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Max Piccinini : « Nous sommes les victimes permanentes d’une surcharge d’informations »


Selon le coach Max Piccinini, la charge mentale serait une surcharge de notre « bande passante » mentale qui peut aller jusqu’à l’explosion. D’après les statistiques de 2015 de l’INSEE, 71 % des tâches ménagères et près de 65 % des tâches d’éducation sont assurées par les femmes. La charge...

Entreprendre - Max Piccinini : « Nous sommes les victimes permanentes d’une surcharge d’informations »

Selon le coach Max Piccinini, la charge mentale serait une surcharge de notre « bande passante » mentale qui peut aller jusqu’à l’explosion. D’après les statistiques de 2015 de l’INSEE, 71 % des tâches ménagères et près de 65 % des tâches d’éducation sont assurées par les femmes. La charge mentale touche-t-elle toujours autant les femmes que les hommes ? Sommes-nous tous égaux devant ce mal ? Comment s’en libérer ou le transformer positivement ? Les explications de Max Piccinini, entrepreneur, auteur et fondateur de l’entreprise de coaching ReussiteMax.

Pourquoi considère-t-on souvent la charge mentale d’abord comme une problématique féminine ?

Ce sont surtout les femmes qui le pensent ! Cela étant, il est vrai que les femmes sont plus particulièrement accaparées, sollicitées, appelées par des tâches à la fois familiales et professionnelles, quand les hommes le sont davantage par leurs seules préoccupations professionnelles. En outre, les femmes expriment volontiers ce qu’elles ressentent, notamment leurs difficultés, un trait de caractère plus rarement masculin.

La charge mentale serait donc liée à des qualités jugées plus spécifiquement féminines

Effectivement, car non seulement les femmes ont cette faculté de pouvoir penser simultanément à davantage de choses que les. Désormais elles sont massivement engagées dans la vie professionnelle et ont souvent d’importantes responsabilités. Tout ceci aboutit, pour elles, à un sentiment de trop plein. Pour autant, j’observe dans mes séminaires que de plus en plus d’hommes prennent conscience de ces difficultés et savent se montrer aidants pour leur compagne.

Il faut ici mener un double mouvement en parfaite symétrie : les hommes doivent cesser de considérer que c’est aux femmes seules d’assumer les tâches du foyer, de leur côté les femmes doivent apprendre à demander de l’aide aux hommes de façon très directe. En effet, les femmes attendent de leur mari qu’il change, mais elles ne savent pas leur parler le langage homme. Nous sommes ici dans l’ordre de la linguistique. Il faut donc sortir d’un mode suggestif et lui préférer un mode directif.

Ainsi, plutôt que de dire « tiens, l’ampoule a grillé », il faudrait dire clairement « pourrais-tu changer l’ampoule ? ». Le message direct est bien plus performant et permet à un homme de se mettre en mouvement.

La charge mentale serait donc une expression de l’époque ?

Je le crois. Nous sommes si sollicités aujourd’hui que nous sommes les victimes permanentes d’une surcharge d’informations, ce qui génère du stress. Autrefois, la publicité n’était pas si agressive, l’information n’était pas en continu, les réseaux sociaux n’existaient pas…

Qu’est-ce que les hommes que vous rencontrez dans vos séminaires expriment de leurs difficultés face à cette charge mentale ?

S’épancher relève plutôt du féminin. Dans mes séminaires, ce sont d’ailleurs très largement les femmes qui lèvent la main pour prendre la parole et dire leurs difficultés notamment en matière de communication avec leur mari. Les femmes ont le goût du partage et de la confession quand les hommes ont tendance à préférer gérer leur problème tout seul…

Faudrait-il dans ce cas commencer par lutter contre les stéréotypes de genre ?

Les hommes doivent effectivement apprendre à mieux communiquer, notamment sur leur propre charge mentale et leurs émotions, leur côté les femmes doivent changer de stratégie. Il faut sortir de la démarche qui consiste à demander aux hommes de changer (C’est valable dans l’autre sens aussi …), elle a prouvé son inanité, et apprendre à dire clairement sa problématique. En somme, nous devons tous faire un effort de communication.

Pour autant, ne peut-on s’accorder sur les bénéfices secondaires de la charge mentale en ce sens qu’elle pousse à développer un certain nombre de qualités (sens de l’organisation, bonne gestion du temps, de la logistique…) ?

Ce n’est pas faux, pour autant ce qui génère du stress émotionnel c’est de penser sans cesse à la multitude des tâches à accomplir et de focaliser dessus. Rien de pire ! Par ailleurs, le cerveau ne peut fonctionner en continu. Il faut donc savoir s’aménager des espaces de détente, se relaxer, voire méditer.

Chaque problématique étant souvent l’expression d’une opportunité, ce trop-plein initial peut être l’occasion d’apprendre à mieux s’organiser ce qui peut passer par des listes de tâches, de la délégation et/ou de l’entraide. Par exemple, on peut ainsi se concerter entre copines en vue de mutualiser les courses et les faire une fois par semaine chacune son tour. Il faut en somme privilégier les logiques collaboratives seules à mêmes d’alléger le quotidien. Enfin, il faut consacrer une 1⁄2 heure en début de semaine pour bien s’organiser en vue de se libérer l’esprit des tâches répétitives et être ainsi plus présent(e) au monde.

Doit-on résumer la charge mentale à une problématique de communication dans le couple ?

Non et la communication ne peut pas tout. Même en proposant des solutions, il peut arriver que la personne n’en veuille pas, car il y a des bénéfices secondaires à la plainte comme celle de la posture victimaire. C’est un mécanisme psychologique et l’un des meilleurs moyens pour combler ses besoins d’importance, d’attention et de sécurité.

En tant que coach, je dois justement attirer l’attention sur la nécessité de ne pas utiliser la charge mentale comme une opportunité pour se plaindre. Je dois aussi savoir faire le distinguo entre ceux qui veulent vraiment apporter une solution à leur problème et ceux qui veulent juste en parler. Est-on orienté solution ou problème ? Est-ce que je veux que l’autre change ou suis-je prêt à changer ? Voilà les premières bonnes questions à se poser pour y faire face.

Les outils numériques, parce qu’invasifs, ont eu aussi un fort impact sur l’accroissement de la charge mentale. Comment les contrer ?

Avec les outils numériques et les réseaux sociaux, nous sommes en perpétuelle surabondance d’informations et en sous-abondance de sagesse. Il faut apprendre à arbitrer et à discriminer ce qui est vraiment important de ce qui est anecdotique. C’est une discipline difficile, mais les enfants nous l’apprennent chaque jour: prendre du temps pour rêvasser permet de se construire et d’être plus créatif. En ce sens, il faut savoir pratiquer l’introspection, prendre des rendez-vous avec soi, se poser les bonnes questions, hiérarchiser ses priorités pour se concentrer sur l’essentiel, être capable de dire non à 90 % de ce qui nous est proposé pour pouvoir dire un vrai oui aux 10 % qui compte vraiment.

Diminuons par exemple, le temps consacré aux réseaux sociaux pour nous connecter réellement à nous-mêmes, aux autres et développer ainsi une pleine présence au monde. Il y a un temps pour réfléchir et un temps pour agir et donner le meilleur de soi-même. J’ai moi-même encore à progresser sur le sujet… C’est le travail d’une vie.

Choisir l’empathie, la compassion, est-ce la bonne voie pour se délester de cette charge mentale ?

Effectivement, car quand on fonctionne en « nous », le discours change. Il faut élever son niveau de conscience, sortir du Moi versus Toi pour entrer dans le Nous. Nous le foyer, Nous la famille. C’est en s’oubliant que l’on se retrouve, en donnant que l’on se remplit naturellement. Je crois beaucoup à cette philosophie taoïste. Chaque couple doit apprendre à se parler. Il faut pour ce faire convenir de règles de communication, aménager des temps de parole pour déminer tout sujet de frustration ou de crispation et réussir à progresser.

Chacun doit se demander comment il peut aider l’autre et lui rendre la vie plus facile et plus belle. Comme le dit Matthieu Ricard, plus on cultive la compassion, plus on progresse sur la voie du bien-être authentique, et plus on devient pleinement disponible pour autrui. Pour que les choses changent, je dois changer. Il faut donc mener un travail personnel pour réussir à s’améliorer, progresser, apprendre à mieux communiquer et pour, comme disait Gandhi, être le changement que nous voulons voir dans le monde.

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