au cours d’une carrière militaire, faite de pillages et de rapines. Une fois Rome anéantie il fait route vers le sud, poursuivant son rêve méditerranéen, mais meurt en Calabre quelques semaines plus tard.
C’est Jean d’Ormesson qui, dans son roman, « Histoire du Juif Errant », en conte le mieux la légende. Les Wisigoths, littéralement fascinés par le Leadership d’Alaric, s’accordent pour lui faire des funérailles grandioses. Ils décident, afin de rendre son tombeau inviolable, de détourner le cours de la rivière Busento – travail colossal – pour y déposer son cercueil, dans une tombe creusée au fond de son lit, à laquelle sera ajouté un important trésor. Puis, le lit normal de la rivière sera rétabli et, afin d’assurer le secret du lieu, les centaines d’esclaves qui auront accompli ce tour de force, seront ensuite mis à mort.
Cette anecdote n’est, certes, pas très morale, selon nos critères d’aujourd’hui, mais elle illustre à quel point le Leadership est prégnant même après la disparition du Leader. Alaric 1er était un roi élu par acclamation. Malgré 15 ans de règne, son ascendant avait perduré et n’avait même pas été annihilé par sa mort. C’est tout le secret des grands leaders, aujourd’hui encore : faire adhérer les autres à leurs idées, les influencer, les motiver, les rendre capables de contribuer à l’efficacité et au succès d’organisations dont ils sont membres, en instaurant entre eux une relation de confiance.
Le leader est celui qui entraîne, qui prend l’initiative et que chacun suit avec enthousiasme. Il n’y a pas de recette-miracle. Susciter l’adhésion à sa personne exige que soient respectées quelques règles élémentaires. Un leader est donc d’abord attentif aux autres. Il aime les gens et s’intéresse à eux.
Maître de lui, il n’a nul besoin d’élever des barrières élitistes. Simple dans son comportement et dans la façon dont il traite les autres, il manifeste un enthousiasme communicatif, signe extérieur de sa motivation. Il réalise ses rêves et invite son entourage à les partager.
Il porte une vision riche qui le guide vers sa réussite. Traduite en stratégie gagnante, grâce à une réflexion méthodique, il sait la mettre en œuvre, de façon méticuleuse et tenace. Il est de ceux qui échouent cent fois et recommencent une cent-unième fois, tant qu’ils ont le sentiment d’avoir, à chaque nouvelle tentative, progressé vers le but. Abandonner n’est pas une option pour lui. Il sait que le succès réside dans la continuité, apprend à résister à la pression environnante et ne change pas facilement de cap.
C’est Stefan Zweig, dans sa biographie de « Sigmund Freud : La guérison par l’esprit », qui en donne l’une des plus brillante définition.
« Chaque fois qu’un homme a osé, armé de sa seule foi, entrer en conflit avec les puissances coalisées du monde et se lancer dans une bataille qui semblait absurde et sans chances de succès – qu’il s’agisse de l’esclave Spartacus luttant avec les cohortes et les légions romaines, du pauvre Cosaque Pougatchev, ayant rêvé de régner sur la gigantesque Russie ou de Luther le moine au front têtu, se dressant contre la toute-puissante fides catholica, toujours, il a su communiquer, aux autres hommes, son énergie intérieure et tirer du néant des forces incommensurables ».
Alain Goetzmann, Coach et Conseil en Leadership & Management