Tribune. Luc de Brabandère est ingénieur civil en mathématiques appliquées et licencié en philosophie. Sa carrière de consultant lui a valu un parcours flatteur au Boston Consulting Group. Se définissant désormais comme un philosophe d’entreprise, il est, par ailleurs, un auteur à succès, dont j’ai lu plusieurs ouvrages. J’ai également eu l’occasion d’assister à quelques-unes de ses conférences, pétillantes de sagesse et d’humour.
Il considère que, dans un monde vaste et complexe, nous avons trop tendance à tout vouloir simplifier. Nous créons ainsi des stéréotypes, des lieux communs, des généralisations, des approximations. Par exemple : « que pensez-vous des Espagnols » ? « Je ne les connais pas tous » devrait être la seule bonne réponse. Ou encore : « Michel-Ange était un peintre puisqu’il a peint la chapelle Sixtine ». Non, Michel-Ange était surtout un sculpteur et bien d’autres choses encore.
Nous avons aussi beaucoup de difficultés à sortir des sentiers battus, en croyant que les modèles du passé donnent des modèles pour l’avenir. Or, ce n’est pas en copiant le mouvement des ailes des oiseaux qu’on fait voler un avion et ce n’est pas en imitant le bras tendu matérialisé par une flèche qu’on a inventé le clignotant. Le futur, ce n’est donc pas le passé plus la technologie.
Par ailleurs, chacun d’entre nous est doté de plusieurs formes d’intelligence. Les tests dits d’intelligence, les fameux QI, ne donnent, en réalité, que peu d’information sur nos capacités intellectuelles. Ils datent d’une époque où l’intelligence était, pour l’essentiel, réduite à la capacité logico-mathématique de calculer, classer, extrapoler ou déduire. On sait aujourd’hui que le QI ne mesure pas l’intelligence, au sens large, car elle est multiple. Il en va des intelligences comme des groupes sanguins : il n’y en a pas de meilleures mais il y en a qui sont plus fréquentes que d’autres.
Et la question du niveau d’intelligence d’un individu est moins importante que celle de savoir quel est son type d’intelligence. Une anecdote est, à cet égard, significative : la scène se passe à l’école primaire. Des enfants doivent compléter la phrase « Le chat a … pattes et l’oiseau en a … ». Consciencieusement, les élèves rajoutent un 4 et un 2 dans les espaces pointillés pour dire le chat a 4 pattes et que l’oiseau en a 2. Mais l’un d’entre eux répond autre chose. Il écrit : « Le chat a mal aux pattes et 1’oiseau en a de la peine ». Alors, cet élève est-il moins intelligent que les autres ? Bien sûr que non. Il a une intelligence différente, et à coup sûr, plus rare. Il ne pense pas de la même manière que ses condisciples, mais, pense-t-il moins bien ?
C’est pourquoi raisonner logiquement est difficile. Chacun de nous a le désir de prendre des décisions reposant sur le bon sens et l’objectivité des situations, mais, trop souvent, c’est l’intuition qui l’emporte, simplement parce que le cerveau n’est pas vraiment entraîné à raisonner de façon construite et logique.
Même lorsqu’on fait des efforts pour tenter de raisonner avec objectivité, nous sommes souvent victimes de biais cognitifs. Ce sont des distorsions dans la perception ou le traitement d’une information. Ces biais nous conduisent à accorder des niveaux d’importance différents à des faits de même nature. Il faut donc s’en méfier et peser les décisions que l’on est amené à prendre à l’aune de ces distorsions éventuelles. Une bonne connaissance des biais identifiés vous permettra de tenter d’y échapper.
Méditons cet aphorisme du suisse Paracelse : « C’est sur soi-même qu’il faut œuvrer, c’est en soi-même qu’il faut chercher.«
Alain Goetzmann, Coach et Conseil en Leadership & Management