Ancien dirigeant, Jean-Noël Gaume est spécialiste du Management Haute Performance. Passionné par le monde de l’entreprise comme celui du sport de haut niveau, inventeur du « Management réconciliateur », il nous livre une vision réaliste pour faire mieux avancer ensemble managers et salariés au cœur d’une entreprise inspirante.
Inventeur du « Management réconciliateur », il partage dans son dernier livre 5 révélations, c’est-à-dire 5 impératifs absolus pour faire de toute entreprise une source d’inspiration. Il nous parle d’un management collaboratif qui réconcilie l’économique et l’humain, l’économie et l’écologie, le bonheur individuel et le bonheur collectif.
Adepte de l’entreprise libérée avec certaines limites, il partage avec nous la vision que l’altruisme n’est pas une utopie. Placé au cœur des relations professionnelles, il répond aux besoins fondamentaux d’une société en pleine mutation, en quête de valeurs fondatrices pour une entreprise plus juste, dans laquelle épanouissement des salariés et intérêt des dirigeants ne sont pas antagonistes, bien au contraire.
Pourquoi ce livre sur « L’entreprise inspirante » ?
Nous vivons un changement d’ère traversé par des ruptures profondes qui sont l’avènement du numérique, la transition énergétique, les dérèglements climatiques, les sauts générationnels et la vertigineuse accélération du temps.
C’est une révolution industrielle inédite qui a donné naissance à des générations mondialisées, biberonnées à la sauce digitale et qui rend obsolètes tous les modelés économiques sociaux, sociétaux et environnementaux qui ont structuré nos sociétés jusqu’à aujourd’hui.
On est passé d’un monde stable à un monde instable, d’un monde de fixité à un monde de mobilité, un monde prévisible à un monde imprévisible. Nous savons qu’en situation imprévisible ou de crise, les rendements motivationnels sont décroissants en intensité et en durée.
Cela veut dire que le facteur humain va cristalliser toutes les attentions parce que le fossé de génération avec l’ancien monde est vertigineux. Ce n’est plus la culture du statut et de la soumission qui importe, mais celle de la collaboration, de l’ouverture, de l’interconnexion et de l’agilité.
C’est quoi une « entreprise inspirante », selon vous ?
L’entreprise inspirante peut être la vôtre ! C’est celle qui installe les générations sur une trajectoire qui encourage la bienveillance, autorise la libération des énergies, ouvre des espaces de progrès et de liberté, apporte l’harmonie quotidienne et donne l’espérance d’une vie réussie.
Tous les entrepreneurs, cadres dirigeants, et managers en général doivent avoir l’ambition profonde de faire de l’entreprise un lieu de bien-être et de progrès où ce qui est donné au client est un gain pour soi, où le service est un lieu de ressources, où l’énergie donne la confiance, où le travail donne le destin et où l’excellence apporte le bonheur et la longévité.
L’entreprise inspirante est donc celle pour laquelle la journée productive, est le plaisir à vivre, l’apprentissage, le sourire et la croissance des chiffres.
Vous écrivez qu’il faut sortir de la dictature du « ou » pour entrer dans l’obligation du « et ». Expliquez-nous.
Pour performer durablement, l’entreprise doit fermer une porte derrière elle définitivement et en ouvrir une autre. Sortir de la dictature du « ou » pour entrer dans l’obligation du « et », c’est réconcilier simultanément les intérêts de l’entreprise et les intérêts des personnels, le travail et le plaisir, l’argent et le bien-être, l’engagement professionnel et la qualité de vie personnelle.
L’entreprise pérenne est celle qui pourra appliquer plus que jamais des solutions innovantes avec toujours plus de responsabilisation, de délégations et d’amplifications des temps motivationnels de ressourcement. On a fait du travail une torture, on s’est trompé ; c’est au contraire le seul lieu où l’individu peut développer ses talents et trouver son achèvement.
Il faut donc tout réconcilier, à la fois les intérêts des entreprises et ceux de leurs salariés. Cela veut aussi dire pour les entreprises du CAC 40 de rééquilibrer les choses, de répartir avec équité les bénéfices et de récompenser tous ceux qui travaillent. Le « ou » divise, le « et » rassemble et réconcilie.
Très optimiste sur la valeur des hommes et des femmes dans l’entreprise, vous affirmez que tous les individus peuvent être géniaux.
Oui, je l’affirme, tous les individus peuvent être géniaux et cela n’est ni un discours de communiquant ni ne tient du miracle. Il y a une part d’inné bien sûr mais aussi une grande part d’acquis, car le management reçu a une très grande importance.
C’est d’ailleurs pour cela que dans le Management Haute Performance que je prône, je fais toujours le parallèle avec le sport de haut niveau. Si Macron et Zidane sont devenus ce qu’ils sont aujourd’hui, c’est parce qu’ils ont aussi été bien managés à un moment de leur vie. Il n’y a pas de hasard.
Alors oui, tous les individus peuvent être géniaux. C’est ma conviction profonde, mais c’est aussi une certitude.
Vous parlez d’un nouveau modèle de société à inventer et par conséquence d’un nouveau modèle de management, c’est-à-dire…
Nous ne sommes plus à l’époque de la soumission à un statut. Avant, être manager ou dirigeant suffisait pour être légitime. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Nous en avons fini avec les cadres et les salariés soumis. Le monde est en train de changer.
La culture de la soumission est terminée. Et pour une raison simple, c’est que les cadres dirigeants ne sont plus les seuls à détenir le savoir. Avec les nouvelles technologies, la connaissance est désormais à portée de clic de tout un chacun.
Donc pour être légitime, l’encadrement doit travailler sur la densité de son apport managérial. On doit doter l’entreprise de demain de vrais managers comme il y a de vrais managers-entraîneurs dans le sport. On va changer d’univers. Les cadres ne seront plus des petits chefs, mais de vrais coachs qui managent côte à côte de leurs équipes et non plus au-dessus.
Vous n’adhérez pas totalement au concept « d’entreprise libérée ». Pourquoi ?
J’y adhère en partie, mais pas totalement en effet, parce que l’on ne peut pas tout libérer dans l’entreprise. On ne peut pas libérer notamment les fondamentaux, ce qui fait l’ADN de l’entreprise. On confond trop souvent l’activité et le métier.
Ce qui fait l’ADN d’une entreprise, ce n’est pas son activité qu’elle partage avec nombre de ses concurrents, mais bien son métier et sa façon de l’exercer qui la rendent unique et en font sa force. Auchan, Carrefour et Leclerc ont la même activité, mais ils ne font pas du tout le même métier.
C’est pourquoi, il ne peut y avoir de réussite sans un bon management. Et cela passe par un « management réconciliateur » parce qu’on ne peut jamais réussir tout seul. Il n’y a rien de pire dans une société que de donner à un individu un travail mais pas de management !
Qui ne rend pas de comptes ne se rend pas compte. Il n’y a pas de management sans conscience. D’où l’importance d’une hiérarchie côte à côte et non pas verticale. Mais il doit y avoir une graduation des managers et des coachs et il doit toujours exister un leader, celui qui a une vision et qui va inspirer et entraîner les autres.
Pourquoi cette nouvelle vision est plus difficile à faire passer en France que dans les pays anglo-saxons ?
C’est vrai que les pays anglo-saxons ont une vision plus optimiste que nous. Dans la culture anglo-saxonne, on prend plus facilement des risques, parce que si l’on se plante, ce n’est pas grave, on repart de plus belle avec une nouvelle énergie.
La France est un pays de culture latine, où jusqu’à présent, l’on était plus attiré par le problème que par le succès. Mais les choses sont en train de changer avec les nouvelles générations, les Millénials qui arrivent sur le marché du travail, qui parlent tous anglais et qui voyagent déjà beaucoup.
Ils voient ce qui se passe ailleurs, ils ont envie de devenir leur propre patron et ils n’ont pas peur de se lancer, d’innover. Il y a donc tout un changement culturel à opérer et cela passe obligatoirement par une révolution des méthodes de formation.
Pour faire évoluer les cadres dirigeants dans notre pays, il faut les faire accompagner par des coachs, non pas seulement pendant un mois, mais au moins pendant un an. Les patrons de PME doivent aussi se faire accompagner.
C’est courant dans les pays anglo-saxons. En France, ça prend plus de temps, mais on y vient peu à peu. La CGPME a donc un véritable chantier à opérer sur cette question.
Encouragez-vous le télétravail ?
Il faut le favoriser à mort ! Pourquoi bloquer ses équipes dans les embouteillages chaque jour plusieurs heures alors qu’elles pourraient être efficaces et bien plus productives chez elles ? Les dirigeants bloquent parce qu’ils ont peur de perdre le contrôle.
C’est faux ! On peut aussi contrôler ses équipes à distance, c’est du management ! Mais pour cela, il faut mettre en place un vrai management en créant du lien, en organisant un système de rencontres.
Vous dites que le véritable enjeu, c’est le bonheur ?
Oui, car nous cherchons tous à être heureux. En cherchant à faire le bonheur de ses clients, le bonheur de ses salariés, le bonheur de ses actionnaires et en protégeant l’environnement, l’entreprise crée forcément un cercle vertueux et donne du sens à son métier.
Mais il faut donner pour recevoir, c’est pourquoi il faut intégrer de l’altruisme dans l’entreprise au travers de quatre directions : la réussite de l’entreprise, les avancées dans le domaine social, le fonctionnement en équipe et l’élévation personnelle de chacun.
Un dernier message à faire passer aux managers qui nous lisent ?
Vos collaborateurs ne sont pas responsables du résultat, mais du chemin. C’est le manager qui est responsable du résultat. En pratiquant un management réconciliateur, côte à côte de ses équipes, on fait de sa société une entreprise inspirante, toujours plus performante, qui va se développer en créant des emplois.
C’est pourquoi, on doit tous avoir le souci de faire de l’entreprise un lieu de bien-être. L’entreprise doit donner à chacun l’appétence d’une vie réussie.