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Mathieu Gallet, l’homme pressé


Après avoir connu une carrière météorique Mathieu Gallet (42 ans) veut constituer un empire du podcast avec sa start-up, Majelan.

Entreprendre - Mathieu Gallet, l’homme pressé

Après avoir connu une carrière météorique en étant nommé, à 33 ans, président de l’INA et, à 37 ans, de Radio France, ce Sciences-Po Bordeaux de 42 ans s’est reconverti en entrepreneur. Majelan, sa start-up de podcasts audio, veut devenir le Netflix de la radio.

Comment avez-vous eu l’idée de Majelan ?

Mathieu Gallet : L’idée est née pendant mes années de présidence à Radio France, période pendant laquelle l’audience des podcasts a commencé à croître fortement. Je me suis rendu compte qu’il manquait deux choses, d’une part la découverte facile de nouveaux contenus et d’autre part l’accès à des contenus de catalogue et d’archives que l’on puisse écouter sur la durée, à tout moment. Avec Arthur Perticoz, nous avons donc fondé Majelan avec l’idée de devenir la plus grande bibliothèque audio du marché et de fournir un service pour tout public, tout âge, à la fois gratuit et sur-mesure, sans aucune équivalence en France comme à l’international.

Vous avez été successivement manager dans le privé, conseiller ministériel, à la tête de l’INA, puis de Radio France. C’est votre première création d’entreprise. Que vous apporte cette nouvelle expérience ?

M.G. : Vous avez raison de le souligner, c’est ma première expérience d’entrepreneur. Ce que j’apprécie tout particulièrement, c’est la vitesse. Le projet Majelan est né en avril 2018, nous nous sommes associés avec Arthur en mai, avons fait notre première levée de fonds en juillet et déposé les statuts en décembre 2018, pour un lancement de notre application en moins de six mois, tout début juin 2019. J’apprécie cette vitesse, cette capacité permanente d’innovation et de transformation, mais aussi la grande liberté que m’offre l’entrepreneuriat. On part d’une page blanche et on crée tout de A à Z, avec une équipe de 25 collaborateurs très motivés, qui allie les compétences de managers expérimentés à celles de plus jeunes, experts du numérique, dont c’est parfois le premier poste.

Le podcast commence à séduire les Français, même si on est encore loin des Etats-Unis. Pourquoi faut-il croire à Majelan ?

M.G. : On a tous les yeux rivés sur les Etats- Unis, puisqu’un tiers des Américains écoute des podcasts chaque mois, mais ce n’est rien comparé à la Chine, où ce marché représente plusieurs milliards de dollars (contre 500 millions aux USA). En France, les chiffres augmentent, puisque déjà 4 millions de Français en sont fans, soit une croissance de 25% en un an. Majelan, c’est d’abord une application qu’on télécharge sur son smartphone et qui permet de découvrir dans un immense catalogue tous les contenus audio disponibles gratuitement, qu’on appelle des podcasts (280 000 contenus).

Ça peut être des émissions de radio, mais aussi des archives de l’Institut national de l’audiovisuel, qui est partenaire. Notre force, c’est la simplicité d’usage et la fluidité. A tout ce catalogue 100% gratuit, nous avons ajouté une offre de 20 programmes payants par abonnement, dont 7 contenus exclusifs, originaux de haute qualité, produits au sein du label Majelan Studio.

Pour ces contenus originaux, vous avez fait appel à de nombreuses personnalités ?

M.G. : Oui, comme des nouvelles de Guy de Maupassant interprétées par Claire Chazal, Michel Drucker et Laurence Ferrari, ou une première saison de 6 épisodes de « Tu deviendras Grand » narrée par Franck Ferrand, pour découvrir la jeunesse méconnue de grands personnages historiques. Ces programmes s’adressent à toute la famille, mais nous proposons aussi des contenus plus spécifiques à destination des enfants ou de la génération des Millennials.

Comment expliquez-vous un tel succès de l’écoute et du son aujourd’hui ? Est-ce notamment parce que les chaînes d’info en continu et les réseaux sociaux ont changé notre rapport à l’image ?

M.G. : C’est surtout parce que l’audio est devenu une véritable alternative au tout- image. Notre quotidien est envahi par les écrans. Nous avons donc besoin de nous débrancher sans le faire complètement. D’où la force de l’audio, car ce sont des contenus faciles d’accès, mobiles, qui nous permettent une vraie qualité d’écoute tout en faisant autre chose en même temps : conduire notre voiture, prendre les transports en commun, faire du sport, cuisiner…

Si on regarde les derniers chiffres publiés par Médiamétrie, on constate pourtant une érosion de l’écoute radio traditionnelle…

M.G. : Oui, c’est indéniable, avec 800 000 auditeurs perdus sur une année. Les grandes radios sont passées d’un taux de pénétration de 82% à 77% aujourd’hui, plus particulièrement dans les grandes métropoles, car l’érosion est moindre dans les villes de taille moyenne et les zones rurales. C’est en fait l’usage de la radio qui est en train de changer, comme cela a été le cas pour la télévision et le cinéma avec le replay et les plateformes comme Netflix, et pour la musique avec Spotify. Nous avons tous besoin d’être plus libres pour regarder ou écouter nos programmes préférés. On veut pouvoir le faire à toute heure du jour et de la nuit, partout, quand ça nous chante. Et c’est là, toute la force de notre application Majelan qui grâce à ses algorithmes permet de trouver le contenu audio idéal ou de suivre les recommandations de nos playlists.

Etes-vous satisfait de vos premiers résultats et quels sont vos objectifs ?

M.G. : Nous sommes plutôt très satisfaits puisqu’en à peine cinq semaines, nous avions déjà atteint les 60 000 téléchargements, sans aucune campagne marketing, et les chiffres progressent chaque jour. Pour le moment, les auditeurs sont plutôt sur un format hebdomadaire, pas encore sur une utilisation quotidienne. Notre objectif – qui est le véritable enjeu – est de prendre le leadership rapidement, afin de devenir le leader européen puis international du marché audio-narratif. Nous allons rapidement faire une deuxième levée de fonds pour gérer notre hyper croissance, faire des campagnes de communication et développer de nouveaux contenus, en français et en anglais, mais aussi dans les principales langues d’usage.

Arriverez-vous à rester une entreprise française ?

M.G. : Nous sommes très attachés à notre statut d’entreprise française, basée en France, financée par des fonds français, mais notre ambition est clairement internationale, c’est pour cela que nous avons tout fait dans ce sens dès la création, avec une vision globale et internationale. Car aujourd’hui, si vous ne pensez pas global dès le début, vous sortez du jeu !

Propos recueillis par Valérie Loctin

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