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Matthieu Creux (Avisa Partners) : « Nous avons vocation à créer un géant international de l’intelligence économique »


Matthieu Creux dirige Avisa Partners, le groupe d’Intelligence économique basé à Paris. Depuis 2019, Avisa Partners compte le fonds Raise à son capital mais reste détenu majoritairement par ses associés. Entreprendre – Avisa Partners a bouclé l’année 2021 avec plusieurs acquisitions à son actif, notamment 35°Nord et l’Observatoire des Pays...

Matthieu Creux (Avisa Partners)

Matthieu Creux dirige Avisa Partners, le groupe d’Intelligence économique basé à Paris. Depuis 2019, Avisa Partners compte le fonds Raise à son capital mais reste détenu majoritairement par ses associés.

Entreprendre – Avisa Partners a bouclé l’année 2021 avec plusieurs acquisitions à son actif, notamment 35°Nord et l’Observatoire des Pays arabes. Prévoyez-vous de nouvelles opérations dans les mois à venir ?

Matthieu Creux – Comme nous l’avons expliqué il y a plusieurs années, notre objectif stratégique est bel et bien de constituer un acteur de taille internationale, à pavillon tricolore. Nous avons une très forte croissance organique : nous sommes passé de 40 à près de 500 clients entre 2017 et 2021, et en 2022, nous prévoyons de recruter près de 60 personnes dans tous les métiers du groupe : ingénieurs cyber, analystes, enquêteurs privés, développeurs web, communicants, etc.

En parallèle, nous continuons notre stratégie de croissance externe. Depuis 2015, année d’une première acquisition réalisée aux États-Unis, nous avons acquis une petite dizaine d’entreprises en nous rapprochant de partenaires stratégiques pour compléter nos offres, agrandir notre fonds de commerce et nous rapprocher d’entrepreneurs et d’équipes qui composent aujourd’hui les rangs d’Avisa Partners.

Entreprendre – Comment financez-vous toutes ces acquisitions qui surprennent le marché, qui n’imaginait peut-être pas qu’un petit acteur, ce qu’était Avisa il y a quelques années, puisse réussir à se développer à un tel rythme ? 

Matthieu Creux – Nous consacrons une large partie de notre rentabilité, pour ne pas dire toute notre profitabilité, à construire notre futur. Cela nous permet d’investir, de créer de nouvelles offres, de recruter les meilleurs et de les fidéliser, et d’augmenter notre empreinte aux côtés des dirigeants, qui nous confient de plus en plus de sujets sensibles. Nous avons ainsi lancé sur fonds propres notre activité aux États-Unis, qui représente, en moins de deux ans, plus de 10 millions de dollars de chiffre d’affaires, et qui irrigue tous les métiers du groupe.

Sur le financement des acquisitions, nous sommes adossés à un pool bancaire composé des plus grandes banques françaises. Nous sommes soutenus par nos actionnaires financiers, Raise Investissement et Rives Croissance, qui restent minoritaires aux côtés des équipes et des fondateurs. Ils nous ont beaucoup aidé à grandir, aussi bien en nous aidant à structurer un très jeune groupe, qu’en nous aidant à financer des acquisitions stratégiques.

Entreprendre – Qui sont Raise Investissement et Rives Croissance ? Pourquoi les avoir choisis et leur avoir ouvert votre capital, car à part l’ADIT qui a récemment ouvert son capital aux franco-canadiens Sagard, il est plutôt d’usage de garder le contrôle national des entreprises d’intelligence économique ?

Matthieu Creux – Rives Croissance est un fonds qui appartient à la Banque Populaire. Raise Investissement est une société d’investissement française dont les actionnaires sont essentiellement des institutionnels et des grands groupes français, comme Axa, Total, EDF, Accor ou la Caisse des Dépôts et des Consignations et la Fondation de France. Nous les avons choisis à l’issue d’un processus concurrentiel qui eut lieu en 2019, où ont participé la plupart des fonds d’investissement de la place. Au-delà des sujets financiers sous-jacents à toute opération capitalistique, c’est aussi une question de rencontre. Nous avons compris que nous pouvions bien nous entendre avec Raise et Rives Croissance et je crois que c’était un bon choix.

Nous avons ouvert notre capital en 2019 pour nous aider à grandir et avoir des alter ego expérimentés avec qui échanger sur la stratégie de croissance. Il s’agissait aussi de valoriser notre entreprise, de faire venir des auditeurs et des investisseurs de tous horizons et casser une certaine image un peu vieillote de l’intelligence économique, toujours un peu sulfureuse vue de l’extérieur. Avisa Partners travaille pour les plus grandes entreprises du monde, les plus belles start-ups, des fonds d’investissement, et nous avons des contrats majeurs avec l’État français, l’un de nos premiers clients. Cette performance commerciale et opérationnelle se traduit en valorisation, aujourd’hui plusieurs centaines de millions d’euros, ce qui fait la fierté des équipes, largement actionnaires du groupe.

Entreprendre – La pandémie a perturbé le monde de l’événementiel en 2021. Avez-vous été affectés, vous qui organisez aussi quelques rendez-vous institutionnels ?

Matthieu Creux – Avisa Partners organise chaque année le Forum International de la Cybersécurité (FIC) à Lille, en partenariat avec la Gendarmerie Nationale. Nous avons dû le décaler en fonction du contexte sanitaire, mais le FIC s’est bien tenu en septembre 2021, et a été encore une fois un vrai succès. La prochaine édition aura lieu à l’été 2022. Le Forum pour la paix et la sécurité de Dakar, que nous organisons avec le ministère des Affaires étrangères sénégalais a également pu se tenir dans des conditions satisfaisantes. Nos équipes ont aussi organisé les dernières Vauban Session en janvier, avec la Commission européenne et l’OTAN. Dans quelques jours, nous organisons avec le Ministère de l’Intérieur une grande simulation de crise cyber à Tourcoing dans le cadre de la Présidence française de l’Union européenne. Nos équipes ont su s’adapter dans un contexte très compliqué.

Entreprendre – Avec les intégrations successives de CEIS, de 35°Nord, de l’Observatoire des Pays arabes, comment sont structurées les activités du groupe aujourd’hui ?

Matthieu Creux – Le fil conducteur de nos métiers réside dans notre capacité à appuyer, à l’international, des dirigeants dans des moments stratégiques, sensibles et complexe. Nous fournissons une suite de services en mesure d’informer les dirigeants, de sécuriser leurs opérations et de faire face à toutes les formes d’hostilité, qu’il s’agisse du piratage informatique, de la contrefaçon, de la concurrence déloyale, de fraude ou de corruption, etc. Nous avons quatre grandes activités : la cybersécurité, la gestion du risque économique, les affaires publiques et la communication stratégique, et enfin les relations internationales. Les dossiers qui nous sont confiés amènent les équipes à travailler de manière pluridisciplinaire, en mobilisant nos bureaux de Londres, Washington, Bruxelles et Paris.

Entreprendre – Quelles évolutions avez-vous noté ces cinq dernières années en termes de business ?

Matthieu Creux – Les métiers changent, et embarquent de plus en plus de technologies. Je pense au Cyber, bien entendu, mais également à l’Investigation, qui a été bouleversée par les techniques de l’OSINT ou par la complexité et la rapidité de certains mouvements financiers. Ou encore aux campagnes d’influence digitale, qui s’appuient désormais sur un panel d’outils issus du content marketing et du SEO… Du côté de nos clients, ils sont de plus en plus confrontés à des problématiques internationales, et attendent de nous des capacités de projection dans des zones géographiques complexes. C’est pourquoi nous avons considérablement renforcé nos capacités sur les pays arabes et africains. Cela correspond de plus à un vrai enjeu stratégique pour nos clients du secteur public, notamment le Ministère des Armées, Interpol, ou la Commission européenne.

Entreprendre – Avisa Partners est-il un groupe en mesure de devenir, un jour, une licorne française ?

Matthieu Creux – Il nous faudra quelques années encore, mais croyez-moi, c’est le plan… Mes associés et moi y arriveront. On part de loin, mais on avance vite : en 2015, Avisa faisait à peine un million d’euros de chiffre d’affaires ; six ans plus tard, on fait 50 fois plus. Il reste du travail, mais on a peut-être fait le plus dur, c’est-à-dire émerger et nous structurer pour y arriver. D’autant que le marché est prêt.

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