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Marc Pradal (Kiplay) : « Le made in France ne doit pas devenir un simple concept marketing vide de sens »


Créée en 1921, Kiplay s’est spécialisé dans les vêtements de travail technique. La PME iséroise est plébiscitée par certains grands groupes français dans le secteur des travaux publics et du BTP,  les grandes agglomérations et le secteur aéronautique. Marc Pradal, PDG de Kiplay, revient sur son expérience de délocalisation et de relocalisation en expliquant les motivations intrinsèques de ses décisions.

Entreprendre - Marc Pradal (Kiplay) : « Le made in France ne doit pas devenir un simple concept marketing vide de sens »

Créée en 1921, Kiplay s’est spécialisé dans les vêtements de travail technique. La PME iséroise est plébiscitée par certains grands groupes français dans le secteur des travaux publics et du BTP,  les grandes agglomérations et le secteur aéronautique. Marc Pradal, PDG de Kiplay, revient sur son expérience de délocalisation et de relocalisation en expliquant les motivations intrinsèques de ses décisions.

Pourquoi avoir décidé de délocaliser dans les années 80-90 ?

Nous avons aujourd’hui près de 100 ans d’existence, la société a connu au cours de son histoire des heures florissantes mais aussi traversé des périodes plus difficiles dans les années 80-90. À cette époque, nos concurrents délocalisaient. Nous avions alors un produit assez basique et nous ne souhaitions pas délocaliser en maintenant une production française.

Nous avons connu une quinzaine d’années très difficiles durant lesquelles l’entreprise a failli disparaître. J’ai donc décidé d’orienter notre produit de façon plus technique et de délocaliser la production à l’étranger – principalement en Tunisie – afin de sauver l’entreprise. Ces orientations nous ont permis de nous sortir de cette situation délicate.

J’ai toujours souhaité conserver un savoir-faire français à travers un bureau d’études, un petit atelier permettant de maîtriser toute la partie création, coupe et mise au point des modèles. Nous avons à cœur de conserver les procédés de fabrication et toute la partie « savoir-faire » qui constitue notre valeur ajoutée.

Nous avons délocalisé à contrecœur mais nous n’avions pas d’autres choix : la concurrence travaillait avec un schéma de délocalisation forte.

Comment avez-vous procédé afin de retrouver les origines et l’ADN de l’entreprise dans les années 2000 ?

L’entreprise s’est remise sur les rails à cette époque, j’ai alors souhaité retrouver nos racines. J’aurais aimé relocaliser la production mais il était impossible de relocaliser certains produits car nous sommes sur un segment de vêtement professionnels où les prix sont tirés vers le bas et où la marge de manœuvre est faible.

J’ai donc décidé de trouver de nouveaux marchés afin de produire en France. Il n’est pas question de relocalisation mais d’une nouvelle production française à travers des produits plus haut de gamme qui se prêtent plus facilement à une production en France. Ces nouveaux produits étant sur un secteur de niche, le prix de marché est plus en adéquation avec le prix de fabrication française.

Nous avons deux types de produits très similaires : le jean haut de gamme et le vêtement de travail en prêt-à-porter. Nous avons lancé une nouvelle marque, Kiplay Vintage, positionnée sur le prêt-à-porter vintage, inspirée de vieux vêtements de travail réalisés à partir de tissus français et que l’on a traités de façon différente.

Quels sont les enjeux de cette nouvelle production en France ?

Kiplay s’est engagé dans un nouveau challenge en développant une nouvelle cible clients BtoC. Aujourd’hui, une quinzaine de personnes travaillent en production pure sur cette nouvelle unité. Nous fabriquons les jeans sous notre propre marque et sous d’autres marques. De jeunes créateurs ont lancé des sites Web : des entreprises comme French Appeal ou AVN nous sollicitent pour la fabrication de leurs jeans, tout comme Saint James, qui propose des lignes de prêt-à-porter inspirées de l’univers marin.

Quel est votre objectif ?

Notre objectif à terme est d’équilibrer l’activité BtoB et BtoC. Nous connaissons parfaitement les problématiques de production qui suppose d’avoir une production équilibrée tout au long de l’année. Nous souhaitions d’une part avoir des produits sur lesquels nous avons une totale maîtrise de distribution, et d’autre part, fabriquer des produits pour certains clients.

Nous devons avoir l’assurance de pouvoir alimenter notre atelier. Il fallait être très courageux pour se dire que nous allions reproduire en France avec les problématiques de production et de marché que nous connaissons.

Une relocalisation totale de la production est-elle envisageable à l’avenir ?

Cela supposerait que le pays accepte des changements tellement profonds, que cela me semble à peine envisageable… Tout le monde souhaite des changements mais personne ne les accepte lorsque cela les concerne. Il faudrait savoir remettre en cause toute notre méthode sociale, je suis donc assez sceptique sur le sujet.

Il existe un tel décalage de protection sociale en France, de charges sur les entreprises et sur l’outil de production, qu’il faudrait remettre à plat toute notre organisation. Si le différentiel était de l’ordre de 10-15 % sur les coûts, on pourrait y réfléchir ? Mais cela va bien au-delà, l’écart est tel que cela ne semble guère réaliste.

Pour autant, la confection et l’habillement ont toujours été des secteurs précurseurs dans la délocalisation mais aussi dans une forme de relocalisation avec un amour fort de la production française et le souhait manifeste de sauvegarder des savoir-faire. Nous devons batailler sur ce créneau afin d’offrir des produits différenciants. Cela exige une grande créativité mais aussi un effort sur la formation des jeunes dans les lycées professionnels.

Les jeunes qui sortent de l’école ne sont pas suffisamment formés : il faudrait, à l’image d’Hermès ou Louis Vuitton, avoir des centres de formation internes aux entreprises pour développer un savoir-faire spécifique.

Que pensez-vous du retour en grâce du « made in France » ?

Il existe des pistes avec des entreprises qui travaillent très discrètement en France depuis des années. La qualité des produits ou des services est un prérequis essentiel. Il y a effectivement à faire revenir de la production de certains produits en France car on s’aperçoit qu’il existe des coûts cachés significatifs – le transport et les délais d’approvisionnement sont des contraintes importantes.

Certains produits peuvent être refabriqués en France. Cette tendance autour du « made in France » est très positive. D’ailleurs, je trouve qu’Arnaud Montebourg a mené une action très intéressante sur ce thème en décomplexifiant le « made in France ». Il faut cependant être prudent, si nous avons des savoir-faire extraordinaires à faire valoir, le « made in France » ne doit pas pour autant devenir un simple concept marketing galvaudé et vide de sens.

Lorsque j’ai su que mon fils allait intégrer l’entreprise après sa formation à l’École Supérieure des Industries du Vêtement, cela a donné un sens supplémentaire à mon projet. Derrière moi, il pourrait s’occuper de la production française.

Kiplay en bref

CA 2016 :

10,4 M€

48

salariés

650 000

vêtements fabriqués par an

Implantation : Saint-Pierre-D’Entremont (Isère)

Concurrence : T2S, Cepovett, Modyf, Protextyl…

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